Signature électronique : enjeux et perspectives pour le notariat
Le règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur (eIDAS) fait évoluer, sans le bouleverser, le régime juridique de la signature électronique des notaires.
L’entrée en application de ce règlement et le développement de l’usage des signatures électroniques conduisent également à s’interroger sur les conditions de la réception par le notaire des actes sous signature privée signés électroniquement.
1. Acte authentique sur support électronique et signature électronique. Blockchain, intelligence artificielle, objets connectés, autant d’outils qui contribueront certainement à la « deuxième » révolution numérique du notariat1. La « première » est déjà largement engagée autour de l’acte authentique sur support électronique2 et son corollaire, la signature électronique du notaire, qui rend l’acte parfait3, lui confère son authenticité4 et garantit l’intégrité des copies électroniques d’actes authentiques sur support papier5. En moins de 10 ans, plus de 4 millions d’actes ont été établis sur ce support6. Ce succès est d’autant plus manifeste qu’il demeure paradoxalement assez isolé. Certes, le recours à l’écrit sur support électronique et à la signature électronique s’est progressivement développé tant à l’initiative des pouvoirs publics que[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
#Famille. #Solidarité. #Numérique. Le notaire au cœur des mutations de la société, 113e congrès des notaires de France 2017.
C. civ., art. 1369, al. 2 : « Il peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » : Reynis B., « À propos du décret du 10 août 2005 relatif aux actes établis par les notaires… », JCP N 2005, p. 1429-1430 ; Huet J., « L’acte authentique électronique, petit mode d’emploi (décrets nos 2005-972 et 973 du 10 août 2005) », D. 2005, p. 2903 ; Grynbaum L., « Un acte authentique électronique pour les notaires », CCE 2005, comm. 156 ; sur les aspects pratiques de l’acte authentique électronique : Ponce D., « L’efficacité de l’acte authentique électronique », JCP N 2012, p. 1251 ; Nicolaïdès N., L’acte authentique électronique Une nouvelle organisation au service d’une mission », JCP N 2012, p. 1225 ; Grimaldi M. et Reynis B., « L’acte authentique électronique », Defrénois 15 sept. 2003, n° 37798, p. 1023 ; Reynis B., « Actualité et avenir de l’acte authentique électronique », Defrénois 30 oct. 2013, n° 113z2, p. 1022 ; Raynouard A., « Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de l’électronique », Defrénois 30 sept. 2003, n° 37806, p. 1117 ; Castets-Renard C., « Le formalisme du contrat électronique ou la confiance décrétée », Defrénois 30 oct. 2006, n° 38464, p. 1529 ; Reynis B., « La signature électronique notariale est reconnue sécurisée : une avancée majeure » Defrénois 30 oct. 2007, n° 38662, p. 1411.
D. n° 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires, art. 20, al. 4.
C. civ., art. 1367, al. 1er : « Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte ».
D. n° 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires, art. 37.
Le premier acte authentique sur support électronique a été établi le 28 octobre 2008 : http://www.presse.justice.gouv.fr/art_pix/1_DPacteauthentiqusursupportelectronique1.pdf.
Des plaideurs ont pu soutenir qu’une signature scannée devait s’analyser comme une signature électronique (CA Fort-de-France, ch. civ., 14 déc. 2012, n° 12/00311 : CCE 2013, comm. 60, obs. Caprioli E.). Dans le meilleur des cas, l’écrit sur support papier numérisé s’analysera comme une copie électronique de l’original. Depuis l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général des obligations et de la preuve, l’article 1379 du Code civil confère à la copie fiable d’un écrit une valeur probante identique à l’original. Pour cela, encore faut-il que les conditions fixées par le D. n° 2016-1673, 5 déc. 2016, relatif à la fiabilité des copies et pris pour l’application de l’article 1379 du Code civil soient remplies (sur lequel : CCE 2017, comm. 19, note Captrioli E. ; D. 2016, p. 2517, note Douville T.).
Pierre-Coudol T., « Le bilan de dix ans de signature électronique », RLDI 2010, n° 66, p.69.
