Responsabilité civile du dirigeant : quel point de départ du délai de prescription ?
La chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce sur le point de départ du délai de prescription prévu à l’article L. 225-254 du Code de commerce. Selon elle, ce point de départ doit être fixé au jour de la décision de non-lieu, lorsque la responsabilité civile du dirigeant procède d’une dénonciation calomnieuse. Cependant, le raisonnement menant à cette solution n’est pas sans donner lieu à certaines interrogations.
Cass. com., 21 juin 2017, n° 15-27465
Soumise à des conditions dérogatoires par rapport au droit commun, la responsabilité des dirigeants de sociétés anonymes est notamment enfermée dans un délai de prescription de trois années, en application de l’article L. 225-254 du Code de commerce. C’est sur le point de départ de ce délai que cet arrêt, rendu le 21 juin 2017 par la chambre commerciale de la Cour de cassation, apporte un éclaircissement.
Les faits présentaient une particularité, en ce que l’action en responsabilité civile était engagée à la suite de la condamnation pénale d’un dirigeant pour des faits de dénonciation calomnieuse. Plus précisément, l’associé d’une EURL avait cédé ses parts à une SA, et l’un des dirigeants de cette dernière avait quant à lui repris les fonctions de gérant. Le nouveau gérant avait porté plainte contre son prédécesseur, des chefs d’abus de biens sociaux, détournement d’actifs et faux bilans. La SA, désormais associée de[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
Cass. com., 23 oct. 1990, n° 89-14721 : BJS déc. 1990, n° 335, p. 1036, note Jeantin M.
Cozian M., Viandier A. et Deboissy F., Droit des sociétés, 29e éd., 2016, LexisNexis, n° 836.
V. par ex., Cass. com., 2 mai 1983, n° 81-12717 ; Cass. com., 20 févr. 2007, n° 03-12088 : BJS juin 2007, n° 202, p. 755, note Godon L. ; Dr. sociétés 2007, comm. 97, note Monnet J.
Cass. com., 30 mars 2010, n° 08-17841 : BJS juin 2010, n° 108, p. 533, note Raffray R. ; RTD com. 2010, p. 377, obs. Le Cannu P. et Dondero B. ; Dr. soc. 2010, comm. 117, obs. Roussille M. L’hypothèse, il est vrai, était celle d’une dissimulation.
V. cependant, Godon L., note ss Cass. com., 20 févr. 2007, n° 03-12088, BJS juin 2007, n° 202, p. 755, qui fait valoir que l’esprit de l’article L. 225-254 du Code de commerce est d’épargner les dirigeants contre une menace trop durable de poursuites à la suite de fautes de gestion. L’évolution de la jurisprudence, qui tend en général à assouplir les conditions de leur responsabilité, notamment à travers la notion de faute détachable, amène néanmoins à relativiser l’argument.
Cass. crim., 17 oct. 2006, n° 05-85519 : Dr. pén. 2007, comm. 17, obs. Véron M.
V., à cet égard, JCl. Sociétés Traité, fasc. 132-10, Administration – Responsabilité civile des dirigeants, n° 132, Guyon Y. et Buchberger M., et la jurisprudence citée.
Ripert G., Roblot R., Germain M. et Magnier V., Traité de droit commercial, Les sociétés commerciales, t. 2, 21e éd., 2014, LGDJ, n° 1769.
À condition bien sûr qu’elle soit accompagnée d’une intentionnalité : Godon L., note ss Cass. com., 20 févr. 2007, n° 03-12088 : BJS juin 2007, n° 202, p. 755.
V. déjà, à cet égard, Saenko L., « La notion de dissimulation en matière d’abus de biens sociaux : évolution ou dérive », RTD com. 2005, p. 671, spéc. nos 47 et s.
Rép. pén. Dalloz, v° Dénonciation calomnieuse, n° 228, Mayaud Y. L’auteur est cependant favorable à une telle solution, qu’il juge « pratique ».
V., sur l’application de cette règle par la jurisprudence en matière de responsabilité civile des dirigeants sociaux, Rép. soc. Dalloz, V° Responsabilité civile des dirigeants sociaux, nos 116 et s., Le Bars B.
Cette suspension interviendrait sur le modèle des règles énoncées respectivement, en matière civile et pénale, par l’article 2234 du Code civil et l’article 9-3 du Code de procédure pénale.
V., sur le calcul de la prescription et les règles gouvernant sa suspension en matière pénale, Mayaud Y., op cit., nos 229 et s.
Testez gratuitement Lextenso !