Retrait de crédit : inapplicabilité des dispositions protectrices du Code de commerce
L’article L. 650-1 du Code de commerce, qui instaure une présomption de non-responsabilité au profit des créanciers dispensateurs de crédit qui ont soutenu une entreprise en difficulté, n’est applicable que lorsque cette responsabilité est recherchée du fait de l’octroi d’un concours, et non du retrait de ce dernier. La Cour de cassation montre ici qu’elle est attentive à ne pas permettre l’impunité de facto de la rupture abusive de crédit.
Cass. com., 23 sept. 2020, n° 18-23221
Cass. com., 23 sept. 2020, n° 19-12542
Au rang des nombreuses innovations apportées par la loi de sauvegarde des entreprises en date du 26 juillet 2005, l’article L. 650-1 du Code de commerce n’a pas manqué, depuis son entrée en vigueur, de susciter le commentaire1 et a même nourri, depuis lors, une jurisprudence relativement abondante2. Ce texte entend, en effet, limiter la possibilité d’engager la responsabilité civile des dispensateurs de crédit en raison du soutien apporté à l’entreprise en difficulté. Il s’agissait donc, par l’édiction de ce texte, de limiter la portée de la jurisprudence qui s’était développée pour sanctionner le soutien abusif du banquier, lequel pouvait jusqu’alors voir engagée sa responsabilité civile dès lors qu’il apportait ou maintenait son concours à une entreprise dont il connaissait ou ne pouvait ignorer la situation irrémédiablement compromise3. Selon ce texte en effet,[...]
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V. not. Stoufflet N. et Mathey N., « Loi sur la sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, commentaire des dispositions applicables aux concours financiers », RD bancaire et fin. 2006, p. 54 ; Vidal D., « La responsabilité civile du banquier dans la faillite de son client », RD bancaire et fin. 2006, p. 87 ; Hoang P., « La responsabilité des créanciers dispensateurs de crédit, in Martineau- Bourgninaud V. (dir.), La loi de sauvegarde des entreprises : quelles procédures, quelles responsabilités ?, 2007, Litec, Colloques et débats ; « De la suppression du dispositif prétorien de la responsabilité pour soutien abusif », D. 2006, p. 145 ; « L’octroi abusif de crédit s’invite à la date de l’exclusion de la responsabilité de l’article L. 650-1 du Code commerce », D. 2012, p. 2034 ; Macorig-Venier F., « Le soutien abusif », RLDA 2008/2, p. 119 ; Robine D., « L’article L. 650-1 du Code de commerce, un cadeau empoisonné », D. 2006, p. 69 ; Robine D., « L’article L. 650-1 du Code de commerce : un janus à deux visages », in Mélanges en l’honneur du Professeur Paul Le Cannu, 2014, Dalloz, p. 621 ; Legeais D., « Les actions en soutien abusif », Rev. proc. coll. 2013, dossier 27 ; Moury J., « La responsabilité du fournisseur de “concours” dans le marc de l’article L. 650-1 du Code de commerce », D. 2006, p. 1743.
Sur l’ensemble de la question, v. Vallansan J. et Fin-Langer L., Guide des procédures collectives 2020/2021, 2020, LexisNexis, p. 313 et s., fiche 39.
V. Lasserre Capdeville J., « L’article L. 650-1 du Code de commerce aujourd’hui : bilan de deux années de jurisprudence (2016-2017) », BJE janv. 2018, n° 115n7, p. 71.
Jacquemont A., Borga N. et Mastrullo T., Droit des entreprises en difficultés, 11e éd., 2020, LexisNexis, nos 459 et s., spéc. n° 459.
V. Lucas F.-X., Manuel de droit de la faillite, 2e éd., 2018, PUF, spéc. n° 207, qui parle d’une « (…) injustifiable immunité au bénéfice des bailleurs de fonds libres de financer n’importe qui et n’importe quoi et ainsi de consentir des crédits ruineux ou abusifs au préjudice tant du débiteur que de la collectivité de ses créanciers (…) » (note sous Cass. com., 10 janv. 2018, n° 16-10824 : LEDEN févr. 2018, n° 111g5, p. 1).
Cass. com., 10 janv. 2018, n° 16-10824 : LEDEN févr. 2018, n° 111g5, p. 1, note Lucas F.-X. ; BJE mai 2018, n° 115w0, p. 210, note Favario T. ; Rev. sociétés 2018, p. 199, obs. Roussel Galle P.
Rappelons que selon ce texte, « (…) tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à 60 jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l’établissement de crédit fournit, sur demande de l’entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L’établissement de crédit ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d’autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.
L’établissement de crédit n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.
Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l’établissement de crédit (…) ».
Sur ce constat, v. déjà Favario T., note sous Cass. com., 10 janv. 2018, n° 16-10824 : BJE mai 2018, n° 115w0, p. 210.
V. not. JCl. Procédures collectives, fasc. 3100, spéc. nos 97 et s., note Legeais D.
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