Négociation dérogatoire, nouvelle formule
La faculté d'engager une négociation collective d’entreprise en l’absence de délégué syndical est de nouveau réformée face à la faible adhésion des praticiens. Exit l’indicible plafond de 200 salariés ; toutes les entreprises, même de moins de 50 salariés, peuvent recourir à cette forme de négociation. La seule condition réside dans son caractère subsidiaire. Les organisations syndicales représentatives au niveau des branches ou au niveau national et interprofessionnel conservent des moyens de contrôle importants en amont ou en aval des négociations. Des nombreuses interrogations demeurent. Nous attendons avec impatience l'adoption des décrets d'application qui avaient été promis courant novembre 2015...
La troisième version sera-t-elle la bonne ? La faculté de conduire une négociation collective d’entreprise nonobstant l’absence de délégué syndical a déjà fait l’objet de dispositions dans les lois du 4 mai 20041 puis du 20 août 2008. Face à la faible adhésion des praticiens aux règles énoncées2, le législateur a remis le thème sur l’ouvrage à l’occasion de la loi du 17 août 20153. Exit le « fameux fumeux » plafond de 200 salariés ; désormais toutes les entreprises, qu’elles[...]
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Les 19 accords de branche encadrant la négociation dérogatoire conclus en application de la loi du 4 mai 2004 demeurent applicables ; l’article 14 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 n’a pas été abrogé.
9/10e des accords collectifs négociés avec des élus sont des accords d’épargne salariale (C. Sirugue, Rapp. AN, 21 mai 2015, p. 303).
B. Gauriau, « La négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux » : Dr. soc. 2015, p. 878 et s.
La négociation dérogatoire est désormais ouverte dans toute entreprise dépourvue d’un délégué syndical ou d’un « délégué du personnel désigné comme délégué syndical », V. C. trav., art. L. 2232-21 ; C. trav., art. L. 2232-24.
À défaut, le texte négocié avec un autre que le délégué syndical « n’a ni la valeur ni les effets d’un accord collectif de sorte qu’il n’est pas opposable aux salariés » s’il comporte des dispositions défavorables (V. Cass. soc., 5 mai 2009, n° 07-45358) ; les éventuels avantages compris dans l’acte négocié sans respect du monopole syndical constituent des engagements unilatéraux dont les salariés peuvent se prévaloir (V. Cass. soc., 18 mars 1997, n° 93-43989 : Bull. civ. V, n° 110 : « l’avantage consenti aux salariés dans le protocole d’accord conclu par les sociétés avec leur comité d’entreprise ne résultait pas d’un accord collectif de travail mais constituait un engagement unilatéral de l’employeur ». – Cass. soc., 19 nov. 1997, n° 94-43223 : Bull. civ. V, n° 380).
C. trav., art. L. 2232-21.
Cette interprétation est confirmée par le fait que, s’agissant de la compétence des élus non mandatés, il est fait expressément référence aux seuls élus titulaires. Néanmoins, pour les élus mandatés, seuls les titulaires bénéficient d’heures de délégation (C. trav., art. L. 2232-23) et reçoivent les informations relatives à la négociation (C. trav., art. L. 2232-27-1, al. 6). Il est permis d’en conclure que, dans l’esprit du législateur, seuls les titulaires pourraient avoir vocation à participer à la négociation.
C. trav., art. L. 2391-1. L’instance conventionnelle, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, peut être diversement composée (CE + DP + CHSCT ; CE + DP ; CE + CHSCT ; DP + CHSCT). Il a été judicieusement observé que, pour négocier, « l’instance doit comprendre le comité d’entreprise (…). Dans l’hypothèse où elle serait uniquement composée de délégués du personnel et du CHSCT, elle coexisterait sans doute avec un comité d’entreprise qui resterait prioritaire » (B. Gauriau, art. préc.).
C. civ., art. 1998.
B. Gauriau, « Stratégie et dialogue social adapté » : JCP S 2015, 1354.
C. pén., art. 441-1.
C. civ., art. 1987.
C. trav., art. L. 2232-21-1.
La disposition légale surprend car un même salarié n’est pas autorisé à recevoir concomitamment deux mandats syndicaux différents, V. Cass. soc., 26 mai 2010, n° 09-60278 : Bull. civ. V, n° 117.
Le terme « à défaut » imposerait alors à un élu du personnel de s’adresser aux organisations syndicales de branche pour recevoir un mandat. Si aucune ne souhaite être représentée par lui, il serait autorisé à formuler la même demande auprès des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
V. C. trav., art. L. 2232-21 et C. trav., art. L. 2232-24, qui prévoient l’information des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel en l’absence d’organisation syndicale représentative au sein de la branche.
Rapp. AN., préc., p. 306.
Les articles 1984 et suivants du Code civil n’ont pas vocation à s’appliquer.
Les articles 2003 et suivants du Code civil sur la révocation ou renonciation du mandat ont vocation à s’appliquer.
