La surpopulation carcérale généralisée dans le collimateur de la Cour européenne des droits de l'Homme
Après deux mises en garde se succédant à 2 années d’intervalle, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) sanctionne 5 ans plus tard la France pour une double violation conventionnelle. Elle condamne, pour la troisième fois, un État de l’Europe de l’Ouest dont le système génère une surpopulation carcérale structurelle en lui enjoignant d’y mettre fin et d’organiser un recours préventif garantissant aux personnes détenues la cessation des atteintes à la dignité humaine.
CEDH, 30 janv. 2020, n° 9671/15
À l’origine de cette décision se trouvent plusieurs requêtes dirigées contre la République française, présentées par 32 personnes qui se plaignaient des conditions dans lesquelles elles étaient détenues entre le 20 février 2015 et le 20 novembre 2017 dans 3 établissements pénitentiaires ultramarins1 et 3 établissements métropolitains2 en proie à un surpeuplement carcéral de nature structurelle. Statuant par un seul et même arrêt, sur toutes ces requêtes jointes, la CEDH vient de rendre une décision retentissante à maints égards3, décrivant de manière détaillée une situation d’ensemble peu flatteuse d’un univers carcéral dégradé et qui renvoie une image quelque peu ternie du pays de la déclaration des droits de l’Homme. Cette décision apparaît riche d’enseignements à plus d’un titre. La CEDH fait le constat d’une double violation[...]
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Centres pénitentiaires de Ducos en Martinique, de Baie-Mahault en Guadeloupe et de Faa’a Nuutania en Polynésie.
Maisons d’arrêt de Nîmes, Nice et Fresnes.
Renucci J. F., Surpopulation carcérale : une condamnation retentissante, étude, BICR n° 111 ; Pastor J.-M., « Prisons indignes et référés inefficaces : la France sommée de revoir ses règles », AJDA 2020, p. 263.
CEDH, 2e sect., 8 janv. 2013, nos 43517/09 et s., Torreggiani et a. c/ Italie : Senna É., « Le manque durable d’espace vital en cellule est un traitement inhumain et dégradant », Gaz. Pal. 12 mars 2013, n° 121j0.
Lecerf J.-R., Livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire, avr. 2017 ; Groupes de travail sur la détention, Repenser la prison pour mieux réinsérer, rapp. AN n° 808, mars 2018, Commission des lois ; CESE, « La réinsertion des personnes détenues : l’affaire de tous et toutes », avis n° 28, 26 nov. 2019.
V. « Plan immobilier pénitentiaire 15 000 places », 18 oct. 2018, Ministère de la Justice, annonçant 7 000 nouvelles places livrées jusqu’en 2022 et 8 000 places lancées d’ici 2022 et livrées jusqu’en 2027.
CGLPL, CNCDH DDD, Association A3D associée au SAF, au CNB et aux barreaux de Paris, Marseille et Rennes.
CEDH, 5e sect., 10 janv. 2012, n° 60800/08, Anayev et a. c/ Fédération de Russie ; CEDH, 4e sect., 27 janv. n° 36925/10, Neshkov et a. c/ Bulgarie ; CEDH, 4e sect., 25 avr. 2017, n° 10865/09, Rezmives et a. c/ Roumanie.
CEDH, 2e sect., 8 janv. 2013, nos 43517/09 et s., Torreggiani et a. c/ Italie : Senna É., « Le manque durable d’espace vital en cellule est un traitement inhumain et dégradant », Gaz. Pal. 12 mars 2013, n° 121j0.
CEDH, 2e sect., 25 nov. 2014, n° 64682/12, Vasilescu c/ Belgique.
CEDH, 25 avr. 2013, n° 40119/09, Canali c/ France : D. 2013, p. 1138, obs. Lena M. ; AJ pénal 2013, p. 403, note Céré J.-P.
CEDH, gde ch., 20 oct. 2016, n° 7334/13, Mursic c/ Croatie : Robert A.-G., « Conséquences du manque flagrant d’espace personnel », AJ pénal 2017, p. 47.
CJA, art. L. 521-1 à CJA, art. L. 521-3 et CJA, art. L. 911-4.
