Les effets du Brexit sur le droit d'établissement des sociétés
Le Brexit ne peut rester sans effets sur le droit d’établissement des sociétés, tant du point de vue des solutions de droit international privé dégagées par la Cour de justice de l’Union européenne que du point de vue de la réalisation d’opérations transfrontalières telles que les fusions ou la transformation.
La construction de l’Union européenne s’est depuis l’origine appuyée sur les sociétés dont les activités et la mobilité sont perçues comme un moyen de favoriser le développement et la prospérité du marché commun.
Les sociétés ont ainsi été considérées très tôt comme « les véritables protagonistes du système économique créé par le traité de Rome »1 en se voyant octroyer le droit de circuler et de s’établir librement à l’intérieur de l’espace régional européen.
Plus précisément, la situation juridique des sociétés est marquée par l’octroi d’une prérogative fondamentale : le droit d’établissement. Aux termes de l’article 49 du TFUE, en effet, « les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites », l’article 54 étendant le bénéfice de cette disposition aux « sociétés constituées en conformité[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
Monaco R., « Le régime des sociétés dans le Marché Commun Européen », in Droit comparé théorie générale du droit et droit privé. Mélanges offerts à Jacques Maury, t. I, 1960, Dalloz & Sirey, p. 321 et s., spéc. n° 1.
Menjucq M., La mobilité des sociétés dans l’espace européen, 1997, LGDJ, p. 4, n° 4.
CJCE, 30 nov. 1995, n° C-55/94, Reinhard Gebhard c/ Consiglio dell’Ordine degli avvocati e Procuratori du Milano : Rec. CJCE 1995, I, p. 4165.
Elles doivent aussi jouir de la personnalité morale et poursuivre un but lucratif.
Plus précisément, sur la solution du droit français : Menjucq M., Droit international et européen des sociétés, 4e éd., 2016, LGDJ, Précis Domat, spéc. n° 107.
CJCE, 9 mars 1999, n° C-212/97 : BJS juin 1999, n° 157, p. 705, note Dom J.-P. ; D. 1999, p. 550, note Menjucq M. ; JDI 2000, p. 484, note Luby M. ; Rev. sociétés 1999, p. 386, note Parléani G.
CJCE, 5 nov. 2002, n° C-208/00 : BJS avr. 2003, n° 91, p. 452, note Luby M. ; Rev. crit. DIP 2003, p. 508, note Lagarde P. ; Rev. sociétés 2003, p. 315, note. Dom J.-P. ; JCP E 2003, n° 448, note Menjucq M.
CJCE, 30 sept. 2003, n° C-167/01 : BJS déc. 2003, n° 272, p. 1296, note Menjucq M. ; Rev. crit. DIP 2004, p. 151, note Muir-Watt H. ; JCP G 2004, II 10002, note Luby M. ; D. 2004, p. 491, note Pataut É. ; JCP E 2004, 251, note Magnier V. ; Rev. sociétés 2004, p. 135, note Dom J.-P.
Sur cette jurisprudence : Menjucq M., Droit international et européen des sociétés, op. cit., nos 138 et s. ; d’Avout L., commentaire groupé des arrêts Daily Mail, Centros et Cartesio, in Karpenschif M. et Nourissat C. (dir.), Les grands arrêts de la jurisprudence de l’Union européenne, 3e éd., 2016, PUF, n° 60. – Adde notre thèse, Le droit international des sociétés dans l’espace régional européen, 2006, PUAM, nos 328 et s.
CJCE, 13 déc. 2005, n° C-411/03 : Rev. crit. DIP 2006, p. 662, note Heymann J. ; D. 2006, p. 451, note Luby M. ; JCP G 2006, II 10077, note Dammann R.
CJCE, 16 déc. 2008, n° C-210/06 : JCP G 2009, II 10027, note Menjucq M. ; Gaz. Pal. 24 mars 2009, n° H3644, p. 12, note Mastrullo T. ; Europe 2009, comm. 82, obs. Idot L. ; Rev. soc. 2009, p. 147, note Parléani G. ; Rev. crit. DIP 2009, p. 236, note Heymann J.
