L'acte d'appel et l'indication des pièces : un quiproquo
Faut-il indiquer dans la déclaration d’appel les pièces sur lesquelles l’appel se fonde ? L’article 901 du Code de procédure civile (CPC), modifié par le décret du 11 décembre 2019, pourrait le laisser penser. Ce serait pourtant une erreur.
CPC, NOR : ,
1. Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui s’est fait attendre, a eu notamment pour objectif d’uniformiser les actes de saisine des juridictions. Ceux-ci étaient jusqu’alors divers ce qui, paraît-il, nuisait à leur lisibilité. Désormais, la demande en justice est réglementée par cinq articles insérés dans le titre 4 du livre I du Code de procédure civile. Il ne subsiste que deux modes de saisine de la juridiction : l’assignation ou la requête (unilatérale ou conjointe) (CPC, art. 54). Il n’est plus possible d’avoir recours à une déclaration (CPC, art. 58 anc.) pour formuler une demande en justice. Tout serait parfait (ou presque) si le titre 4 n’était pas inséré dans le livre 1er intitulé « Dispositions communes à toutes les juridictions ». Qui oserait prétendre que la cour d’appel n’est pas une juridiction ?
Or, précisément, devant la cour, l’appel est formé par déclaration unilatérale ou conjointe (CPC, art. 900). Ab initio, l’articulation des articles constituant le titre 4 est donc empreinte d’inexactitude.
2. Devant la cour,[...]
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Le décret 2005-1678 du 28 décembre 2005 avait modifié l’article 58 du CPC exigeant que la déclaration contienne à peine de nullité l’objet de la demande. Branle-bas de combat : s’agissait-il d’introduire l’appel motivé (vieux serpent de mer) au travers de cette formule ? Non, il fût suggéré que l’objet de la demande en appel visait la portée de celui-ci : appel réformation ou annulation. De nos jours, cette interprétation perdure intégrée allègrement dans le protocole du RPVA.
La voie de la requête, du moins unilatérale, n’est possible que pour les demandes inférieures à 5 000 € (CPC, art. 750, al. 2), lorsqu’elle est formulée aux fins d’une tentative de conciliation (CPC, art. 818) ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement (devant le juge des contentieux de la protection notamment).
L’article 901 du CPC aurait dû être ainsi libellé : la déclaration d’appel est faite par acte contenant :
- la constitution de l’avocat de l’appelant ;
- l’indication de la décision attaquée ;
- l’indication de la Cour devant laquelle l’appel est porté ;
- l’objet de la demande ;
- pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs, pour les personnes morales, leur forme, dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
- les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
Cass. ass. plén., 5 déc. 2014, n° 13-19674 : JCP G 2014, act 1300, obs. Ph.Gerbay.
Cass., avis, 25 juin 2012, n° 12-00005 : JurisData n° 2012-014534 dont le périmètre a dû être précisé par… un avis ultérieur (Cass., avis, 21 janv. 2013, n° 13-00003 : JurisData n° 2013-000902).
CA Nîmes, 2e ch., section A, 20 juin 2019, n° 18/04464, qui en des termes choisis dénonce lucidement le recopiage « servile » du dispositif, opération fastidieuse et sans intérêt pour quiconque.
Les irrégularités de fond sont limitativement énumérées par l’article 117 du CPC. Tout vice non visé par ledit article doit être qualifié de vice de forme (Cass. ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20026).
Gerbay P., « Le principe de l’unicité de l’appel civil », JCP G 2019, 56, spéc. nos 18 et 19.
Cass. 2e civ., 12 juill. 2018, n° 15010 : JCP G 2018, 889, l’obligation faite à l’appelant de notifier la déclaration d’appel à l’avocat que l’intimé a préalablement constitué, dans le délai de 10 jours de la réception de l’avis de fixation adressé par le greffe, n’est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration d’appel.
En allant même jusqu’à l’extrême, dès lors que l’article 57 du CPC renvoie à l’article 54 du CPC, l’acte d’appel devrait le cas échéant se référer aux mentions relatives à la désignation des immeubles exigés pour la publication et aux fichiers immobiliers.
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