CE, 10e-9e ch. réunies, 28 juill. 2017, n° 410677, OIP : Senna É., « Le référé-liberté dans le domaine pénitentiaire : un pas en avant, un pas en arrière », Gaz. Pal. 17 oct. 2017, n° 304h1, p. 26.
CE, 30 juill. 2015, n° 392043, OIP-SF, ordre des avocats au barreau de Nîmes : AJDA 2015, p. 1567.
CE, 10e-9e ch. réunies, 28 juill. 2017, n° 410677, OIP : Senna É., « Le référé-liberté dans le domaine pénitentiaire : un pas en avant, un pas en arrière », Gaz. Pal. 17 oct. 2017, n° 304h1, p. 26.
V. L. n° 2007-1547, 30 oct. 2007, art. 9, al. 2, en cas de constat de violation grave des droits fondamentaux, sur cette procédure, v. aussi. Rép. pén. Dalloz, Le CGLPL, p. 173, Senna É.
CGLPL, recomm. en urgence, 12 nov. 2012, relatives au centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille : JO, 6 déc. 2012 – CGLPL, recomm. en urgence, 13 avr. 2015, relatives à la maison d'arrêt de Strasbourg : JO, 13 mai 2015 – CGLPL, recomm. en urgence, 18 nov. 2016, relatives à la maison d'arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) : JO, 14 déc. 2016.
CGLPL, recomm. en urgence, 30 nov. 2011, relatives au centre pénitentiaire de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) : JO, 6 déc. 2011 et CGLPL, recomm. en urgence, 19 nov. 2019, relatives au centre pénitentiaire de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) : JO, 18 déc. 2019.
CEDH, 21 mai 2015, n° 50494/12, Yengo c/ France : AJDA 2015, p. 1289, trib. Jacquemet-Gauché A. et Gauché S ; AJ pénal 2015, p. 450, obs. Senna É.
CPT, rapp.,7 avr. 2017 (v. CPT/Inf (2017) 8) : rapport fait au gouvernement de la République française relatif à la visite en France par le CPT du 15 au 27 novembre 2015.
À ce jour, 11 États sur 47 ont adopté la procédure de publication automatique.
www.cglpl.fr/rapports-et-recommandations/les-rapports-de-visite.
Au 1er janvier 2020, sur 82 860 personnes écrouées, 70 651 étaient en détention. La densité carcérale moyenne était de 116 % et de 138 % en maison d’arrêt alors que 38 684 détenus étaient concernés par la surpopulation.
Finalement, ce ne seront que 5 000 places supplémentaires à l’horizon 2022 et le nombre de condamnés en libération sous contrainte n’était que de 1 031 au 1er janvier 2020, soit moins de 1 % des condamnés.
Actes de Colloque, « Le surpeuplement carcéral en Europe : un phénomène maîtrisable mais indifféremment maîtrisé. Quelles sont les pistes retenues par le Livre blanc ? », 24 mars 2017, Aix-en-Provence, Lexbase Hebdo n° N8859BWZ.
CGLPL, avis, 22 mai 2012, relatif à la surpopulation carcérale : JO, 13 juin 2012 et CGLPL, avis, 24 mars 2014, relatif à l’encellulement individuel dans les établissements pénitentiaires : JO, 23 avr. 2014 – CGLPL, Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale, rapp. thématique, févr. 2018, Dalloz.
Senna É., « Une situation complexe et contrastée de l’outre-mer pénitentiaire », AJ pénal 2019, p. 74.
Kensey A., « La détention avant jugement : derniers éléments statistiques », AJ pénal 2019, p. 406.
Dans sa version applicable au 1er juin 2019, l’article 720 du Code de procédure pénale (CPP) prévoit que la libération sous contrainte doit être prononcée à l’égard de toute personne éligible à la mesure, sauf impossibilité, constatée par ordonnance spécialement motivée, au regard des exigences fixées à l’article 707 du CPP. Le JAP doit donc rechercher, chaque fois que cela est possible, un retour progressif à la liberté dans le cadre d’une mesure d’aménagement de peine ou d’une libération sous contrainte. Il doit seulement tenir compte des conditions matérielles de détention et du taux d’occupation de l’établissement.
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