Cession simulée de droits sociaux et qualification de la contre-lettre
L’acte secret par lequel les parties écartent le transfert de propriété attaché à une cession de droits sociaux enregistrée et publiée, en prévoyant une seconde cession en sens inverse, s’analyse comme une contre-lettre qui permet aux cédants de prétendre à la restitution des parts et des dividendes perçus par les cessionnaires.
CA, 26 mai 2016, n° 15/11712
Pour faire échapper des droits sociaux à l’action de leur créancier, deux époux associés d’une SCI passent plusieurs contrats. Par acte sous seing privé du 10 avril 2012, ils cèdent la totalité des parts à deux cessionnaires. Les modalités de paiement sont déterminées dans un acte séparé, signé et daté du même jour. Un autre document, intitulé « contrat de cession de parts de SCI », non daté, prévoit que les deux cessionnaires céderont à leur tour la totalité des parts, dans les mêmes proportions et au même prix aux anciens associés, permettant par là un retour à la situation d’origine. Par des courriers recommandés du 15 janvier 2013, les cédants ont mis en demeure les cessionnaires des parts d’exécuter l’acte non daté. Ces derniers ont déclaré quelques jours après renoncer à cet acte.
Si l’affaire fournit un parfait exemple de simulation par acte fictif, elle en illustre également les risques, une telle opération pouvant mal tourner si le bénéficiaire de la première cession tente de conserver la propriété des parts en se[...]
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Sur le pouvoir des juges du fond de décider si un acte sous seing privé constitue une contre-lettre, v. Cass. 3e civ., 3 janv. 1969 : Bull. civ. III, n° 6.
Ophèle C., Rép. civ. Dalloz, V° Simulation, n° 14.
Cass. 1re civ., 13 janv. 1953 : Bull. civ. I, n° 15.
Storck M., « Contrats et obligations – Preuve littérale – Théorie des contre-lettres. Simulation », JCl. Code civil, art. 1321, n° 3.
Storck M., « Contrats et obligations – Preuve littérale – Théorie des contre-lettres. Simulation », JCl. Code civil, art. 1321, n° 4.
Deboissy F., La simulation en droit fiscal, t. 276, 1997, LGDJ, n° 71.
Storck M., « Contrats et obligations – Preuve littérale – Théorie des contre-lettres. Simulation », JCl. Code civil, art. 1321, n° 5.
Cass. 3e civ., 8 juill. 1992, n° 90-12452 : Bull. civ. III, n° 246 ; JCP G 1993, II 21982, note Wiederkehr G. ; RTD civ. 1993, p. 352, obs. Mestre J. – Cass. 1re civ., 17 sept. 2003, n° 01-12925 : Bull. civ. I, n° 181 ; RTD civ. 2004. p. 93, obs. Mestre J. et Fages B.
Sur le principe de validité de la contre-lettre et de sa force obligatoire entre les parties, v. Cass. req., 6 mars 1883 : Dalloz 1884, p. 11.
C. civ., art. 1321 : « Les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu’entre les parties contractantes : elles n’ont point d’effet contre les tiers ».
C. civ., art. 1201 : « Lorsque les parties ont conclu un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte, ce dernier, appelé aussi contre-lettre, produit effet entre les parties. Il n’est pas opposable aux tiers, qui peuvent néanmoins s’en prévaloir ».
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