Le vendeur en SCI, professionnel malgré lui ?
À propos de Cass. 3e civ., 27 oct. 2016, n° 15-24232
Lorsqu’un immeuble vendu ou acheté par une SCI est grevé de certains vices, se pose la question de savoir si la société est intervenue à la vente en qualité de professionnel, ce qui impacte sensiblement l’existence et la portée de la garantie légale. Dans son arrêt du 27 octobre 2016, la Cour de cassation donne des indications de qualification : influence limitée de l’objet statutaire, aussi étendu soit-il ; indifférence pour l’incompétence éventuelle des associés ; appréciation objective de l’activité et des actes de la SCI.
Cass. 3e civ., 27 oct. 2016, n° 15-24232
Une société civile à objet social immobilier est-elle par essence un professionnel de la vente ? Une réponse positive emporterait l’inefficacité systématique des clauses de non-garantie des vices cachés stipulées au profit de SCI venderesses et la disqualification par principe des vices cachés en vices apparents pour[...]
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Le professionnel de la vente est présumé avoir connaissance des vices de la chose, ce qui lui interdit de s’en exonérer contractuellement, ou fait présumer qu’ils n’étaient pas cachés à son égard.
Cass. 3e civ., 27 oct. 2016, n° 15-24232 : Constr.-Urb. 2016, comm. n° 162, note. Sizaire C. ; Contrats, conc. consom. 2017, comm. n° 3, obs. Leveneur L.
V. auj. C. civ., art. 1145, al. 2 (réd. ord. 10 févr. 2016). Sur les questions engendrées par ce texte restrictif de capacité, v. Thomassin N., « L’article 1145 du Code civil : capacité et sociétés », in L’impact de l’ordonnance du 10 février 2016 sur les contrats d’affaire, colloque du 10 février 2017, (CDA, Rennes 1), à paraître.
V., par exemple, l’actuel article L. 313-41 du Code de la consommation (condition suspensive légale d’obtention du crédit immobilier) et l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation (droit de rétractation accordé à l’acquéreur non professionnel en cas d’acquisition ou de construction d’un immeuble à usage d’habitation).
V. auj. article liminaire au Code de la consommation définissant légalement le non-professionnel (ord. n° 2016-301, 14 mars 2016).
V., s’agissant de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, Cass. 3e civ., 24 oct. 2012, n° 11-18774 : Bull. civ. III, n° 153 : Defrénois flash 12 nov. 2012, n° 115n0, p. 1 ; Defrénois 30 déc. 2012, n° 111e1, p. 1288, obs. Grimaldi C. ; Defrénois 28 févr. 2013, n° 111u0, p. 175, obs. Becqué-Ickowicz S. et Savouré D. ; Grimaldi C., « acquisition d’un immeuble par une société civile immobilière », Defrénois 15 juin 2016, n° 123q0, p. 611 ; JCP G 2012, 1401, note Leveneur L. ; D. 2013, p. 280, note Blanchard C. ; RLDC 2013/105, n° 5109, obs. Bert D. – Cass. 3e civ., 16 sept. 2014, n° 13-20002, D : Defrénois flash 13 oct. 2014, n° 125m0, p. 5 ;Defrénois 30 nov. 2014, n° 117y9, p. 1187, note Becqué-Ickowicz S. ; Defrénois 30 mars 2016, n° 122r2, p. 273.
Sur laquelle v. not. Bénabent A., Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 11e éd., 2015, LGDJ, Domat droit privé, nos 357 et 362.
V. par ex. CA Paris, 27 oct. 1999, n° 1997-26337 (appartement loué pendant 25 ans et mis sur le marché après rénovation par une SCI conformément à son objet social) ; CA Paris, 28 mai 2015, n° 14/03634 (lien direct entre l’objet social de la SCI et la vente litigieuse) ; CA Rennes, 21 janv. 2016, n° 12/05589 (large objet social de la SCI).
V. not. Cass. 3e civ., 30 juin 2016, n° 14-28839 : Defrénois flash 18 juill. 2016, n° 135a1, p. 8 – Cass. 3e civ., 7 oct. 2014, n° 13-21957.
La SCI espérait que la nature « familiale » de son objet social soit déduite de sa restriction expresse aux seules activités civiles. L’argument avait porté devant certains juges (ex. : CA Montpellier, 29 oct. 2015, n° 12/06563).
Cass. 3e civ., 6 déc. 1989, n° 88-12985, D – Cass. 3e civ., 28 mars 2012, n° 11-12872 : Bull. civ. III, n° 54 ; Constr.-Urb. 2012, comm. n° 89, note Sizaire C ; Defrénois flash 16 avr. 2012, n° 112p5, p. 15.
CA Grenoble, 5 déc. 2005, n° 03/00044 ; CA Paris, 9 déc. 2015, n° 15/03378 ; CA Colmar, 1er juill. 2016, n° 15/03378.
Sur lesquelles v. Haoulia N., « La qualité de “non-professionnel” dans la vente immobilière », Defrénois 30 nov. 2013, n° 114g8, p. 1134.
Une société peut être sous-utilisée, voire endormie ; la sanction n’est logiquement que politique (révocation des dirigeants), sauf fictivité.
Ces motifs des juges du fond ne sont pas jugés surabondants, contrairement à d’autres.
V. not. Normand C., « Le professionnel de l’immobilier et la garantie des vices cachés dans la jurisprudence », LPA 28 janv. 2010, p. 6 ; Sizaire C., note préc. sous Cass. 3e civ., 28 mars 2012.
Ses compétences intellectuelles ou son intervention matérielle sur le bien ne permettent plus qu’il soit raisonnablement considéré comme un profane.
Cass. 3e civ., 9 févr. 2011, n° 09-71498 : Bull. civ. III, n° 24 ; Defrénois 30 oct. 2011, n° 40155, p. 1485, obs. Seube J.-B.
Cass. 3e civ., 26 avr. 2006, n° 04-18466 : Bull. civ. III, n° 106.
La SCI avait eu recours à des entrepreneurs et les associés n’avaient pas une profession personnelle dans l’immobilier.
La cour d’appel « n’était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes ».
La propriété des choses emporte le droit d’en disposer ; saisir l’opportunité de préférer la valeur d’échange d’une chose à sa valeur d’usage n’est pas un comportement particulièrement professionnel.
Il fait partie des « motifs surabondants ».
La Cour de cassation ne précise pas de quelle profession la SCI serait ici le nom… Est-elle un professionnel de la vente ? de la construction ? de l’immobilier en général ? La transformation de l’immeuble acquis, d’où procède le vice affectant l’usage de l’immeuble vendu et dont la société a eu l’initiative, tient du professionnel de la construction ; le comportement d’achat pour revendre tient plus du professionnel de la vente.
Avant d’être une personne (morale), la SCI est une société (C. civ., art. 1832 et 1833)…
Les associés sont redevables personnellement du passif social et donnent ainsi du crédit à la société civile, qu’ils financent bien souvent eux-mêmes (comptes courants d’associés). Ils sont en principe directement redevables de l’imposition sur les bénéfices de la société si celle-ci, semi-transparente, n’a pas opté pour l’IS.
Le Code monétaire et financier ou celui de la consommation attestent pourtant de l’existence et de la considération apportée à l’investisseur profane…
L’acquéreur aurait pu agir directement contre eux : la garantie légale du constructeur et les autres actions afin de dommages et intérêts sont, à défaut de clauses particulières, transmises de plein droit à l’acquéreur de l’immeuble construit (Cass. 3e civ., 23 sept. 2009, n° 08-13470 : Bull. civ. III, n° 202).
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