Clauses de contentieux international du travail
Le domaine du contentieux international du travail offre le visage d’une perméabilité à la volonté des parties variable selon le moment de son expression. Les clauses attributives de juridiction, de médiation et d’arbitrage, nulles ou peu efficaces lorsqu’elles sont stipulées dans le contrat de travail, retrouvent tout leur intérêt dès lors qu’elles sont conclues après la naissance du litige.
Diversité. – Diverses dans leur finalité1, les clauses de contentieux ont en commun d’infléchir l’application traditionnelle des règles procédurales juridictionnelles. De telles clauses fleurissent et prospèrent dans les contrats d’affaires, spécialement dans les contrats internationaux. Les contractants cherchent ainsi à prévenir ou anticiper les litiges éventuels grâce à des clauses de règlement des différends. Le droit du travail n’est plus hostile à de telles clauses, comme en témoigne la jurisprudence Deloitte2 ou la loi Macron3, même si elles sont encore largement encadrées en droit interne. Dans les relations de travail internationales, la question n’est pas moins complexe, la validité et/ou l’efficacité des clauses de contentieux n’étant en rien garantie par la seule présence d’un élément d’extranéité. Trois clauses présentent un[...]
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Boillot C., « Le régime des clauses relatives au litige », RTD com. 2013, p. 1.
Cass. soc., 30 nov. 2011, n° 11-12905 : Bull. civ. V, n° 277 ; Procédures 2012, comm. 3, p. 74, note Bugada A. ; Dr. soc. 2012, p. 309, note Gauriau B. ; Rev. arb. 2012, p. 333, note Boucaron-Nardetto M. ; JCP S, 2012, 1049, note Brissy S. ; CSBP févr. 2012, n° D2, p. 35, note Icard J.
Baugard D., « La procédure participative et la médiation conventionnelle en matière prud’homale », Cah. soc. déc. 2015, n° 117k6, p. 665.
L’intérêt de clauses sur le plan collectif est assez limité : les conventions collectives ont un ressort essentiellement national et les dispositions relatives à la représentation collective sont traditionnellement considérées comme des lois de police.
Pour les clauses attributives : règl. PE et Cons. UE n° 44/2001, 22 déc. 2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit règl. Bruxelles 1) : JOCE L. 12/1, 16 janv. 2001. Remplacé par : règl. PE et Cons. UE n° 1215/2012, 12 déc. 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit règl. Bruxelles 1 bis) : JOUE L. 351/1, 20 déc. 2012.
Pour les clauses de médiation : Dir. PE et Cons. UE n° 2008/52/CE, 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale : JOUE L 136/3, 24 mai 2008.
Certes la jurisprudence reconnaît l’existence d’une « règle matérielle du droit international de l’arbitrage » en vertu de laquelle « l’existence et l’efficacité de la clause compromissoire s’apprécient d’après la commune volonté des parties, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi étatique » (Cass. 1re civ., 20 déc. 1993, n° 91-16828 : Bull. civ. I, n° 372 ; JDI 1994, p. 432, note Gaillard E. ; JDI 1994, p. 600, note Loquin É.) mais « sous réserve [des règles] impératives du droit français » (même arrêt), ce qui est spécialement le cas en droit du travail (v. infra).
Règl. PE et Cons. UE n° 593/2008, 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit règl. Rome I) : JOUE L 177/6, 4 juill. 2008, art. 9.
L’article 8-4 du règlement Rome I, prévoyant la faculté pour le juge d’écarter les règles objectives prévues aux paragraphes 2 et 3 et de préférer la loi du pays avec lequel le contrat présente des liens plus étroits offre, en pratique, une voie d’objectivation d’un souverainisme judiciaire, permettant au juge saisi d’appliquer sa propre loi plutôt celle désignée par la règle de conflit, à peine circonscrite par la Cour de Justice (CJUE, 12 sept. 2013 C-64/12, Schlecker : Europe, 2013, 495, comm. Idot L. ; JCP S 2014, 1045, note Tricoit J.-P. ; RDT 2013, 785, note Jault-Seseke F. et Remy P. ; Rev. crit. DIP, 2014, 159, note Pataut E.).
Règl. PE et Cons. UE n° 1215/2012, 12 déc. 2012, préc., art. 63.
CJUE, 19 juill. 2012, n° C-154/11, Ahmed Mahamdia : Rec. CJUE 2012, p. 309, spéc. § 46 et 48 ; RDT 2012, p. 588, note Jault-Seseke F. ; Rev. crit. DIP 2013, p. 217, note Pataut E. ; JCP S 2012, 1491, note Tricoit J.-P.
Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dite Convention de Lugano) : JOUE L 339/3, 21 déc. 2007.
Règl. n° 1215/2012, préc., art. 23 ; Convention Lugano, préc., art. 21.
CJCE, 9 janv. 1997, n° C-383/95, Rutten : Rec. CJCE I-57 ; JDI 1997, p. 635, note Bischoff J.-M.
CJCE, 27 févr. 2002, n° C-37/00, Weber : Rec. CJCE I-2013, spéc. § 54 ; Cah. dr. eur. 2003, p. 773, obs. Tagaras H. ; JDI 2003, p. 661, obs. Huet A. ; JCP E 2002, 1329, note Coursier P. ; Europe 2002, n° 4, p. 24, note Idot L.
Cass. soc., 27 nov. 2013, n° 12-24880 : Bull. civ. V, n° 294 ; JCP S 2014, 1155, comm. Piacitelli-Guedj A. ; Cah. soc. janv. 2014, n° 112j2, p. 57, obs. Icard J.
Cass. civ., 19 oct. 1959 : D. 1960, p. 37, note Holleaux G.
Cass. civ., 30 oct. 1962 : D. 1963, p. 109, note Holleaux G.
Cass. soc., 29 sept. 2010, n° 09-40688 : Bull. civ. V, n° 204. V. déjà : Cass. ch. mixte, 28 juin 1974, n° 71-40360 : Bull. ch. mixte, n° 4 – Cass. soc., 30 janv. 1991, n° 87-42086 : Bull. civ. V, n° 41.
Cass. soc., 1er mars 1989, n° 85-46006 : Bull. civ. V, n° 156 – Cass. soc., 20 janv. 1983, n° 80-42277 : Bull. civ. V, n° 26.
Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-26022 : Bull. civ. I, n° 176 ; JCP E 2013, 1134, obs. Nourissat C. ; RDC 2013, p. 265, note Klein J. ; RTD com. 2013, p. 383, note Delebecque P.
Règl. n° 1215/2012, préc., art. 27.
Règl. n° 1215/2012, préc., art. 45, e), i) a contrario.
CJCE, 9 déc. 2003, n° C-166/02, Gasser : Rec. CJCE I-14693 ; Procédures 2004, comm. 3, p. 13, note Nourissat C. ; Europe 2004, n° 2, p. 22, note Idot L. ; Rev. crit. DIP 2004, p. 444, note Muir Watt H. ; D. 2004, p. 1046, note Bruneau C.
Contra en médiation judiciaire : Blohorn-Brenneur P., « La médiation judiciaire en matière prud’homale. Le protocole d’accord et la décision d’homologation », D. 2001, p. 251.
Dir. PE et Cons. UE n° 2008/52/CE, 21 mai 2008, préc.
Ord. n° 2011-1540, 16 nov. 2011, portant transposition de la Dir. PE et Cons. UE n° 2008/52/CE, 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.
L. n° 95-125, 8 févr. 1995, relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative : JO n° 34, 9 févr. 1995, p. 2175.
Baugard D., « La procédure participative et la médiation conventionnelle en matière prud’homale », préc.
Cass. ch. mixte, 14 févr. 2003, nos 00-19423 et 00-19424 : Bull. ch. mixte, n° 1 ; RTD civ. 2003, p. 294, obs. Mestre J. et Fages B. ; RTD civ. 2005, p. 450, obs. Perrot R. ; RDC 2003, p. 182, note Cadiet L. ; RDC 2003, p. 189, note Lagarde X. ; Rev. arb. 2003, p. 403, note Jarosson C. ; Dr. soc. 2003, p. 890, note Keller M. Conf. Cass. 1re civ., 8 avr. 2009, n° 08-10866 : Bull. civ. I, n° 78 ; RLDC 2009, n° 61, p. 13, note Maugeri V. ; JCP G, 2009, spéc. n° 43, note Cuperlier O. ; RTD civ. 2009, p. 774, note Théry P. ; JCP E 2009, 2167, chron. Beguin J.
Cass. soc., 5 déc. 2012, n° 11-20004 : Bull. civ. V, n° 326 ; RTD civ. 2013, p. 171, obs. Perrot R. ; JCP S 2013, 1127, note François G. ; Procédures 2013, comm. 4, p. 20, note Bugada A. ; JCP G 2013, 483, note Cuperlier O. ; Gaz. Pal. 9 févr. 2013, n° 121w3, p. 33, note Amrani-Mekki S.
Mensuel droit du travail, n° 38, déc. 2012.
Rapp. Cour de cassation, 1999, p. 328.
Dir. PE et Cons. UE n° 2008/52/CE, 21 mai 2008, art. 6, préc.