L. n° 2000-230, 13 mars 2000, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique : JORF, 14 mars 2000, p. 3968 ; sur laquelle : Caprioli E., « La loi française sur la preuve et la signature électronique dans la perspective européenne », JCP G 2000, I 224 ; « Écrit et preuve électroniques dans la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 », CDE 2000, act. n° 2, p. 1 ; Gautier P.-Y. et Linant de Bellefonds X., « De l’écrit électronique et des signatures qui s’y attachent », JCP G 2000, n° 236, p. 1113 ; Devèze J., « Vive l’article 1322 ! Commentaire critique de l’article 1316-4 du Code civil », in Le droit privé français à la fin du XXe siècle, Études offertes à Pierre Catala, 2001, Litec, p. 529 et s. ; Caprioli E., « Signature et confiance dans les communications électroniques », in Mélanges Le Tourneau, 2008, Dalloz, p. 155. ; Sur les incidences – nulles en ce qui concerne la signature électronique – de la réforme du droit des contrats, Caprioli E. et Agosti E., « Principales évolutions du régime de la signature, du cachet et de la copie numériques », AJ contrats 2016, p. 418.
La loi du 13 mars 2000 a consacré l’acte sous signature privée et l’acte authentique sur support électronique en matière probatoire. Il a fallu attendre la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique pour que l’écrit sur support électronique soit admis lorsque l’écrit est requis pour la validité d’un acte juridique. Cela étant, l’écrit électronique est doté de la même valeur juridique que l’écrit sur support papier dès lors que la personne dont il émane peut être identifiée et qu’il est établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité (C. civ., art. 1366). Ces conditions sont remplies au moyen de l’apposition d’une signature électronique au sens de l’article 1367 du Code civil.
Sur laquelle, Caprioli E., « La directive européenne n° 1999/93/CE du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques », Gaz. Pal. 31 oct. 2000, n° C2747, p. 5.
Cornu G. (dir.), Vocabulaire juridique – Association Henri Capitant, 2011, PUF, coll. Quadrige, sens 2-3.
C. civ., art. 1367, al. 2 : « Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache »
Cass. 1re civ., 6 avr. 2016, n° 15-10732, non publié au Bulletin : JCP G 2016, 783, note Caprioli E. ; RDC 2016, n° 113u3, p. 667, note Danis-Fatôme A.
D. n° 2001-272, 30 mars 2001, pris pour l’application de l’article 1367 du Code civil et relatif à la signature électronique, art. 2.
Dir. n° 1999/93/CE du PE et du Cons., 13 déc. 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, art. 5, § 1.
D. n° 2001-272, 30 mars 2001, pris pour l’application de l’article 1367 du Code civil et relatif à la signature électronique. Les signatures qui ne respectent pas les conditions de ce décret mais remplissent les conditions de l’article 1367, al. 2, du Code civil ont la même valeur juridique qu’une signature manuscrite : v. note 16. Simplement, en cas de dénégation d’écriture, le juge devra vérifier « si les conditions, mises par les articles 1366 et 1367 du Code civil à la validité de l’écrit ou de la signature électroniques, sont satisfaites » (CPC, art. 287, al. 2). En d’autres termes, le juge vérifiera si la personne dont l’acte émane peut être identifiée et s’il a été établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. Ces conditions seront vérifiées par l’usage d’un procédé fiable d’identification de la personne garantissant le lien de la signature avec l’acte auquel elle s’attache. Comparativement, si la signature est présumée fiable, « il appartient au juge de dire si les éléments dont il dispose justifient le renversement de cette présomption » (CPC, art. 288) ; une fois rapportée la preuve de ce que la signature est une signature présumée fiable, le juge se prononcera sur la présomption de fiabilité. En cas de contestation, le prestataire de services de confiance ayant fourni le service de création de signature électronique pourra transmettre un fichier de preuve contenant notamment l’ensemble des traces de connexion : CA Nancy, 2e ch., 14 févr. 2013, n° 12/01383 : JCP G 2013, 497 ; Pour une critique du régime du désaveu de signature électronique : Devèze j., « Perseverare diabolicum : À propos de l’adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information par le décret n° 2002-1436 du 3 décembre 2002 », CCE 2003, chron. 8, p. 13.
