Pour la non-levée de l'anonymat des donneurs
L’anonymat des donneurs suscite diverses polémiques et le projet de loi de bioéthique se prononce en faveur de la levée de ce dernier. Face à l’intérêt de l’enfant, à celui des parents légaux mais aussi du géniteur, il revient au législateur de trouver l’équilibre lié à cette question relevant de la bioéthique.
Le projet de loi relatif à la bioéthique1 entend modifier de manière non négligeable la solution existant aujourd’hui2, en optant pour la levée de l’anonymat des donneurs. Selon ce texte, tout enfant aura accès à l’identité du donneur, sans que celui-ci puisse s’y opposer. Le débat n’est pas nouveau : cette proposition avait déjà été soumise lors de la réforme précédente de 20113, mais elle n’avait pas été retenue. Une telle solution semble être inspirée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et par les tendances législatives d’autres pays4. De plus, les enfants issus d’un don, âgés d’une trentaine d’années, ont commencé à revendiquer l’accès à leurs origines. La levée de l’anonymat se présente sous le voile du progrès et de la transparence, à savoir une technique avancée de procréation assortie d’une information renforcée.
La loi à venir doit résoudre le conflit existant entre les intérêts de l’enfant (I) et ceux des récepteurs et du donneur (II). Ajoutons également l’intérêt général et social de la réponse, puisque[...]
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AN, proj. L. n° 2187, adopté le 15 oct. 2019, relatif à la bioéthique, art. 3.
C. civ., art. 16-8 ; CSP, art. L. 1211-5 et CSP, art. L. 1244-7.
Suède, Pays-Bas, Angleterre, Autriche, Suisse, Allemagne.
Murat P., « Procréation assistée et “droits de l’enfant” », RDSS 1991, p. 387.
Nicolas-Maguin M.-F., « L’enfant et les sortilèges : réflexions à propos du sort que réservent les lois sur la bioéthique au droit de connaître ses origines », D. 1995, p. 75.
Rapp. n° 388 de Milon M. au Sénat, 30 mars 2011, p. 71.
Rapp. n° 2871 de Bioulac M. B. à l’Assemblée nationale, 30 juin 1992, p. 15 et 16.
C. civ., art. 311-19, al. 1.
Libchaber R., « L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes », D. 2018, p. 1875.
TA Montreuil, 14 juin 2012, n° 1009924 : RTD civ. 2012, p. 520, obs Hauser J. ; D. 2012, p. 1618, obs. Mirkovic A. – CAA Versailles, 2 juill. 2013, n° 12VE02857 ; CE, avis, 13 juin 2013, n° 362981 ; CE, 12 nov. 2015, n° 372121 : RTD civ. 2016, p. 334, obs. Hauser J.
En Allemagne, depuis le 1er mai 2014, l’accouchement sous X est autorisé, mais le nom de la mère sera révélé à l’enfant quand ce dernier aura 16 ans.
CEDH, 25 sept. 2012, n° 33783/09, Godelli c/ Italie, § 46.
CEDH, 13 févr. 2003, n° 42326/98, Odièvre c/ France.
RTD civ. 2016, p. 334, note Hauser J.
CEDH, 7 juill. 1989, Gaskin c/ Royaume-Uni, série A, n° 160, p. 16.
Par ex. CEDH, 14 janv. 2016, n° 30955/12, Mandet c/ France ; CEDH, 25 juin 2015, n° 22037/13, Cannone c/ France.
Notons que, dans l’arrêt Odièvre, la requérante cherchait à entrer en contact avec sa fratrie naturelle.
CEDH, 14 janv. 2016, n° 30955/12, Mandet c/ France ; CEDH, 25 juin 2015, n° 22037/13, Cannone c/ France ; CEDH, 7 févr. 2002, n° 53176/99, Mikulic c/ Croatie ; CEDH, 16 juin 2011, n° 19535/08, Pascaud c/ France ; CEDH, 13 juill. 2006, n° 58757/00, Jäggi c/ Suisse. L’arrêt Gaskin concernait l’accès au dossier personnel établi sur un enfant pris en charge et cette question est différente de celle de connaître l’identité des parents biologiques.
Dr. famille 2003, comm. 58, Murat P. ; JCP G 2003, I 120, note Malaurie P.
CEDH, 3 nov. 2011, n° 57813/0, S. H. et a. c/ Autriche, § 94 ; CEDH, 7 mars 2006, n° 6339/05, Evans c/ Royaume-Uni, § 77. Rappr. Malaurie P. in JCP G 2003, I 120, selon lequel, en vertu du principe de la subsidiarité, les questions très débattues, liées à la culture de chaque État, ne devraient pas relever de la Cour de Strasbourg.
CEDH, 22 avr. 1997, n° 21830/93, X, Y et Z c/ Royaume-Uni, § 44.
AN, proj. L. n° 2187, 15 oct. 2019, relatif à la bioéthique, art. 3.
C. civ., art. 16-8, al. 2 ; CSP, art. L. 1244-6 et CSP, art. R. 1244-5, dernier al.
Théry I. et Leroyer A.-M., Filiation, origines, parentalité. Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle, 2014, Paris, Odile Jacob, spéc. p. 64 et s.
AN, proj. L. n° 2187, 15 oct. 2019, relatif à la bioéthique, art. 4.
TA Montreuil, 14 juin 2012, n° 1009924 : Roussel S. et Nicolas C., « Ni vu ni connu : l’anonymat du don de gamètes à l’épreuve du contrôle de conventionnalité », AJDA 2018, p. 497.
« Comment Arthur Kermalvezen, né d’un don de gamètes anonyme, a retrouvé son géniteur », www.lemonde.fr, https://lext.so/RmHEZ1.
AN, proj. L. n° 2187, 15 oct. 2019, relatif à la bioéthique, art. 1.
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