Droits réels des tiers : la conception trop compréhensive de la CJUE
L’article 5 du règlement du 29 mai 2000, qui protège les droits réels des tiers sur des biens localisés dans un État membre contre les effets d’une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre, est bien connu. Sa mise en œuvre suppose de déterminer ce que l’on entend par « droit réel » au sens de ce règlement. La Cour de justice de l’Union européenne apporte de nouveaux éléments sur ce point dans cet important, et critiquable, arrêt.
CJUE, 26 oct. 2016, n° C-195/15
1. Le droit des entreprises en difficulté a longtemps été un « îlot de résistance »1 à l’internationalisation. Tel était encore le cas à la fin du XXe siècle et il n’aurait pas été raisonnable d’envisager, au moment de l’élaboration du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000, une harmonisation des droits nationaux aujourd’hui espérée2. Il ne semblait pas davantage envisageable de retenir un principe pur et simple d’universalité de la faillite aboutissant, sans dérogation, à la compétence du juge de l’État du centre des intérêts principaux du débiteur défaillant et à l’application de la seule lex concursus. Le règlement du 29 mai 2000 fut donc une œuvre de compromis. Le principe d’universalité de la faillite qui y est énoncé est mâtiné, au travers de nombreuses règles dérogatoires, de territorialité afin de contourner des points de résistance insurmontables.
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Béguin J., « Un îlot de résistance à l’internationalisation : le droit international des procédures collectives » in Mélanges Y. Loussouarn, 1994, Dalloz, p. 3.
V. la proposition de directive de la Commission européenne en vue de promouvoir une restructuration précoce » (communiqué Comm. UE, n° 16/3802, 22 nov. 2016) qui fait suite à sa recommandation du 12 mars 2014 (JOUE L 74, 14 mars 2014, p. 65).
Règlement n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, sur lequel v. not. : Jault-Seseke F. et Robine D., « Le règlement n° 2015/848 : le vin nouveau et les vieilles outres », Rev. crit. DIP 2016, p. 21.
Le paragraphe 99 du rapport Virgos-Schmit était en ce sens.
Pt. 14.
V. égal. le point 54 des conclusions de l’avocat général.
CJCE, 2 mai 2006, n° C-341/04, Eurofood : BJS juill. 2006, n° 184, p. 907, note Fasquelle D. ; D. 2006, p. 1287, obs. Lienhard A. et ibid. p. 1752, note Dammann R. ; Rev. sociétés, 2006, p. 360, note Rémery J.-P. ; JCP G 2006, II 10089, note Menjucq M. V. égal. Chaput Y., « Centre des intérêts principaux et catégories juridiques de l’insolvabilité des entreprises (à propos de l’arrêt de la CJCE du 2 mai 2006) », RLDA 2006/6, n° 309 ; Vallens J.-L., « Le règlement européen sur les procédures d’insolvabilité à l’épreuve des groupes de sociétés : l’arbitrage de la CJCE », JCP E 2006, 2071 ; Jault-Seseke F. et Robine D., « L’interprétation du règlement n° 1346/2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, la fin des incertitudes ? », Rev. crit. DIP 2006, p. 811.
Pt. 19.
Pt. 20.
CJUE, 16 avr. 2015, n° C-557/13, Lutz : BJE janv. 2016, n° 112z3, p. 53, note Henry L.-C. ; Europe 2015, comm. 251, obs. Idot L. ; Rev. proc. coll. 2015, comm. 87, obs. Mastrullo T. ; D. 2015, p. 2015, note Dammann R. et Dang A.-M. ; Rev. sociétés 2015, p. 551, obs. Henry L.-C. La Cour cite d’ailleurs cet arrêt ainsi qu’un autre rendu en 2012 (CJUE, 5 juill. 2012, n° C-527/10, Erste Bank Hungary : D. 2012, p. 2331 obs. Bollée S. et d’Avout L.) à l’appui de la solution retenue dans l’arrêt commenté (pt. 18).
Pt. 34.
Rapport Virgos-Schmit, 100.
Pt. 35.
Pt. 44.
Pt. 23.
V. supra n° 10.
Pt. 27.
Pt. 28.
V. égal. infra n° 19.
V. Robine D., « L’égalité entre créanciers » in Le droit européen des procédures d’insolvabilité à la croisée des chemins, 2013, Lextenso, p. 55, spéc. nos 12 et s.
L’avocat général évoque néanmoins un souci de « cohérence » du règlement (pt. 68).
Pt. 22.
V. Robine D., « L’égalité entre créanciers » in Le droit européen des procédures d’insolvabilité à la croisée des chemins, 2013, Lextenso, p. 55, spéc. n° 20. Cela avait d’ailleurs conduit le ministère français de la Justice à soulever la question de sa remise en cause dans sa consultation sur la réforme du règlement du 29 mai 2000.
Pt. 35.
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