Le champ d'application du nouveau say on pay (loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 et décret du 16 mars 2017)
La nouvelle procédure de say on pay dit « contraignant », mise en place par la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016, soulève d’assez nombreuses difficultés d’interprétation, touchant singulièrement à la détermination de son champ d’application, dont on aurait souhaité qu’elles soient réglées par le législateur lui-même et non, fût-ce partiellement, par le décret d’application de la loi qui vient – seulement – d’être publié.
1. La procédure de say on pay « contraignant » est aujourd’hui organisée par les articles L. 225-37-2 et R. 225-29-1 du Code de commerce (pour les sociétés anonymes dotées d’un conseil d’administration1), L. 225-82-2 et R. 225-56-1 (pour les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance2) et L. 225-100, alinéas 10 et 11 (nouveaux), du Code de commerce3. En substance4, la loi a souhaité soumettre les éléments de détermination et de répartition de la rémunération totale (part fixe, variable et « exceptionnelle ») et des avantages de toute nature promis dès 2017 aux dirigeants de ces sociétés, dès l’instant que leurs titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, à un vote d’approbation de l’assemblée générale qui est appelé à se dérouler en deux temps.
2. Dans un[...]
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C. com., art. L. 225-37-2 : « Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les principes et les critères de détermination, de répartition et d'attribution des éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, attribuables aux président, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués, en raison de leur mandat, font l'objet d'une résolution soumise au moins chaque année à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires dans les conditions prévues à l'article L. 225-98 et au deuxième à avant-dernier alinéas du présent article.
Les projets de résolution établis par le conseil d'administration en application du premier alinéa du présent article sont présentés dans un rapport joint au rapport mentionné aux articles L. 225-100 et L. 225-102. Ce rapport détaille les éléments de rémunération mentionnés au premier alinéa du présent article et précise que le versement des éléments de rémunération variables et exceptionnels est conditionné à l'approbation par une assemblée générale ordinaire des éléments de rémunération de la personne concernée dans les conditions prévues à l'article L. 225-100.
L'approbation de l'assemblée générale est requise pour toute modification des éléments mentionnés au premier alinéa du présent article et à chaque renouvellement du mandat exercé par les personnes mentionnées au même premier alinéa.
Si l'assemblée générale n'approuve pas la résolution, les principes et critères précédemment approuvés dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas du présent article continuent de s'appliquer. En l'absence de principes et critères approuvés, la rémunération est déterminée conformément à la rémunération attribuée au titre de l'exercice précédent ou, en l'absence de rémunération attribuée au titre de l'exercice précédent, conformément aux pratiques existant au sein de la société.
Les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État. »
C. com., art. L. 225-82-2 : « Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les principes et les critères de détermination, de répartition et d'attribution des éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, attribuables aux membres du directoire, ou au directeur général unique, et aux membres du conseil de surveillance à raison de leur mandat font l'objet d'une résolution soumise au moins chaque année à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires dans les conditions prévues à l'article L. 225-98 et aux deuxième à avant-dernier alinéas du présent article.
Les projets de résolution établis par le conseil de surveillance en application du premier alinéa du présent article sont présentés dans un rapport joint au rapport mentionné aux articles L. 225-100 et L. 225-102. Ce rapport détaille les éléments de rémunération mentionnés au premier alinéa du présent article et précise que le versement des éléments de rémunération variables et exceptionnels est conditionné à l'approbation par une assemblée générale ordinaire des éléments de rémunération de la personne concernée dans les conditions prévues à l'article L. 225-100.
L'approbation de l'assemblée générale est requise pour toute modification des éléments mentionnés au premier alinéa du présent article et à chaque renouvellement du mandat exercé par les personnes mentionnées au même premier alinéa.
Si l'assemblée générale n'approuve pas la résolution, les principes et critères précédemment approuvés dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas du présent article continuent de s'appliquer. En l'absence de principes et critères approuvés, la rémunération est déterminée conformément à la rémunération attribuée au titre de l'exercice précédent ou, en l'absence de rémunération attribuée au titre de l'exercice précédent, conformément aux pratiques existant au sein de la société.
Les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État ».
C. com., art. L. 225-100, al. 10 et 11 : « Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, lorsqu'une assemblée générale a statué sur des principes et critères dans les conditions prévues aux articles L. 225-37-2 ou L. 225-82-2, l'assemblée générale statue sur les éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature versés ou attribués au titre de l'exercice antérieur par des résolutions distinctes pour le président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, le directeur général, les directeurs généraux délégués, ou pour le président du directoire et les autres membres du directoire ou le directeur général unique.