C. trav., art. L. 2232-22.
En d’autres termes, ce n’est pas le comité d’entreprise qui est compétent pour négocier, en tant qu’instance collective, mais chacun des élus.
L’éventuel contentieux relatif au mandatement relève, à défaut de précision, du TGI (CA Riom, 6 avr. 1999 : TPS 1999, chron. n° 13, J.-M. Olivier – Cass. soc., 17 janv. 2001, n° 99-60545).
C. trav., art. L. 2232-24, al. 1.
C. trav., art. L. 2232-24, al. 3.
C. trav., art. L. 2232-24.
Le législateur ne précise pas si le mandat doit être donné pour une négociation particulière ou s’il peut être donné pour toute négociation. Sous l’empire de la loi du 4 mai 2004, il devait être prévu « pour une négociation déterminée » (C. trav., art. L. 2232-25). L’absence de précision dans la loi du 20 août 2008 pourrait inciter à considérer que, désormais, un mandat général peut être accordé. Cette interprétation est toutefois douteuse. Comme l’employeur prend l’initiative des négociations et en informe les syndicats de la branche, ces derniers ne peuvent mandater un salarié en l’absence de proposition formulée par l’employeur (CA Agen, 30 mai 2002, n° 00/01178).
Cass. soc., 8 juill. 2009 : JCP S 2009, 1416, étude B. Gauriau.
Rappr. CA Agen, 30 mai 2002, préc. – Cass. soc., 24 janv. 2007, n° 05-17177.
C. trav., art. L. 2232-26 et C. trav., art. L. 2324-15, al. 1.
C. trav., art. L. 2314-15 et C. trav., art. L. 2314-16.
Rapp. AN, préc., p. 302.
V. Cass. soc., 17 mai 2011, n° 10-12852 : Bull. civ. V, n° 108.
C. trav., art. L. 2232-21, al. 1 et C. trav., art. L. 2232-24, al. 1.
C. trav., art. L. 2222-1.
C. trav., art. L. 2232-22, al. 3.
Cass. soc., 21 juill. 1976 : Dr. soc. 1976, p. 494 – Cass. soc., 9 juin 1998 : TPS 1998, comm. n° 327.
Une autre difficulté apparaît lorsque l’entreprise est composée d’établissements comprenant des élus et d’autres établissements sans élus. À notre avis, les règles applicables aux élus prévalent sur celles applicables aux salariés mandatés.
C. trav., art. L. 2232-21.
La loi « lève le verrou » (Rapp. AN, préc., p. 304). Les accords collectifs susceptibles d’être négociés au sein d’une entreprise dépourvue de délégués syndicaux sont ceux régis par l’article L. 2232-12 du Code du travail nécessitant la signature d’organisations syndicales ayant obtenu au moins 30 % des suffrages lors des dernières élections professionnelles et l’absence d’opposition majoritaire.
C. trav., art. L. 2221-2, al. 2.
C. trav., art. L. 2232-2 et C. trav., art. L. 2232-24.
C. trav., art. L. 2261-7.
C. trav., art. L. 2261-10.
C. trav., art. L. 2251-1.
Ce qui peut inclure notamment les accords d’entreprise permettant, hors plan de sauvegarde de l’emploi, de définir, dans un périmètre plus restreint que l’entreprise, les critères d’ordre de licenciement, V. Cass. soc., 14 oct. 2015, n° 14-14339.
C. trav., art. L. 2232-24 et C. trav., art. L. 2232-22.
C. trav., art. L. 1233-24-1.
C. trav., art. L. 5125-4. Sur le fondement du II de l’article L. 5125-4 du Code du travail, des élus ou des salariés peuvent recevoir, en sus de leur mandat de négociation donné sur le fondement des articles L. 2232-21 et suivants, un mandat spécial pour la négociation d’un accord de maintien de l’emploi. – V., pour les règles spéciales de négociation prévues pour l’aménagement des délais de consultation du CE : C. trav., art. L. 2323-7.
Rappr. pour un accord de fin de conflit, Cass. soc., 15 janv. 1997, n° 94-44914 : Bull. civ. V, n° 20.
C. trav., art. L. 2232-21, al. 2 et C. trav., art. L. 2232-24, al. 2.
Les élus non mandatés ne peuvent intervenir qu’en l’absence de mandat donné à un élu et un salarié ne peut négocier que s’il est mandaté… ce qui exclut par nature la faculté de s’autosaisir.
C. trav., art. L. 2232-23-1.
C. trav., art. L. 2232-23-1, al. 1.
V. C. trav., art. L. 2221-2, al. 2.
Cette information ne fixe toutefois pas les limites de la négociation future qui relève de la liberté contractuelle. L’information devrait aussi indiquer si l’accord souhaité est un nouvel accord, un avenant de révision, un accord d’adaptation ou de substitution.
