Quelles conséquences du Brexit sur les marchés financiers français ?
Le Brexit fera perdre aux sociétés britanniques le bénéfice de statuts juridiques européens peu usités, tandis que la bourse de Londres pourrait offrir aux sociétés relevant d’Etats membres un choix de cotation en bourse alternatif et potentiellement attrayant.
« Nous allons devenir un Singapour de l’Europe, que l’on appellera bientôt “Britapour”, positionné au milieu de l’océan Atlantique, avec des impôts très bas, pas de règlements ou de lois et des emplois mal rémunérés », pronostiquait en janvier 2017 Paddy Ashdown, ancien dirigeant du parti libéral-démocrate britannique et membre de la chambre des Lords1.
Si tel devait être le destin du Royaume-Uni après le Brexit – offrir à 2 heures de train de Paris la concurrence d’une économie aussi favorable aux entreprises que celle de Singapour2 – l’Europe des marchés financiers aurait bien du souci à se faire.
Entre ces deux visions des choses, il est difficile de prédire celle qui sera la plus proche de la réalité alors que le Parlement britannique vient tout juste, le 13 mars 2017, d’autoriser le gouvernement du Royaume-Uni à engager la procédure de négociation des conditions de retrait prévue par l’article 50 du traité sur l’Union européenne3 depuis le traité de[...]
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http://www.tdg.ch/monde/devenir-singapour-europe/story/25993982.
Pour nuancer le sombre tableau brossé par cet éminent pair britannique, signalons que, selon l’étude annuelle Doing Business de la Banque Mondiale disponible en ligne (http://www.doingbusiness.org), Singapour figure régulièrement en tête du classement mondial des pays les plus accueillants pour les entreprises, au 2e rang en 2016 devant le Royaume-Uni (7e), l’Allemagne (17e) et la France (29e). Procédure de guichet unique pour les permis de construire, digitalisation des déclarations d’impôt et simplification de la fiscalité sont les dernières améliorations en date notées par les auteurs de ce classement qui, pour l’année 2016, attribuent à cette économie un revenu brut par habitant de 52 090 $, contre 43 340 $ en Grande Bretagne, 45 790 $ en Allemagne et 40 580 $ en France. Sa bourse accueille près de 800 valeurs, dont 40 % de sociétés étrangères, pour une capitalisation boursière d’environ 700 milliards de dollars américains (v. SGX Market Statistics Report, February 2017, disponible en ligne).
Article 50 : « 1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union. 2. L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen. 3. Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai. 4. Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l’État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent. La majorité qualifiée se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. 5. Si l’État qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l’article 49. »
Dir. n° 2003/71/CE, du PE et du Cons., 4 nov. 2003.
V. entre autres exemples les restrictions applicables au Royaume-Uni pour l’introduction en bourse de Spie en 2015 : http://www.spie.com/sites/default/files/spie_note_d_operation_version_finale_0.pdf (p. 58).
On notera que les étrangers même non européens peuvent bénéficier en France du statut d’investisseurs qualifiés (C. mon. fin., art. D.411-1) constitué désormais des « clients professionnels » (C. mon. fin., art. D. 533-11, 5) et des « contreparties éligibles » (C. mon. fin., art. D. 533-13, 7).
On relève essentiellement, en France et s’agissant des sociétés cotées, l’absorption en 2015 de la société française Stallergènes par sa société-sœur britannique Ares Allergy Holdings Plc, exemptée d’offre publique de retrait par décision de l’AMF du 11 juin 2015 (n° 215C0798).
Acquisition par Publicis de Saatchi-Saatchi (visa COB n° 00-1432, 25 août 2000) et par Pernod Ricard d’Allied Domecq (visa AMF n° E 05-068, 23 mai 2005).
Dir. OPA, art. 5-5, al. 1er.
V. dernièrement l’offre publique d’échange réalisée par la société Suisse Holcim (dont on rappellera qu’elle n’est pas dans l’espace économique européen) sur les actions de la société française Lafarge, offre déclarée conforme par l’AMF le 29 mai 2015 (215C0718) et au lendemain de laquelle les actions Holcim ont été admises aux négociations sur Euronext Paris sous la dénomination LafargeHolcim.
Règl. SE, art. 8.
Avec respectivement 411 S.E. et 1 898 SE, l’Allemagne et la république Tchèque représentent à elles seules 85 % des 2 695 SE dénombrées en Europe au 31 décembre 2016. La France en compte moins que le Royaume-Uni (35 dont 24 seulement comptent plus de 5 salariés). V. Carslon A., SE Companies in 2017. Workers’ Participation Europe Network, ETUI, 2017, http://www.worker-participation.eu/European-Company-SE/Facts-Figures.
Si, bien évidemment, les conditions de seuil en sont remplies – et en particulier qu’en plus de réaliser un chiffre d’affaires total mondial supérieur à 2,5 milliards d’euros, il existe trois États membres où les entreprises concernées réalisent, ensemble, plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires et, individuellement, plus de 25 millions d’euros. V. Règl. (CE) n° 139/2004, 20 janv. 2004, art. 1er, 3.
V. la description donnée de ce régime dans la consultation publique de l’AMF portant sur le rapport du groupe de réflexion sur les cessions d’actifs significatifs du 19 janvier 2015, § 2.1.1.
Afin d’élargir le champ de l’article 5-2-5 du règlement général du Conseil des bourses de valeurs qui, ne visant que les offres d’échange, avait montré ses limites dans l’affaire de l’OPA d’Emess plc sur Holophane, CA Paris, 13 juill. 1988 : BJS juill. 1988, n° 224, p. 682.
Qui interdit aux dirigeants de la société visée de faire barrage à l’offre sauf en vertu d’une autorisation expresse de leurs actionnaires.
Dir. Offres Publiques, art. 12-3.
V. C. com., art. L. 233-33, III.
Le 25 mai 2001, le gouvernement italien a pris, après l’entrée d’EDF dans le capital d’Edison, un décret-loi (n° 192) ratifié par la loi n° 301 du 20 juillet 2001, qui limite à 2 % les droits de vote des entreprises publiques non cotées opérant dans le domaine de l’énergie et bénéficiant d’une position dominante sur leur marché national qui prennent une participation dans des sociétés italiennes.
V. Rapport annuel Criteo 2016 (accessible en ligne sur http://criteo.investorroom.com/annuals), p. 58.
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Plan
- 1Les conséquences juridiques et fiscales du Brexit
- 1.1Propos introductifs
- 1.2Le Brexit sous l’angle de la négociation : de l’inévitable échec à l’indispensable accord
- 1.3Les effets du Brexit sur le droit d’établissement des sociétés
- 1.4Le devenir des personnes morales européennes au prisme du Brexit
- 1.4.1I – Les alternatives au Brexit pour les personnes morales européennes immatriculées au Royaume-Uni
- 1.4.2II – Les relations entre le Royaume-Uni et les structures européennes de l’EEE post Brexit
- 1.5Brexit : quelles incidences fiscales peut-on anticiper ?
- 1.6Quelles conséquences du Brexit sur les marchés financiers français ?