La causalité immédiate en matière de risques causés à autrui
Cet arrêt de la chambre criminelle se prononce sur le lien de causalité dans le délit de risques causés à autrui, dans une affaire où des salariés avaient été exposés à l’amiante par leur employeur. Les juges retiennent un tel lien, alors même que le dommage pouvait survenir longtemps après l’exposition. En retenant une telle conception, ils étendent opportunément le champ d’application du délit.
Cass. crim., 19 avr. 2017, n° 16-80695
Le délit de risques causés à autrui, incriminé à l’article 223-1 du Code pénal, est souvent appréhendé à travers la singularité de son élément intentionnel. Mais c’est par une analyse de sa matérialité que la chambre criminelle de la Cour de cassation parvient à une solution originale dans cet arrêt du 19 avril 2017 : la condamnation d’une société à raison de l’exposition de salariés à un risque de contamination par l’amiante.
En l’espèce, une visite d’inspection du travail sur un chantier avait mis en évidence des violations d’obligations de sécurité liées à l’exposition des salariés à l’amiante. L’entreprise de construction et son directeur d’exploitation furent poursuivis sur le fondement de différentes incriminations, dont celle de mise en danger de la vie d’autrui. Infirmant sur ce point la solution du tribunal correctionnel, la cour d’appel de Bastia condamna les prévenus, se fondant notamment sur la violation de leur obligation[...]
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L’article 223-1 du Code pénal exige que l’obligation de prudence et de sécurité soit « particulière », mais la cour d’appel avait visé, de façon assez étonnante, l’obligation générale de sécurité de l’employeur. Cette anomalie était cependant sans incidence, des obligations particulières issues du décret n° 2006-761 du 30 juin 2006 ayant aussi été méconnues. Aussi n’a-t-elle été relevée, ni par le pourvoi, ni par la Cour de cassation.
En ce sens, Conte P., Droit pénal spécial, 5e éd., 2016, LexisNexis, n° 27 ; Lepage A. et Matsopoulou H., Droit pénal spécial, 2015, PUF, n° 235.
À l’inverse, le délit ne sera pas constitué si le risque de dommage est subordonné à une autre condition, par exemple l’absence de prise en charge de complications : Cass. crim., 6 oct. 2009, n° 09-81037.
V. à cet égard, Dreyer E., Droit pénal spécial, 2e éd., 2012, Ellipses, n° 205.
Comp. Cass. crim., 16 févr. 1999, n° 97-86290 – Cass. crim., 6 oct. 2009, n° 09-81037 : Dr. pén. 2010, comm. 15, note Véron M.
V. déjà Cass. crim., 30 oct. 2007, n° 06-89365 : Dr. pén. 2008, comm. 65, note Robert J.-H.
V. not. Cass. crim., 10 déc. 2013, nos 13-84286 et 13-83915. Ces décisions n’intervenaient cependant que pour vérifier l’existence d’indices graves et concordants au stade de l’instruction. Mais le fait que de tels indices puissent justifier une mise en examen du chef d’homicide involontaire laisse fortement présager que la qualification pourrait être retenue par les juridictions de jugement.
Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, instauré par l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000.
CSS, art. L. 452-1 et s.
V. les arrêts Cass. soc., 28 févr. 2002, nos 00-10051, 99-18389, 00-11793, 99-18390, 99-17201, 99-17221 et 99-21255 : JCP G 2002, II 10053, concl. Benmakhlouf A. ; D. 2002, p. 2696, note Prétot X.
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