C. trav., art. L. 2232-23-1, al. 1.
C. trav., art. L. 2232-23-1, al. 1.
C. trav., art. L. 2232-23-1, al. 2.
Courrier, courriel, SMS…
C. trav., art. L. 2232-23-1, al. 2. Le délai d’un mois permet ainsi aux élus de solliciter les organisations syndicales.
C. trav., art. L. 2232-23-1, al. 3.
C. trav., art. L. 2232-24.
Un éventuel abus pourrait être condamné (C. civ., art. 1382).
C. trav., art. L. 2232-21, al. 2, et C. trav., art. L. 2232-24, al. 2.
Rapp. AN, préc., p. 304.
Les organisations syndicales ont en effet compétence pour demander à l’employeur d’organiser un tel processus lorsque les seuils d’effectifs sont franchis (C. trav., art. L. 2314-4 et C. trav., art. L. 2324-4).
V. Cass. soc., 8 juill. 2009, n° 09-60012.
V. Cass. com., 10 févr. 1998, n° 95-21906 : Bull. civ. IV, n° 71. Les organisations en mesure de désigner un délégué syndical peuvent-elles, à défaut d’information, se prévaloir d’une entrave à l’exercice du droit syndical (C. trav., art. L. 2232-16) ? Une telle désignation constituant une faculté pour les syndicats, l’employeur ne saurait être condamné, sauf à prouver que sa négligence était nourrie de l’intention de l’empêcher.
V. A. Mazeaud, « La négociation des accords d’entreprise en l’absence de délégué syndical » : Dr. soc. 2009, p. 669 ; E. Jeansen, Y. Pagnerre, « La négociation dérogatoire » : JCP S 2009, 1572.
C. trav., art. L. 2232-23.
C. trav., art. L. 2232-23 et C. trav., art. L. 2232-25. Il est rappelé que « les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale. L’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire ».
C. trav., art. L. 2232-21-1 et C. trav., art. L. 2232-27.
L’article L. 2232-21-1 du Code du travail ne vise que l’accord conclu par « un représentant élu du personnel au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel ou, à défaut, par un délégué du personnel ». Il en résulte, étrangement, que « le référendum n’a pas sa place si l’accord a été conclu par l’instance mentionnée à l’article L. 2391-1 du Code du travail » (B. Gauriau, art. préc.). Comment l’expliquer ? Selon le professeur Gauriau, « c’est que son acte fondateur, un accord majoritaire, et les personnes qui y sont présentes confèrent à l’ensemble une légitimité suffisante » (B. Gauriau, art. préc.). La difficulté est qu’ainsi interprétée, la loi permet que la signature d’un seul membre suffise à donner force à un accord… La condition de majorité est donc lourdement obérée. Il semble qu’il s’agisse d’un oubli malheureux… Ne pouvons-nous pas jouer sur les mots et considérer que la notion de délégation unique du personnel vise tout autant celle prévue par la loi que celle mise en œuvre par accord collectif ?
Le nouveau texte a donc repris la solution retenue en 2008 de ne pas imposer de quorum.
C. trav., art. L. 2232-22, al. 3.
C. trav., art. L. 2232-22, al. 3 ; pour une interprétation de cette condition, E. Jeansen, Y. Pagnerre, « La négociation dérogatoire », préc.
Il nous semble impossible de tenir compte des éventuelles ratures appliquées sur le nom d’un élu. Si ce dernier chiffre est supérieur au premier, l’accord est valablement conclu. Une incertitude se présente en cas de désaccord entre négociateurs élus sur une même liste syndicale. Les élections professionnelles reposant sur un scrutin de liste, il est permis de considérer que la prise en compte des suffrages obtenus par une liste syndicale implique la signature de l’ensemble des acteurs de la liste parties à la négociation. Mais il n’est pas impossible de préférer diviser les nombres de voix obtenus par le nombre d’élus appartenant à la même liste qui participent à la négociation.
C. trav., art. L. 2232-28.
C. trav., art. L. 2232-22, al. 4. Il est conseillé aux commissions d’adopter un règlement intérieur précisant les modalités d’organisation de leurs réunions.
C. trav., art. L. 2232-28. Les modalités seront précisées par voie réglementaire.
V. Cass. soc., 25 oct. 2007, n° 06-43415, rejetant comme étant surabondant et erroné le motif déclarant que l’absence de dépôt d’un accord collectif ne le rend pas inopposable aux salariés, sauf si les parties ont entendu subordonner son entrée en vigueur à la formalité de ce dépôt.
V. E. Jeansen, Y. Pagnerre, « La négociation dérogatoire », art. préc.
Rapp. AN, préc., p. 307.
Rapp. AN, préc., p. 307.
Les modalités de révision et de dénonciation des accords collectifs constituent des « effets légaux d’un contrat [qui] sont régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent » (Cass. 3e civ., 18 févr. 2009, n° 08-13143 : Bull. civ. III, n° 40 – Cass. 3e civ., 3 juill. 2013, n° 12-21541 : Bull. civ. III, n° 89 ; C. civ., art. 2).
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