Le Brexit sous l'angle de la négociation : de l'inévitable échec à l'indispensable accord
L’application de quelques grands principes de la négociation au Brexit permet de mieux cerner les obstacles qui attendent le Royaume-Uni et la Commission européenne. Ces mêmes principes pourraient toutefois conduire à une négociation constructive, favorable aux deux parties.
Dans le courant du mois de juin 2017, l’Union européenne et le Royaume-Uni ont entamé un cycle de négociations destinées à aboutir, avant l’expiration du délai de deux ans prévu par l’article 50 du traité sur l’Union européenne (TUE), à un accord de sortie. La confrontation des circonstances dans lesquelles celles-ci s’ouvrent à quelques grands principes qui sous-tendent généralement toute négociation permet de tenter d’anticiper leur déroulement.
Pour un négociateur, tout semble indiquer que l’échec est inévitable (I) : incompatibilité –apparemment irréconciliable – des objectifs poursuivis par le Royaume-Uni et l’Union européenne, multiplication des parties prenantes ou encore contexte des discussions.
Pour autant, parce que l’échec n’est pas concevable et ne constitue vraisemblablement – en dépit de déclarations[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
« Our new partnership should allow for tariff-free trade in goods that is as frictionless as possible between the UK and the EU Member States », discours de Lancaster House, 17 janv. 2017. V. égal. le Livre blanc sur The United Kingdom’s exit from and new partnership with the European Union, 2 févr. 2017.
« We want to ensure that we can take advantage of the opportunity to negotiate our own preferential trade agreements around the world », ibid.
« We will take control of our own statute book and bring an end to the jurisdiction of the Court of Justice of the European Union in the UK », ibid.
« We will design our immigration system to ensure that we are able to control the numbers of people who come here from the EU. In future, therefore, the Free Movement Directive will no longer apply », ibid.
V. not., la déclaration des chefs d’État ou du gouvernement et des présidents du Conseil européen et de la Commission européenne du 29 juin 2016 et les orientations du conseil européen du 29 avril 2017, § 1 à 3.
Sans vraisemblablement pouvoir se prolonger après octobre 2018 en raison des élections au Parlement européen de mai 2019.
Par comparaison, le traité de libre-échange de l’Union européenne avec la Corée du Sud a nécessité 5 ans de négociation.
Le Livre blanc de la Commission européenne sur le futur de l’Europe du 1er mars 2017 souligne la nécessité de recentrer l’Union européenne sur ses principales missions.
Les orientations du Conseil européen à la suite de la notification faite par le Royaume-Uni au titre de l’article 50 du TUE du 29 avril 2017, § 27, soulignent que « le Conseil européen demeure déterminé à faire avancer de manière ambitieuse les priorités que l’Union s’est fixées. Les négociations menées avec le Royaume-Uni seront tenues séparées des activités de l’Union qui sont en cours et n’empiéteront pas sur leur déroulement ».
Par ailleurs, les négociations dans le cadre des accords de libre-échange sont conduites par la Commission européenne au nom des États membres, y compris le Royaume-Uni. Ce dernier dispose-t-il aujourd’hui de l’expérience nécessaire pour négocier contre la Commission ?
Un accord de libre-échange serait lui soumis à ratification à l’unanimité des 27 États membres.
Lettre du président du Parlement européen au président de la Commission du 1er décembre 2016 : « It could not be excluded that MEPs could reject any outcome of the negotiations at the end. »
Le 29 mars 2019 sauf prorogation à l’unanimité des membres du Conseil européen.
Voir également courrier de notification du premier ministre britannique du 29 mars 2017.
Best alternative to a negotiated agreement.
« Some call it single market membership, some call it a free trade agreement. It has the same result at the end for our economies. That will not happen, that will not happen. » (MEP, The Guardian, January 25, 2017).
C’est-à-dire pour l’essentiel (i) garanties réciproques en vue de préserver le statut et les droits tirés du droit de l’UE dont bénéficient les citoyens de l’UE et du Royaume-Uni affectés par le Brexit (y compris au titre de la libre circulation des travailleurs), (ii) respect, sous forme d’un règlement financier unique, par le Royaume-Uni des obligations, engagements et passifs découlant de toute la période pendant laquelle il aura été membre de l’Union, évalués de manière non officielle à 60 milliards d’euros, voire 100 milliards d’euros selon le Financial Times du 3 mai 2017, (iii) frontières avec la République d’Irlande et (iv) maintien, après le retrait, du droit de commercialisation des produits mis en circulation avant le retrait (orientations du Conseil européen à la suite de la notification faite par le Royaume-Uni au titre de l’article 50 du TUE du 29 avril 2017). Pour une revue plus détaillée des directives de négociation, voir l’annexe à la décision du Conseil de l’Union européenne du 22 mai 2017 autorisant la Commission à ouvrir les négociations avec le Royaume-Uni.
Orientations du Conseil européen à la suite de la notification faite par le Royaume-Uni au titre de l’article 50 du TUE du 29 avril 2017, § 18.
Aux termes de la décision du conseil de l’Union européenne du 22 mai 2017, à ce stade, la Commission n’est d’ailleurs pas investie du pouvoir de négocier ne serait-ce que les grands principes qui gouverneront ces relations futures.
Recommandations pour une décision du Conseil de l’Union européenne autorisant la Commission à ouvrir des négociations relatives à la sortie du Royaume-Uni, 3 mai 2017, p. 2.
Voir notamment, les principes directeurs en matière de transparence dans le cadre des négociations au titre de l’article 50 du TUE, Conseil de l’Union européenne, 22 mai 2017.
Testez gratuitement Lextenso !
Plan
- 1Les conséquences juridiques et fiscales du Brexit
- 1.1Propos introductifs
- 1.2Le Brexit sous l’angle de la négociation : de l’inévitable échec à l’indispensable accord
- 1.3Les effets du Brexit sur le droit d’établissement des sociétés
- 1.4Le devenir des personnes morales européennes au prisme du Brexit
- 1.4.1I – Les alternatives au Brexit pour les personnes morales européennes immatriculées au Royaume-Uni
- 1.4.2II – Les relations entre le Royaume-Uni et les structures européennes de l’EEE post Brexit
- 1.5Brexit : quelles incidences fiscales peut-on anticiper ?
- 1.6Quelles conséquences du Brexit sur les marchés financiers français ?