Menaces sur la cassation à la française : des propositions de réforme consternantes
La Cour de cassation vient de publier sur son site internet une proposition de textes visant à réformer le filtrage des pourvois. En voulant faire de la haute juridiction une cour suprême à l'anglo-saxonne, le projet de réforme limite à l’extrême la possibilité pour le justiciable de voir aboutir sa demande de pourvoi.
Au début de l’année 2017, une commission présidée par M. Jean-Paul Jean, président de chambre à la Cour de cassation, a rendu à M. Bertrand Louvel, premier président de cette même cour, un rapport comportant près d’une centaine de propositions pour une réforme de la haute juridiction1. Le 26 mars 2018 était mis en ligne, sur le site de la Cour, un projet de textes portant sur le « filtrage des pourvois »2. Ce nouveau document, accompagné d’un « exposé des motifs », constitue un pas de plus vers la réforme appelée de ses vœux par M. Louvel. La Chancellerie est maintenant invitée à faire adopter par le législateur et le pouvoir réglementaire diverses modifications du Code de l’organisation judiciaire et du Code de procédure civile. On aurait pu espérer qu’après mûre réflexion, la raison prévaudrait et que les propositions du rapport de 2017 seraient atténuées. Hélas, ce n’est pas le cas. Sur cette question du filtrage des pourvois, le projet de réforme est même un peu plus radical que le rapport et il s’avère d’une extrême gravité (I). Quant aux[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
Par exception, le demandeur en cassation serait dispensé d’autorisation lorsque « l’examen du pourvoi obéit à des délais particuliers » (COJ, art. L. 411-2-1, in fine). Il s’agit de domaines où il y a urgence à obtenir un arrêt de la Cour de cassation. L’exposé des motifs cite en exemples le contentieux des élections ou le cas d’un enlèvement international d’enfant.
CPC, art. 604-2.
CPC, art. 973-3.
CPC, art. 973-4.
C’est sur ce point que le projet va plus loin que le rapport de 2017.
L’exposé des motifs parle de rendre à l’appel « sa fonction d’origine de voie de réformation du litige ».
L’exposé des motifs évoque pudiquement l’instauration d’une « exécution provisoire de droit de la plupart » des décisions de première instance, ce qui revient au même.
On pense ainsi à ces arrêts rendus en matière de trouble anormal du voisinage et qui visaient l’article 1382 du Code civil, faute de mieux, alors que la responsabilité liée à ce type de trouble est une responsabilité sans faute.
Le Bars T., « Positivisme, dogmatisme, réalisme et dérive de la Cour de cassation », in Mélanges dédiés à la mémoire du Doyen Jacques Héron, 2008, LGDJ, p. 297.
Revet T., « La légisprudence », in Mélanges Philippe Malaurie, 2005, Defrénois, p. 377.
Testez gratuitement Lextenso !