Cass. soc., 18 févr. 1998, n° 95-42500 : Bull. civ. V, n° 95 ; JCP E 1999, 379, note Duval H.
V. supra.
Règl. n° 1215/2012, préc., art. 1.
V. CA Paris, 14 déc. 1990 : Rev. arb. 1991, p. 365, obs. Moreau B.
C. trav., anc. L. 511-1, al. 6 (version 1979) : « Toute convention dérogatoire, à l’exception du compromis d’arbitrage postérieur à l’expiration du contrat de travail, est réputée non écrite ».
L. n° 82-372, 6 mai 1982, portant modification de certaines dispositions du titre 1er du livre V du Code du travail relatives aux Conseils de prud’hommes : JO, 7 mai 1982, p. 1287.
Lors des débats à l’Assemblée nationale sur la loi du 6 mai 1982, Jean Auroux déclarait : « Je tiens à préciser que le nouveau texte ne peut être considéré comme faisant échec au droit commun de l’arbitrage. Par conséquent (…) les salariés et les employeurs auront toujours la possibilité de soumettre leur litige à un arbitre, mais seulement le licenciement intervenu ».
Pour : CA Paris, 14 déc. 1990 – CA Paris, 4 juin 1992, citée in Flichy H., « En questions. Création du Centre national d’arbitrage du travail : une innovation juridique au service des justiciables », JCP S 2015, act. 204.
Contra : CA Colmar, 1er avr. 2010, n° 09/00184.
V. en ce sens nos obs. : Icard J., « De la nullité à l’inopposabilité des clauses compromissoires stipulées dans un contrat de travail interne », CSBP févr. 2012, n° D2, p. 35.
Cass. soc., 16 févr. 1999, n° 96-40643 : Bull. civ. V, n° 78 ; Rev. arb. 1999, p. 290, note Moreau M.-A. ; JCP E 1999, 1685, note Coursier P. ; Gaz. Pal. 2 mars 2000, n° C0125, p. 20, note Niboyet M.-L. – Cass. soc., 9 oct. 2001, n° 99-43288 : Bull. civ. V, n° 312 ; Rev. arb. 2002, p. 347, note Clay T. – Cass. soc., 8 juin 2005, n° 03-45042 : Bull. civ. V, n° 216 ; Rev. crit. DIP 2006, p. 159, note Jault-Seseke F. ; JCP S 2005, 1245, note Cesaro J.-F. ; JCP G 2005, 179, note Béguin J.
Règl. n° 1215/2012, préc., art. 21.
Rapp. Cour de cassation, 1999, p. 328.
Sur cette réforme, v. Rev. arb. 1997, p. 441. V. égal. Schlosser P., « La nouvelle législation allemande sur l’arbitrage », Rev. arb. 1997, p. 291.
L’article 1030 (3) du Code de procédure civile allemand dispose que certains différends (patrimoniaux) échappent à l’arbitrage en raison de certaines dispositions légales particulières. Il en est ainsi du § 101 (3) de la loi sur les juridictions du travail qui exclut expressément les conflits de travail du champ de l’arbitrage.
L. 13 juill. 1978 relative aux contrats de travail : JO, 22 août 1978, p. 9277, art. 13 : « Les travailleurs et leurs employeurs ne peuvent s’engager d’avance à soumettre à des arbitres les contestations à naître ».
Seuil au 1er janv. 2016.
L. 13 juill. 1978 relative aux contrats de travail, préc., art. 69.
Liebscher C. et Haugender F., « Autriche : le nouveau droit de l’arbitrage », Gaz. Pal. 22 avr. 2006, n° G0838, p. 14.
D.-L. n° 40/2006, 2 févr. 2006, pris en application de la loi pour la compétitivité. Sur cette réforme, v. Tampieri T., « La nouvelle loi italienne de réforme de l’arbitrage », Gaz. Pal. 22 avr. 2006, n° G0839, p. 20.
En matière d’arbitrage international, la voie de l’appel est en principe exclue, seul le recours en annulation est ouvert (CPC, art. 1502).
En ce sens, v. Fontmichel (de) M., Le faible et l’arbitrage, préf. Clay Th., Economica, coll. Recherches juridiques, 2013.
Cass. 1re civ., 22 oct. 1991, n° 89-21528 : Bull. civ. I, n° 275 ; Rev. arb. 1992, p. 457, note Lagarde P. ; Rev. crit. DIP 1992, p. 113, note Oppetit B. – v. Cass. 1re civ., 3 oct. 2006, n° 05-14099 : Bull. civ. I, n° 422 ; D. 2006, p. 2623.
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- 1Les clauses du contrat de travail à l’international