CJUE, 12 juill. 2012, n° C-378/10 : BJS juin 2009, n° 121, p. 593, note Dammann R. ; JCP G 2012, 1089, note Menjucq M. ; Rev. soc. 2012, p. 645, note Parléani G. ; JCP E 2012, 1547, note Mastrullo T. ; Rev. crit. DIP 2013, p. 236, note Heymann J.
Selon l’étude d’impact sur la directive relative au transfert transfrontalier du siège statutaire des sociétés (SEC(2007)1707, spéc. p. 11), près de 20 000 sociétés étaient enregistrées au Royaume-Uni tout en ayant leur direction effective dans d’autres États membres en 2005, soit cinq fois plus qu’en 2001, avant que les décisions Überseering et Inspire Art ne soient rendues.
Sur cette notion : Menjucq M., Droit international et européen des sociétés, op. cit., nos 55 et s.
CJCE, 5 nov. 2002, n° C-208/00, préc.
Arrêt Überseering, pt. 93.
Cass. com., 8 juill. 2003, n° 00-21591 : Bull. civ. IV, n° 121 : BJS nov. 2003, n° 243, p. 1179, note Menjucq M. ; D. 2004, p. 692, note Khairallah G.
CJCE, 9 mars 1999, n° C-212/97, préc.
CJCE, 30 sept. 2003, n° C-167/01, préc.
Wet op de formeel buitelandse vennootschappen.
CJCE, 25 juill. 1991, n° C-221/89.
Dir. n° 89/666/CEE, 21 déc. 1989 du Conseil, concernant la publicité des succursales créées dans un État membre par certaines formes de sociétés relevant du droit d’un autre État : JOCE L 395, 30 déc. 1989, p. 36.
CJCE, 13 déc. 2005, n° C-411/03, préc.
Dir. n° 90/434/CEE, 23 juill. 1990 : JOCE L 225, 20 août 1990, p. 1. Cette directive a été remplacée par la directive n° 2009/133/CE du 19 octobre 2009 qui fait œuvre de codification.
Dir. n° 2005/56/CE, 26 oct. 2005 : JOUE L 310, 25 nov. 2005, p. 1.
On pense notamment à l’exemple bien connu de la fusion intervenue au début des années 1990 entre la Barclays Bank PLC et la Barclays Bank SA, filiale à 100 % de la précédente.
Soulignons à ce propos que l’article 210-0 A du Code général des impôts étend le régime fiscal de faveur prévu par l’article 210 A du même code, qui résulte de la transposition en droit français de la directive Fusions, aux sociétés qui, bien que non constituées dans l’Union européenne, ont leur siège dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ; tel est précisément le cas du Royaume-Uni avec la convention fiscale du 19 juin 2008.
CJCE, 27 sept. 1988, n° 81/87 : Rec. CJCE 1988, I, p. 5483.
CJCE, 16 déc. 2008, n° C-210/06, préc.
CJUE, 12 juill. 2012, n° C-378/10, préc.
Pour cette expression : CJCE, 12 sept. 2006, n° C-196/04, Cadbury Schweppes : Rec. CJCE 2006, I, p. 7995, spéc. pt 68.
Testez gratuitement Lextenso !
Plan
- 1Les conséquences juridiques et fiscales du Brexit
- 1.1Propos introductifs
- 1.2Le Brexit sous l’angle de la négociation : de l’inévitable échec à l’indispensable accord
- 1.3Les effets du Brexit sur le droit d’établissement des sociétés
- 1.4Le devenir des personnes morales européennes au prisme du Brexit
- 1.4.1I – Les alternatives au Brexit pour les personnes morales européennes immatriculées au Royaume-Uni
- 1.4.2II – Les relations entre le Royaume-Uni et les structures européennes de l’EEE post Brexit
- 1.5Brexit : quelles incidences fiscales peut-on anticiper ?
- 1.6Quelles conséquences du Brexit sur les marchés financiers français ?