La réduction et l'harmonisation des délais de prescription de la rupture du contrat par les ordonnances du 22 septembre 2017
La réduction à un an des délais de prescription de toutes les formes de rupture du contrat de travail par l’ordonnance constitue un aspect majeur de la réforme du droit de la rupture, quant à ses incidences pratiques. Pourtant, l’harmonisation mérite d’être nuancée, tant les délais sont divers en droit social (contentieux de l’exécution, délai biennal, créances salariales, délai triennal). La rupture n’est-elle pas l’occasion de faire ressurgir d’autres contentieux latents relatifs à la relation de travail ? Un contentieux induit en résulterait alors, minorant la déjudiciarisation recherchée, qui viserait à délimiter les divers délais – voire à redonner au délai de droit commun de l’article 2224 du Code civil une certaine portée. La réforme pourrait emporter une reconfiguration du contentieux du travail. Les salariés risquent aussi de dénoncer l’atteinte portée à leur droit d’accès au juge s’agissant de délais stricts dotés d’un point de départ fixe.
1. Le contentieux social est en voie de reconfiguration… Avec le recul de l’oralité et l’extension de la représentation obligatoire, d’une part, avec la disparition du principe d’unicité d’instance enterré par le décret du 22 mai 20161, mettant[...]
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Et la réécriture des articles C. trav., art. R. 1452-6 et C. trav., art. R. 1452-7.
L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, dite loi J 21.
Bugada A., « De quelques aspects procéduraux dans les ordonnances Travail », Procédures 2017, alerte 22.
Boillot C., « Sécurisation de l’emploi et prescription des actions en justice dans la loi du 14 juin 2013 », Cah. soc. juill. 2013, n° 110x1, p. 317.
Loiseau G. et Gamet L., « Observations sur les nouvelles règles de contestation d’un accord collectif », Cah. soc. déc. 2017, n° 121y2, p. 49. L’article L. 2262-14 du Code du travail, créé par l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, art. 4, limite cette fois à 2 mois à compter de la notification de l’accord ou de sa publication « toute action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif ».
La rédaction de ce texte visant « toute contestation » relative à la « régularité », ainsi qu’à la « validité » du licenciement semblait ainsi soumettre à la prescription annale toutes les actions portant sur un licenciement pour motif économique, à la seule exception de la contestation de la cause réelle et sérieuse qui concerne pour sa part la justification du licenciement, et non sa régularité ou sa validité.
Cet article n’est pas encore applicable puisqu’on est en attente des décrets relatifs à ce nouveau dispositif qui sont nécessaires pour qu’il entre en vigueur.
On pourrait ajouter à cette liste le délai d’un an : C. trav., art. L. 1233-67 en cas d’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, art. 40-II de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
« (…) sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu’une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation. »
Le régime de droit transitoire de l’article 21 de la loi du 14 juin 2013 reprend celui la loi du 17 juin 2008.
Notamment en droit des assurances où la prescription est biennale (C. assur., art. L. 114-1).
Pour une application récente de l’article C. civ., art. 2254 en droit du travail à une action en requalification du contrat de travail : Cass. soc., 22 nov. 2017, n° 16-16561.
« À compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ».
Cass. soc., 22 nov. 2017, n° 16-16561, affirmant que l’action requalification n’est pas une action en paiement de salaires et peut donc faire l’objet d’un aménagement conventionnel.
Cass. soc., 15 juin 2010, n° 09-65062 : Bull. civ. V, n° 134 – Cass. soc., 17 nov. 2010, n° 09-42793, décisions relatives au délai d’un an de l’article C. trav., art. L. 1235-7.
L’inobservation des dispositions de l’article R. 111-2 du Code des assurances est désormais « sanctionnée par l’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription [biennale] édicté par l’article L. 114-1 » (Cass. 2e civ., 2 juin 2005, n° 03-11871 : Bull. civ. II, n° 141). La jurisprudence a même renforcé au fil du temps le degré de précision requis refusant un simple visa des textes ou encore refusant des mentions trop imprécises quant aux causes d’interruption et de suspension (Cass. 2e civ., 21 nov. 2013, n° 12-27124) qu’elles soient ordinaires ou spéciales et en exigeant que les divers points de départs de ce délai soient précisés (Cass. 2e civ., 10 déc. 2015, n° 14-28012).
Cass. soc., 16 mars 2016, n° 14-23589 : Cah. soc. avr. 2016, n° 118f8, p. 193, note Icard J. – Cass. soc., 3 févr. 2016, n° 14-18600 ; v. aussi Cass. soc., 6 févr. 2013, n° 11-11740 : Bull. civ. V, n° 27 – Cass. soc., 9 oct. 2013, n° 12-17882.
Cass. ass. plén., 16 juill. 2010, n° 10-40015 QPC : RJS 10/10, p. 683. N’est pas nouvelle et n’a pas de caractère sérieux la question de savoir si les dispositions de l’article L. 1235-7 portent atteinte aux droits et libertés de la personne garantis par la constitution et notamment aux principes constitutionnels d’égalité, de l’accès au juge et de l’inviolabilité du droit de propriété et aux articles 1 et 17 de la DDHC ; l’instauration d’un délai d’un an pour contester la validité d’un licenciement économique ne distingue pas entre les salariés placés dans la même situation, ne prive pas le salarié licencié d’un droit d’accès au juge et est étranger au droit de propriété.
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Plan
- 1Sécurisation du droit de la rupture du contrat de travail
- 1.1La motivation du licenciement après l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017
- 1.2La rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif portant rupture conventionnelle : un nouvel outil de restructuration
- 1.3La réduction et l’harmonisation des délais de prescription de la rupture du contrat par les ordonnances du 22 septembre 2017