Qui a modifié le D. n° 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires.
D. n° 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires, art. 17, al. 1er : « L’acte doit être signé par le notaire au moyen d’un procédé de signature électronique sécurisée conforme aux exigences du décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l’application de l’article 1367 du Code civil et relatif à la signature électronique ».
Douville T., « Le règlement européen sur l’identification électronique et les services de confiance (eIDAS) », JCP E 2017, 1005 ; Penneau A., « La preuve des actes électroniques en droit français. Conséquences du règlement européen e-IDAS », JCP E 2017, 1264 ; Gobert D., Le règlement européen du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance (eIDAS), analyse approfondie, févr. 2015 : https://www.droit-technologie.org/.
Elles bénéficient d’un principe de reconnaissance mutuelle en Europe et d’une valeur juridique identique aux signatures manuscrites.
Règl. (UE) n° 910/2014, 23 juill. 2014, sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur (eIDAS), cons. 24. Naturellement, le régime juridique du système de traitement et de transmission de l’information agréé par le Conseil supérieur du notariat pour l’établissement d’un acte authentique sur support électronique est en partie soumis aux dispositions du règlement eIDAS (D. n° 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires doit respecter les exigences du règlement, art. 16).
Douville T., « La signature électronique après le règlement européen 910/2014 du 23 juillet 2014 (eIDAS) », D. 2016, p. 2124.
Sur cette proposition : ibid., note 24. Il pourrait être reformulé de la manière suivante : « Les signatures électroniques qualifiées au sens du règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014 (…) sont présumées fiables ».
L. n° 2016-1321, 7 oct. 2016, pour une République numérique : JORF, 8 oct. 2016. Conformément à l’article 86, II, 2°, de cette loi, l’habilitation prendra fin le 7 octobre 2017.
Notons que les conditions générales d’utilisation de la clé real ont été récemment actualisées pour tenir compte du cadre européen.
Les services de validation qualifiée des signatures électroniques qualifiées et les services de conservation qualifiée des signatures électroniques qualifiées.
Penneau A., art. préc., nos 35 et s.
Il pourrait s’agir du prolongement naturel de la plateforme https://www.notaviz.notaires.fr qui propose déjà la préparation de baux d’habitation en ligne.
Règl. (UE) n° 910/2014, 23 juill. 2014, art. 3.23, qui renvoie à l’annexe 2.
Règl. (UE) n° 910/2014, 23 juill. 2014, annexe 2, § 3 : « La génération ou la gestion de données de création de signature électronique pour le compte du signataire peut être seulement confiée à un prestataire de services de confiance qualifié ».
De plus, la reproduction des clés ne doit intervenir qu’à des fins de sauvegarde, avec un niveau de sécurité équivalent à celui des ensembles de données d’origine et leur nombre ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour la continuité du service (Règl. (UE) n° 910/2014, 23 juill. 2014, annexe 2, § 4).
Différentes exigences devront toutefois être remplies pour que les signatures électroniques créées à distance aient la même valeur que les signatures créées dans un environnement logiciel et matériel entièrement géré par l’utilisateur comme la mise en place de procédure de sécurité spécifique ou l’utilisation de canaux de communication électroniques sécurisée, ce qui garantira notamment que le signataire ait le contrôle exclusif des données de création de signature (Règl. (UE) n° 910/2014, 23 juill. 2014, cons. 52). Sur cette question : Douville T., art. préc., note 21, n° 17.
Ce peut être le cas en cas de perte ou de vol de la clé réal ou de divulgation du code pin. On pourrait imaginer le recours à une suspension lorsqu’un code pin erroné a été saisi trois fois.
Gobert D., « La loi belge du 21 juillet 2016 mettant en œuvre le règlement européen eIDAS et le complétant avec des règles sur l’archivage électronique : analyse approfondie », https://www.droit-technologie.org/wp-content/uploads/2016/11/annexes/dossier/276-1.pdf.
