L'enjeu : l'efficacité des opérations économiques
La bonne foi et l’obligation d’information précontractuelle appliquées à la pratique des affaires : vices et vertus de la réforme
L’un des objectifs de la réforme du droit des obligations est de rendre plus sûres les relations d’affaires, notamment dans la phase de négociation. En investissant ce nouvel espace par l’entremise de l’obligation d’information précontractuelle et l’exigence renforcée de bonne foi, le législateur offre un gage apparent de sécurité à la pratique des fusions-acquisitions. Mais en réalité, il n’est pas certain que la réforme ne crée pas davantage d’obstacles qu’elle n’en supprime.
Si sous l’empire du Code civil de 1804 la phase de négociation était laissée à la libre pratique des parties – à quelques réserves près dont la sanction des ruptures abusives des pourparlers –, cette phase précontractuelle est désormais encadrée par le droit des obligations. Plus précisément, la réforme opère à deux niveaux. Premièrement, elle consacre l’exigence de bonne foi1, deuxièmement elle introduit une obligation générale d’information précontractuelle2. La pratique des affaires devra donc désormais compter avec ces deux nouveaux piliers de la période précontractuelle.
De manière évidente on peut s’interroger sur les conséquences de ces deux nouvelles notions pour les usages en vigueur. Ainsi, les pratiques anciennes – audit[...]
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C. civ., art. 1104 nouv. et C. civ., art. 1112 nouv.
C. civ., art. 1112-1 nouv.
L’article 1134 ancien du Code civil indiquait que « les conventions doivent être exécutées de bonne foi ».
Cass. 3e civ., 7 janv. 2009, n° 07-20783 : Bull. civ. III, n° 5.
Cass. com., 20 mars 1972, n° 70-14154 : Bull. civ. IV, n° 93.
L’article 1104 nouveau du Code civil indique notamment que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».
C. civ., art. 1112 nouv. : « L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ».
C. civ., art. 1112 nouv., al. 2 : « En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu ».
Le rapport au président de la République relatif à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, indique que « cette responsabilité sera en principe de nature extracontractuelle, sauf aménagement conventionnel de cette phase de négociation et de sa rupture ».
Le rapport au président de la République indique « consacre[r] la jurisprudence de la Cour de cassation excluant du préjudice repérable les avantages que permettait d’espérer la conclusion du contrat, y compris la perte de chance de réaliser les gains attendus du contrat », en cela compris Cass. com., 26 nov. 2003, nos 00-10243 et 00-10949 : Bull. civ. IV, n° 126 : « Les circonstances constitutives d’une faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains que permettait d’espérer la conclusion du contrat ».
Cass. com., 26 nov. 2003, nos 00-10243 et 00-10949, préc. : « Le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s’il est dicté par l’intention de nuire ou s’accompagne de manœuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ».
Fabre-Magnan M., « Le devoir d’information dans les contrats : essai de tableau général après la réforme », JCP G 2016, p. 1218.
Cass. com., 26 mars 1974, n° 72-14791 : Bull. civ. IV, n° 108.
Arrêt Baldus, Cass. 1re civ., 3 mai 2000, n° 98-11381 : Bull. civ. I, n° 131
Cass. com., 28 juin 2005, n° 03-16794 : Bull. civ. IV, n° 140 : « Le manquement à une obligation précontractuelle d’information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s’y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci ».
Selon le rapport au président de la République, « la sécurité juridique était le premier objectif poursuivi par l'ordonnance ».
Arrêt Vilgrain, Cass. com., 27 févr. 1996, n° 94-11241 : Bull. civ. IV, n° 65.
Le rapport au président de la République évoque clairement la nécessité d’accroître la compétitivité du droit français : « Dans une économie mondialisée où les droits eux-mêmes sont mis en concurrence, l'absence d'évolution du droit des contrats et des obligations pénalisait la France sur la scène internationale ».
Guide AMF de l’information permanente et de la gestion de l’information privilégiée DOC-2016-08, reprenant la position-recommandation n° 2003-01 sur les procédures de salle d’information.
V. en ce sens notamment De Kondservosky S., « L’impact de la réforme du droit des contrats sur les opérations de fusion-acquisitions », RD bancaire et fin. 2016, p. 28 ; Segal L. et Pelcerf V., « L’impact de la réforme du droit des contrats sur la cession de droits sociaux », Option Droit & Affaires, 28 avr. 2016.
Arrêt Baldus, Cass. 1re civ., 3 mai 2000, n° 98-11381, préc.
L’article 1139 nouveau du Code civil disposant que « l’erreur qui résulte d’un dol (…) est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ».
Deshayes O., Genicon T. et Laithier Y.-M., Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 2016, LexisNexis (La réticence dolosive est possible même en l’absence de manquement au devoir d’information) contra Fabre-Magnan M., « Le devoir d’information dans les contrats : essai de tableau général après la réforme », JCP G 2016, 1218.
Cass. 2e civ., 17 févr. 2011, n° 10-17179. L’indemnisation de la perte de chance « doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle était réalisée ». V. aussi Cass. com., 20 oct. 2009, n° 08-20274 : D. 2009, p. 2971 (en matière de défaut d’information du banquier conduisant à un prêt disproportionné, refus d’une indemnité qui serait égale au montant de la dette).
Fabre-Magnan M., « Le devoir d’information dans les contrats : essai de tableau général après la réforme », JCP G 2016, 1218.
V. en ce sens Moury J. et François B., « De quelques incidences majeures de la réforme du droit des contrats sur les cessions de droits sociaux », D. 2016, p. 2225.
Fabre-Magnan M., « Le devoir d’information dans les contrats : essai de tableau général après la réforme », JCP G 2016, 1218.
C. civ., art. 1130 nouv. : « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. »
Rapport au président de la République, préc.
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Plan
- 1Un nouveau droit des contrats au service du droit français des affaires
- 1.1Un nouveau droit des contrats au service du droit français des affaires – Allocution de bienvenue
- 1.2Un nouveau droit des contrats au service du droit francais des affaires – Propos introductifs
- 1.3Un nouvel espace pour le droit des affaires – L’applicabilité du droit commun des contrats au droit des affaires
- 1.4Un nouvel espace pour le droit des affaires – Un champ nouveau pour la technique contractuelle
- 1.5Un nouvel espace pour le droit des affaires – Un nouvel office pour le juge ?
- 1.6Un nouvel espace pour le droit des affaires – La nouvelle place du droit français dans l’espace international
- 1.6.1I – De nouveaux atouts
- 1.6.2II – Des sources d’incertitude
- 1.6.2.1A – Le renforcement des pouvoirs du juge
- 1.6.2.2B – L’application des grands principes
- 1.7L’enjeu : l’efficacité des opérations économiques – La bonne foi et l’obligation d’information précontractuelle appliquées à la pratique des affaires : vices et vertus de la réforme
- 1.7.1I – Vertus
- 1.7.2II – Vices
- 1.8L’enjeu : l’efficacité des opérations économiques – La réforme du droit des contrats et les opérations industrielles
- 1.9L'enjeu : l'efficacité des opérations économiques – Incidences de la réforme du droit des contrats sur les opérations de financement
- 1.10Le défi : la confiance dans les relations d’affaires – Acclimater la révision pour imprévision dans les contrats en droit français
- 1.11Le défi : la confiance dans les relations d’affaires – La sécurité des réseaux de distribution et la réforme du droit des contrats
- 1.12Le défi : la confiance dans les relations d’affaires – Articuler le nouveau droit des contrats et le droit des entreprises en difficulté
- 1.13Un nouveau droit des contrats au service du droit français des affaires – Rapport de synthèse