Les éléments de rémunération variables ou exceptionnels dont le versement a été conditionné à l'approbation par une assemblée générale ordinaire, dans les conditions prévues aux mêmes articles L. 225-37-2 ou L. 225-82-2, attribués au titre de l'exercice écoulé au président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, au directeur général, au président du directoire ou directeur général unique, aux directeurs généraux délégués ou aux autres membres du directoire ne peuvent être versés qu'après approbation de la rémunération par une assemblée générale des éléments de rémunération de la personne concernée dans les conditions prévues au dixième alinéa du présent article ».
V., pour une analyse détaillée de la nouvelle procédure, Portier P., « L’encadrement des rémunérations des dirigeants des sociétés cotées dans la loi Sapin 2 », BJS janv. 2017, n° 115z6, p. 81 et s. ; Basdevant F., « Rémunération des dirigeants des sociétés cotées : vote impératif en assemblée générale (Loi Sapin II) », RTDF 4-2016, p. 82 ; Coupet C., « Loi Sapin 2 : consécration légale du say on pay », Dr. sociétés févr. 2017, p. 44, n° 23 ; Jobert L., « Le say on pay juridiquement contraignant. L’affaire Renault, suite et fin », RDBF 1/2017, p. 63, n° 32 ; ANSA, avis, févr. 2017, n° 17002, « Vote ex ante des actionnaires sur la politique de rémunération des mandataires sociaux. V., également, sur le projet de loi : François B., « Rémunération des dirigeants : le projet de loi Sapin 2 propose un say on pay contraignant », Rev. sociétés 2016, p. 473 ; Hamelle A., « Say on Pay ? L’actionnaire et la société, le contrat ou l’institution », JCP G 2016, 1490 ; Mortier R., « Du say on pay consultatif au say on pay contraignant », RTDF 2-2016 ; Le Nabasque H., « Le say on pay contraignant », BJS sept. 2016, n° 115k5, p. 461.
La formule, consacrée, sera ici utilisée, ainsi que celle du vote « ex post », pour plus de commodité.
Portier P., « L’encadrement des rémunérations des dirigeants des sociétés cotées dans la loi Sapin 2 », BJS janv. 2017, n° 115z6, p. 81.
Ibid. ; V., sur les diverses approches du say on pay à l’échelle internationale, Durand-Barthez P., Le guide de la gouvernance des sociétés, Guides Dalloz, 2016/2017, § 173-11 et s. ; le sujet préoccupe également le législateur européen : la proposition de directive sur l’encouragement de l’implication à long terme des actionnaires, approuvée par le Parlement européen le 8 juillet 2015, comporte des dispositions sur le say on pay. Les directives CRD III (2010/76 du 24 novembre 2010) et CRD IV (2013/3 du 26 juin 2013) également, même si elles sont propres au « secteur financier ».
D. n° 2017-340, 16 mars 2017, relatif à la rémunération des dirigeants et des membres des conseils de surveillance des sociétés anonymes cotées : JO, 17 mars 2017.
D. n° 2017-340, 16 mars 2017, relatif à la rémunération des dirigeants et des membres des conseils de surveillance des sociétés anonymes cotées : JO, 17 mars 2017.
« Public concernés » : « sociétés anonymes dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ».
En ce sens, également, Basdevant F. in RTDF 4-2016, p. 83.
V. supra, n° 7 et 8.
En ce compris, désormais, la personne provisoirement déléguée dans les fonctions de président, pendant toute la durée de cette délégation (C. com., art. R. 225-34, mod. D. n° 2017-340, 16 mars 2017, art. 3).
C. com., art. L. 225-81 : « Le conseil de surveillance élit en son sein un président et un vice-président qui sont chargés de convoquer le conseil et d'en diriger les débats. Il détermine, s'il l'entend, leur rémunération dans les conditions prévues à l'article L. 225-82-2 ».
V., pour plus de détails, Durand-Barthez P., Le guide de la gouvernance des sociétés, Guides Dalloz, 2016/2017, § 172-13.
C. com., art. L. 225-46 : « Il peut être alloué, par le conseil d'administration, des rémunérations exceptionnelles pour les missions ou mandats confiés à des administrateurs. Dans ce cas, ces rémunérations, portées aux charges d'exploitation sont soumises aux dispositions des articles L. 225-38 à L. 225-42 ».