Règl. (UE) n° 910/2014, 23 juill. 2014, art. 3.6 : « une personne physique ou morale qui se fie à une identification électronique ou à un service de confiance ».
D. n° 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires, art. 28, al. 3.
D. n° 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires, art. 28, al. 4.
D. n° 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires, art. 28, al. 5.
La Commission européenne est habilitée à déterminer au moyen d’actes d’exécution des numéros de référence des normes applicables au service de conservation qualifié des signatures électroniques qualifiées (Règl. (UE) n° 910/2014, 23 juill. 2014, art. 34.2).
http://www.lsti-certification.fr/images/liste_entreprise/Liste%20PSCe.
Les services de confiance entrant dans le domaine matériel du règlement sont les services de création, vérification et validation des signatures électroniques, des cachets électroniques, d’horodatages électroniques et des certificats électroniques relatifs à ces services (Règl. (UE) n° 910/2014, 23 juill. 2014, art. 3.16).
Dans les meilleurs délais et au maximum dans les 24 heures de l’incident de sécurité.
Ord. n° 45-2590, 2 nov. 1945, relative au statut du notariat, art. 1.
Notons que les prestataires de services de certification électronique qualifiés antérieurement à l’entrée en application du règlement eIDAS ont pu conserver leur qualification en présentant un rapport d’évaluation avant le 1er juillet 2017 : Règl. (UE) n° 910/2014, 23 juill. 2014, art. 51.3.
D. n° 71-941, 26 nov. 1971, art. 10, al. 3 : « Quand les parties ne savent ou ne peuvent signer, leur déclaration à cet égard doit être mentionnée à la fin de l’acte ».
D. n° 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires, art. 41.
D. n° 71-941, 26 nov. 1971, relatif aux actes établis par les notaires, art. 17, al. 3.
En ce sens : Huet J., art. préc., spéc. n° 12, qui précise qu’« une telle image n’a rien d’une signature (et ne se prêtera pas au contrôle de son authenticité » et ajoute qu’« il est difficile de penser que cette solution respecte l’exigence de l’article 10 du décret selon lequel “les actes sont signés par les parties, les témoins et le notaire”; ce qui ne veut pas dire que la solution soit mauvaise, elle déroge simplement à l’article 10 ».
Les actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et au droit des successions ou relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, sauf s’ils sont passés pour les besoins de la profession de la personne concernée, ne peuvent être établis sur support électronique (C. civ., art. 1175, cette disposition trouve son origine dans Dir. n° 2000/31/CE du PE et du Cons., 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, art. 9, § 2, d).
L’hypothèse d’une promesse unilatérale de vente établie par un acte sur support électronique est plus délicate à envisager en raison de la formalité d’enregistrement de l’article 1589-2 du Code civil qui suppose en pratique la production d’originaux sur support papier.
Tout du moins si la forme authentique n’est pas requise à titre de validité de l’acte.
Cass. 1re civ., 20 janv. 1998, n° 96-12431 : Bull. civ. I, n° 21 : « Le notaire est tenu, quand une partie est représentée par un mandataire, de vérifier la sincérité au moins apparente de la signature figurant sur la procuration sous seing privé qui lui est présentée et qu’il doit, à cette fin, se faire communiquer des éléments de comparaison qui lui permettent de prendre parti sur ce point ».
Il s’assurera de l’identité et du consentement des parties à l’occasion de l’établissement de l’acte authentique.
Certains prestataires se contentent d’une simple déclaration d’identité, d’autres procèdent à des opérations de contrôle poussées à partir de divers éléments : analyse de la copie numérique de la carte d’identité, comparaison avec une photographie de la personne prise au cours du processus de délivrance des certificats de signature électronique. La généralisation des moyens d’identification électronique permettra de régler cette question puisqu’ils permettront à toute personne de prouver son identité en ligne, ce qui sera utile notamment à l’occasion de la délivrance de certificat de signature électronique (CPCE, art. L. 136 : « La preuve de l’identité aux fins d’accéder à un service de communication au public en ligne peut être apportée par un moyen d’identification électronique (…) »).
Testez gratuitement Lextenso !