Droit à l'oubli et registre des sociétés
L’administrateur d’une société mise en faillite peut-il obtenir, au titre du droit à l’oubli, l’effacement, après un certain délai, des données le concernant et figurant dans le registre des sociétés ? À défaut peut-il au moins obtenir du juge qu’il restreigne l’accès à ces données ? Par cet arrêt, la CJUE a répondu par la négative à ces deux interrogations, non sans ouvrir une petite brèche.
CJUE, 9 mars 2017, n° C-398/15
Consacré au sujet des moteurs de recherche, le droit à l’oubli ne s’impose pas en principe aux mesures de publicité organisées par les registres de commerce et des sociétés. Telle est la réponse donnée le 7 mars 2017 par la Cour de justice de l’Union européenne à la question préjudicielle qui lui avait été adressée par la Cour de cassation italienne.
Salvatore M., administrateur de l’Italiana Costruzioni Srl, une société de construction immobilière, s’est vu attribuer un marché pour la construction d’un complexe touristique. Les immeubles du complexe ne se sont toutefois pas vendus et M. M. a prétendu que cet échec commercial était imputable à la publication d’informations le concernant au « registre des sociétés » italien, l’équivalent du registre du commerce et des sociétés (RCS) français. Le registre en question mentionnait en effet la mise en faillite en 1992 d’une société dénommée Immobiliare Salentina, liquidée en 2005,[...]
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CJUE, 13 mai 2014, n° C-131/12, Google Spain SL : AJDA 2014, p. 1147, chron. Aubert M., Broussy E. et Cassagnabère H. ; D. 2014, p. 1476, note Benabou V.-L. et Rochfeld J. ; D. 2014, p. 1481, note Martial-Braz N. et Rochfeld J. ; D. 2014, p. 2317, obs. Larrieu J., Le Stanc C. et Tréfigny P. ; RTD eur. 2014, p. 283, édito. Jacqué J.-P. ; RTD eur. 2014, p. 879, étude Hardy B. ; RTD eur. 2016, p. 249, étude Tambou O. ; Rev. UE 2016, p. 597, étude Perray R.
Dans l’affaire Google Spain, M. G. demandait qu’il soit ordonné à Google Spain ou à Google Inc. de supprimer ou d’occulter ses données personnelles afin qu’elles cessent d’apparaître dans les résultats de recherche. En effet, une recherche sur Google faisait apparaître des liens vers deux pages du quotidien La Vanguardia, mentionnant le nom de M. G., pour une vente aux enchères immobilière liée à une saisie pratiquée en recouvrement de dettes de sécurité sociale.
Directive n° 95/46/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
Première directive n° 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 58, deuxième alinéa du traité, pour protéger les intérêts des associés et des tiers, telle que modifiée par la directive n° 2003/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2003.
CJUE, 9 mars 2017, n° C-398/15, ci-dessus.
Cons. 50.
Cons. 49.
Cons. 53.
Cons. 55.
L’argument de la CJUE selon lequel il est impossible de prévoir un délai unique à l’expiration duquel l’inscription dans le registre ne serait plus nécessaire a été critiqué. Un auteur a, en effet, fait valoir qu’« il revient à nier l’existence d’un droit compte tenu de ses difficultés de mise en application ». Il se demande en outre « pourquoi ne pas retenir de manière uniforme le délai le plus long parmi ceux prévus par les droits nationaux » (D. Truche, Données personnelles : droit à l’oubli et registre des sociétés, http://www.efl.fr/actualites/affaires/themes-divers/details.html). Cette proposition ne résiste toutefois pas à l’examen. Il est, en effet, difficile de rechercher les délais de prescription de toutes les actions éventuelles dans tous les États membres, d’autant que ces délais peuvent évoluer au gré des changements législatifs. On ne voit pas dans ces conditions comment le fait de retenir le délai « le plus long » pourrait procurer la moindre sécurité juridique.
Cons. 56.
V., en ce sens, Libchaber R., « Limitation et auto-limitation du droit étatique, à propos de la radiation d'une mention de baptême », D. 2013, p. 2611.
Il convient à cet égard de souligner que la question préjudicielle soumise à la CJUE ne concernait que la limitation de l’accès aux données. La CJUE, dans son considérant 56, a toutefois pris la peine de préciser que leur effacement n’était pas possible.
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