Révéler n'est pas déclarer ! Ou la fin de l'apocalypse fiscale des dons manuels !
Important revirement de jurisprudence de la Cour de cassation qui met fin au risque potentiel de taxation des dons manuels perçus par les associations lors d’un contrôle de comptabilité. La notion de révélation au sens de l’article 757 du CGI ne saurait résulter d’une contrainte exercée par l’administration fiscale.
Cass. com., 6 déc. 2016, n° 15-19966
Par une décision du 6 décembre 20161, la Cour de cassation vient de sanctionner l’interprétation faite par l’administration fiscale de la notion de spontanéité de la révélation d’un don manuel, douze ans après le célèbre contentieux ayant abouti à la taxation des offrandes cultuelles de l’association Les Témoins de Jéhovah2.
Dans cet arrêt de principe, prononcé au visa de l’article 757 du Code général des impôts (CGI), la haute juridiction juge « que la découverte d’un don manuel lors d’une vérification de comptabilité, résulterait-elle de la réponse apportée par le contribuable à une question de l’administration formée à cette occasion, ne peut constituer une révélation par le donataire au sens de l’article 757 du Code général des impôts. » Ainsi, les dons manuels perçus par des associations, qui ne constituent pas un organisme d’intérêt général[...]
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Cass. com., 6 déc. 2016, n° 15-19966, assoc. Shambhala.
Cass. com., 5 oct. 2004, n° 03-15709, assoc. Les Témoins de Jéhovah : Bull. civ. IV, n° 178 ; Dr. fisc. 2004, 50, comm. 883 ; RJF n° revue 01/05, n° 190.
Dans le rapport parlementaire intitulé « Les sectes en France », rendu public le 22 décembre 1995, de nombreux groupements religieux minoritaires furent qualifiés de mouvements sectaires.
Ce contrôle débuta le 28 novembre 1995 et s’échelonna jusqu’au 18 janvier 1999. Il a porté sur des milliers d’offrandes cultuelles effectuées par les fidèles de cette confession entre 1993 et 1996.
TGI Nanterre, 1re ch. civ., 4 juill. 2000, n° 99/14939, assoc. Les Témoins de Jéhovah ; De Guillenschmidt M., « La révélation des dons manuels ou l’apocalypse fiscale », RJF n° 12/00, n° 1/01.
CA Versailles, 28 févr. 2002, n° 00/05693. Xavier Delsol, « Dons manuels aux associations, Confirmation de l'assujettissement à 60 % des dons versés à une association et révélés à l'administration fiscale », Juris associations, n° 256, 1er avril 2002
Cass. com., 5 oct. 2004, n° 03-15709. Les Éditions Francis Lefebvre ont résumé l’affaire en ces termes : « Retour sur les péripéties de l’affaire des Témoins de Jéhovah, qui a défrayé la chronique au point de nécessiter l’intervention du législateur. Après séparation du bon grain et de l’ivraie, les sectes risquent toujours un redressement de 60 % sur les dons qu’elles reçoivent. Sauf exceptions, les autres associations ne sont pas taxables ». (Le fisc et l’argent des sectes, n° 1, 2004, Francis Lefebvre, p. 2).
La haute juridiction confirma sa jurisprudence à travers plusieurs arrêts concernant des minorités spirituelles (v. Cass. com., 15 mai 2007, n° 06-11844, assoc. Cultuelle du Temple Pyramide ; Cass. com., 15 mai 2007, n° 06-11845, assoc. des Chevaliers du lotus d’or ; Cass. com., 13 janv. 2009, n° 08-10193, assoc. Sukyo Mahikari France ; Cass. com., 7 avr. 2010, n° 09-13977, assoc. L’Arche de Marie).
CEDH, 17 juin 2008, décision partielle sur la recevabilité de la requête n° 8916/05.
CEDH, 21 sept. 2010, décision finale sur la recevabilité de la requête n° 8916/05.
CEDH, 30 juin 2011, n° 8916/05, assoc. Les Témoins de Jéhovah c/ France. Dans son arrêt du 5 juillet 2012 concernant la satisfaction équitable, la CEDH condamna la France à rembourser à la requérante la somme de 4 590 295 € assortie des intérêts moratoires au titre du préjudice matériel (CEDH, 5 juill. 2012, n° 8916/05).
La CEDH confirma sa jurisprudence dans trois arrêts rendus le 31 janvier 2013 (CEDH, 31 janv. 2013, n° 25502/07, Église Évangélique Missionnaire et Salaün c/ France ; CEDH, 31 janv. 2013, n° 50471/07, assoc. Cultuelle du Temple Pyramide c/ France ; CEDH, 31 janv. 2013, n° 50615/07, assoc. des Chevaliers du Lotus d’Or c/ France). Elle rejeta toutefois le recours de l’association Sukyo Mahikari France au motif que la taxation des dons perçus n’a pas eu pour effet de couper ses ressources vitales ni d’entraver son activité religieuse (CEDH, 8 janv. 2013, n° 41729/09, assoc. Sukyo Mahikari France c/ France).
Cass. com., 15 janv. 2013, n° 12-11642, DGFIP c/ assoc. L’Arche de Marie.
C’est ainsi que le professeur Maurice-Christian Bergerès déclarait : « Il faut noter un point essentiel : la vérification de comptabilité de l’association Les Témoins de Jéhovah n’a mis en évidence aucune irrégularité dans la tenue de la comptabilité qui était donc probante et sincère. Le redressement repose donc sur une appréciation assez singulière du service, appréciation de nature purement qualitative. (…) [Cette] solution apparemment convaincante (mais guère pour les fiscalistes) a été acquise au travers de gauchissements de faible importance, mais cumulés, de certaines notions. Ces derniers sont d’autant plus difficilement acceptables qu’ils écartent la ratio legis des textes et des circulaires administratives favorables, en l’espèce, aux contribuables. Le cumul de ces interprétations discutables est au total dramatique : c’est le régime fiscal des associations qui est remis en cause » (Bergerès M-C., « Dons manuels », Dr. fisc. 2002 n° 16, p. 680).
CA Limoges, 26 mars 2015, n° 14/00016, assoc. Shambhala, confirmant ainsi le jugement de première instance (TGI Limoges, 1re ch. civ., 21 nov. 2013, n° 12/00655, assoc. Shambhala).
Peterka N., « L’imposition des dons manuels aux associations déclarées », Defrénois, 15 janv. 2002, n° 37454, p. 3.
Cons. const., 29 janv. 2015, n° 2014-444 QPC ; Rép. min. n° 94618 : JOAN, 13 déc. 2016, p. 10373.
Il s’agit des cas où le transfert de propriété est inscrit dans un jugement et qu’il ne souffre d’aucune équivoque. V. BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10-20140128 – B. Dons manuels imposables n° 40.
Dieu F., « L’imprévisibilité de l’application de la loi fiscale sanctionnée par la Cour EDH – La fin d’une politique fiscale “antisecte” ? », Dr. fisc. 2011, 44, comm. 577.
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