V. à leur propos, infra, n° 14, (iii).
V. à leur propos, infra, n° 16.
V. à leur propos, infra, n° 14, (i).
C. com., art. R. 225-29-1 et C. com., art. R. 225-56-1 nouveaux issus de D. n° 2017-340, 16 mars 2017.
V. sur le champ de cette suspension, infra, n° 15.
Le décret du 16 mars 2017 n’apporte pas, sur ce point, d’éclaircissements notables. Il se contente, au texte du dernier alinéa des articles R. 225-29-1 et R. 225-56-1, de rappeler que « le rapport mentionné au deuxième alinéa [des articles L. 225-37-2 et L. 225-82-2] fait apparaître les éléments de rémunération mentionnés au onzième alinéa de l’article L. 225-100 […] », soit ceux (variables et exceptionnels) dont le versement est suspendu à une approbation ex post de l’assemblée portant, cette fois, sur leur montant. Il ne précise pas ce qu’il convient d’entendre exactement par part exceptionnelle. Un esprit roué pourrait toutefois s’amuser à noter que le 7° de ces deux articles identifie les « rémunérations exceptionnelles » (sans autre précision), en les distinguant de tous les autres éléments formant la rémunération des dirigeants, en ce compris les indemnités d’arrivée (sic). L’argument (a contrario sensu du texte) ne saurait toutefois être sérieusement utilisé pour tenter de réduire le champ d’application des éléments dont le versement est suspendu à une approbation ex post de leur montant par l’assemblée. Puis, pour mémoire, ce même dernier alinéa précise que « les éléments mentionnés au 10° du présent article ne peuvent en faire partie » (mais v., déjà, à leur propos, supra, n° 14).
V., en ce sens, ANSA, avis, févr. 2017, n° 17002, préc.
Une autre question est de savoir si l’assemblée générale ordinaire, appelée à statuer ex ante, pourrait venir « contredire » par son vote (mais le mot est trop fort) une précédente résolution adoptée, cette fois, par une assemblée générale extraordinaire, laquelle aurait autorisé le conseil d’administration ou le directoire, pour une période maximale de trente-huit mois (C. com., art. L. 225-197-1, II), à attribuer gratuitement des actions de performance aux dirigeants de la société. La réponse ne peut être que positive, semble-t-il, car les deux votes n’ont pas le même objet : L’AGE se contente d’autoriser le conseil ou le directoire à procéder à ces attributions, lesquels déterminent l’identité des bénéficiaires, les critères d’attribution et le nombre d’AGA à attribuer aux dirigeants, mais elle ne décide pas que les AGA constitueront un élément de la rémunération des dirigeants. En conséquence, l’AGO, statuant sur les principes et critères arrêtés par le conseil ou par le directoire, peut parfaitement rejeter, pour un exercice donné, le principe même d’une rémunération constituée pour partie d’actions de performance (ou d’options) ou discuter les critères arrêtés par les organes de direction ou d’administration de la société.
Contrairement au mécanisme dit de claw back anglo-américain, qui peut imposer la restitution de sommes déjà versées : v., sur ce point, Portier P., « L’encadrement des rémunérations des dirigeants des sociétés cotées dans la loi Sapin 2 », BJS janv. 2017, n° 115z6, p. 81 et s., spéc. p. 85.
Le décret du 16 mars 2017 pris pour l’application des seuls articles L. 225-37-2 et L. 225-82-2 ne pouvait, pour sa part, y prétendre.
V. supra, 15, (i).
Ce vote interviendra alors que l’assemblée sera désormais informée du nombre d’AGA ou d’options attribuées aux dirigeants de la société.
La question ne se pose que pour ces éléments de rémunération, visés au premier alinéa de l’article L. 225-42-1. Ceux visés au sixième alinéa du même article ne sont pas, en effet, soumis à la procédure de contrôle des conventions réglementées (soit : les indemnités convenues en contrepartie d’une clause de non-concurrence, ainsi que les engagements répondant aux caractéristiques des régimes collectifs et obligatoires de retraite et de prévoyance visés à l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale). En conséquence, ces derniers éléments sont réputés constituer des éléments intégrant la rémunération totale des dirigeants sociaux et soumis, en tant que tels, au nouveau say on pay (C. com., art. R. 225-29-1, 6° et C. com., art. R. 225-56-1, 6°, réd. D. n° 2016-340, 16 mars 2017, préc.).
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