Déséquilibre significatif : Expedia paye le prix fort
La cour d’appel de Paris sanctionne le groupe Expedia au titre de plusieurs pratiques restrictives de concurrence mises en œuvre sur le marché de la réservation hôtelière en ligne. Les contrats passés entre la plateforme de réservation et les établissements hôteliers révélaient en effet des clauses de parité tarifaire et des clauses « de la dernière chambre disponible » portant atteinte à l’ordre public économique. La cour d’appel saisit l’occasion de cet arrêt pour préciser le caractère délictuel de l’action autonome du ministre de l’Économie. Elle rappelle dans le même temps la qualification de loi de police de l’article L. 442-6, I, 2°, et l’étend à l’article L. 442-6, II, d), du Code de commerce.
CA, 21 juin 2017, n° 15/18784
La décision rendue le 21 juin 2017 par la cour d’appel de Paris était particulièrement attendue. Elle intervient alors que le ministre de l’Économie multiplie depuis 2013 les actions à l’encontre des OTA (Online travel agency)1 sur le fondement de l’article L. 442-6, III, du Code de commerce. À la suite de l’assignation du groupe Expedia par le ministre de l’Économie2, le tribunal de commerce de Paris avait rendu le 7 mai 20153 une décision quelque peu décevante. Les juges du fond n’y avaient sanctionné qu’une partie des clauses incriminées4, et débouté le ministre de sa demande de condamnation de la plateforme au paiement[...]
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T. com. Paris, 29 nov. 2016, n° 2014027403, Min. de l’Économie et des Finances et a. c/ Sté Booking.com B.V et Sté Booking.com France.
Le ministre de l’Économie avait été rejoint en cours de procédure par trois syndicats hôteliers intervenant volontairement à l’instance pour soutenir la position du ministre.
T. com. Paris, 7 mai 2015, Min. de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique c/ Expedia Inc et a. : Comm. com. électr. 2015, comm. 58, note Loiseau G.
Seules les clauses de parité tarifaire avaient été sanctionnées.
V° not. : Cass. com., 8 juill. 2008 : D. 2008, p. 3046, obs. Bandrac M. – CA Paris, 20 nov. 2013, n° 12/04791 ; Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27525, P – Cass. 1re civ., 6 juill. 2016, n° 15-21811, P ; Cass. com., 25 janv. 2017, n° 15-23547, P.
Règl. (CE) n° 593/2008 du PE et du Cons., 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), Règl. (CE) n° 864/2007 du PE et du Cons., 11 juill. 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) et Règl. (CE) n° 44/2001 du Cons., 22 déc. 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I).
Behar-Touchais M., « Et si l’action du ministre fondée sur l’article L. 442-6, III, du Code de commerce n’était ni contractuelle, ni délictuelle au sens des règlements Bruxelles I, Rome I et Rome II ? », RDC 2015, n° 112s4, p. 889.
Le ministre de l’Économie peut en effet solliciter la condamnation au paiement d’une amende civile, comme la nullité des clauses litigieuse et la cessation des pratiques.
Cet article dispose que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient.
La menace de déréférencement qui pèse sur certains fournisseurs est comparable à celle qui touche les établissements hôteliers ; les établissements hôteliers payent des commissions pour que la plateforme assure leur visibilité sur les moteurs de recherche comme le font les distributeurs pour les produits des fournisseurs sur les linéaires.
Ces clauses avaient été mises en évidence par la DGCCRF suite à une enquête diligentée en 2011.
V° not. : Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27525, P ; Cass. com., 25 janv. 2017, n° 15-23547, P : Mouial Bassilana E., « Déséquilibre significatif – Article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce », JCl. Concurrence-consommation, fasc. 730, n° 66.
Aut. conc., déc. n° 15-D-06, 21 avr. 2015, sur les pratiques mises en œuvre par les sociétés Booking.com B.V, Booking.com France SAS et Booking.com Customer Service France SAS dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne.
Un lien s’impose ici avec la pratique anticoncurrentielle visée par l’article L. 420-2, alinéa 1er, du Code de commerce. C’est en tout cas ce que laisse entendre l’Autorité de la concurrence dans sa décision du 21 avril 2015, spéc. § 145 : « En l’espèce, il n’est pas exclu que le fait pour Booking.com, et le cas échéant les autres plateformes, d’imposer des clauses de parité aux hôtels puisse être constitutif de pratiques d’éviction susceptibles d’être qualifiées d’abus de domination individuels ou collectifs en vertu des articles 102 du TFUE et L. 420-2 du Code de commerce. »
Au demeurant particulièrement élevées puisqu’elles représentent 25 % du prix de la réservation.
Sans compter, souligne la cour d’appel, les clauses non visées dans la présente procédure. On pense notamment aux clauses de propriété intellectuelle et aux clauses de classement.
L’article L. 311-5-1, alinéa 2, du Code du tourisme issu de la loi Macron du 6 août 2015 sanctionne désormais par le réputé non écrit la clause qui ferait obstacle à la liberté de l’hôtelier de consentir au client tout rabais ou avantage tarifaire, de quelque nature que ce soit. Loiseau G., « Les clauses de parité tarifaire sont désormais légalement réputées non écrites », Comm. com. électr. 2015, comm. 80 ; Behar-Touchais M., « Les clauses de parité tarifaire en péril dans la réservation hôtelière », RDC 2015, n° 112q8, p. 931.
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