Application « quasi-rétroactive » des sanctions nouvelles au TEG erroné
Pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur, il apparaît justifié d’uniformiser le régime des sanctions et de juger qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.
Cass. 1re civ., 10 juin 2020, n° 18-24287
1. Le taux effectif global (TEG) reflète le « coût réel » du crédit. Il comprend les intérêts conventionnels auxquels s’ajoutent l’ensemble des dépenses mises à la charge de l’emprunteur pour qu’il puisse bénéficier de son crédit1.
2. Or, selon l’article L. 314-5 du Code de la consommation, ce TEG doit être « mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt (…) ». Surtout, depuis une quinzaine d’années2, la Cour de cassation considère qu’un TEG erroné équivaut à un TEG ne respectant pas les exigences de publicité précitées. Ainsi, un taux effectif global inexact mentionné dans une offre de prêt ou dans le contrat est de nature à faire encourir des sanctions au prêteur.
3. On rappellera, cependant, que la haute juridiction3 est[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
C. consom., art. L. 314-1. Pour une présentation : Lasserre Capdeville J., Storck M., Mignot M., Kovar J.-P. et Éréso N., Droit bancaire, 2e éd., 2019, Précis Dalloz, nos 1654 et s.
V. par ex. : Cass. com., 17 janv. 2006, n° 04-11100 ; Cass. 1re civ., 7 mars 2006, n° 04-10876 – Cass. 1re civ., 15 oct. 2014, n° 13-16555 : Bull. civ. I, n° 165.
V. par ex. : Cass. 1re civ., 1er oct. 2014, n° 13-22778 : Gaz. Pal. 17 mars 2015, n° 216v7, p. 18, obs. Roussille M. ; D. 2014, p. 2395, note Lasserre Capdeville J. – Cass. 1re civ., 26 nov. 2014, n° 13-23033 : JCP G 2014, act. 1306, obs. Lasserre Capdeville J. ; Banque et droit 2015, n° 160, p. 29, obs. Bonneau T. – Cass. 1re civ., 25 janv. 2017, n° 15-24607 : JCP E 2017, 1158, note Lasserre Capdeville J. – Cass. com., 18 mai 2017, n° 16-11147 : JCP E 2017, 1366, note Lasserre Capdeville J.
Pour des critiques : Biardeaud G., « Le TEG, ses décimales et la Cour de cassation », D. 2015, p. 215 ; Lasserre Capdeville J., « Critiques d’une jurisprudence permettant au banquier de se tromper », Gaz. Pal., 10 juin 2015, n° 226u3, p. 7.
Pour une sanction pénale : C. consom., art. L. 341-49 ; v. égal., en matière de crédit immobilier : C. consom., art. L. 341-37.
Lasserre Capdeville J., « Les sanctions au TEG erroné : revue de la jurisprudence récente », Banque et droit 2018, n° hors-série juillet, p. 24.
Il s’agit des crédits s’adressant à des consommateurs, mais ne constituant ni des crédits à la consommation, ni des crédits immobiliers de par leurs caractéristiques.
V. par ex. : Cass. com., 3 juill. 2001, n° 98-14873 ; Cass. com., 18 juin 2002, n° 01-01337 ; Cass. 1re civ., 26 oct. 2004, n° 02-17781 ; Cass. com., 17 janv. 2006, n° 04-11100 ; Cass. 1re civ., 5 juin 2019, n° 18-17863.
La Cour de cassation était cependant venue poser, par quelques décisions, une solution supplémentaire : si le taux erroné avait également été mentionné dans l’acte authentique réitérant devant notaire la convention de prêt immobilier, l’emprunteur disposait d’une autre action contre le prêteur : l’action en nullité de la clause prévoyant le taux conventionnel et sa substitution par le taux légal : Cass. 1re civ., 18 févr. 2009, n° 05-16774 ; Cass. 1re civ., 9 avr. 2015, n° 13-28058.
JO, 18 juill. 2019, texte 23.
Bonneau T., « La réforme 2019 des sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global », Banque et droit 2019, n° 187, p. 14. Lasserre Capdeville J., « L’adoption d’une sanction unique aux manquement liés au TEG/TAEG », JCP E 2019, 574 ; Biardeaud G., « Succès en trompe-l’œil pour les banques », D. 2019, p. 1613.
Rapp. au président de la République : JO, 18 juill. 2019, texte 22.
Biardeaud G., « Succès en trompe-l’œil pour les banques », D. 2019, p. 1613.
CA Bourges, 30 avr. 2020, n° 19/00562 : LEDB juill. 2020, n° 113g6, p. 4, obs. Mathey N. – CA Douai, 7 mai 2020, n° 17/06606.
Cass. 1re civ., 10 juin 2020, n° 18-24287 : JCP E 2020, act. 419 ; D. 2020, note Pellier J.-D., à paraître ; LEDB juill. 2020, n° 113g7, p. 5, obs. Lasserre Capdeville J. ; Lexbase Hebdo éd. affaires, 25 juin 2020, n° 640, note Biardeaud G.
V. supra, n° 5.
Dans le même sens : Cass. 1re civ., avis, 10 juin 2020, n° 20-70001 : JCP E 2020, note Lasserre Capdeville J., à paraître.
Comme le fait remarquer Biardeaud G. dans son commentaire (Lexbase Hebdo éd. affaires, 25 juin 2020, n° 640) il faudra déduire de cette somme l’indemnité pour frais irrépétibles et les dépens auquel l’arrêt d’appel a condamné l’emprunteur.
Dans le même sens, Cass. 1re civ., avis, 10 juin 2020, n° 20-70001 : JCP E 2020, n° 28, 1280, note Lasserre Capdeville J. ; JCP G 2020, n° 25, 761 ; Biardeaud G, « Fin de la prohibition de l’année lombarde. Avis de la Cour de cassation du 10 juin 2020 », D. 2020, p. 1410.
On trouvera, en revanche, un début d’explication dans l’avis de l’avocat général (n° W1824287, p. 14) qui indique que l’automaticité de la sanction prenant la forme de la nullité de la clause « ne laisse aucune marge de manœuvre au juge dès lors qu’il constate le manquement ». Il en conclut alors que « la recherche d’un équilibre entre dissuasion et proportionnalité implique de redonner au juge une marge d’appréciation que seule l’éviction de la sanction automatique actuelle peut lui rendre ».
V. supra, n° 3.
Comme le remarque très justement Biardeaud G. (Lexbase Hebdo éd. affaires, 25 juin 2020, n° 640), « limiter la sanction au préjudice subi par l’emprunteur, comme l’a fait l’arrêt montpelliérain, avec le nihil obstat de la première chambre civile, est un encouragement à mal faire : pourquoi le prêteur se priverait-il de la possibilité d’indiquer un TEG minoré, quand la seule sanction éventuelle sera la restitution des sommes indûment perçues, au terme d’un marathon judiciaire dont l’emprunteur paiera les frais ? ».
Cass. 1re civ., 4 juill. 2019, n° 17-27621 : Gaz. Pal. 3 sept. 2019, n° 358r3, p. 19, note Lasserre Capdeville J. – Cass. 1re civ., 10 oct. 2019, n° 18-19151 : LEDB déc. 2019, n° 112s1, p. 5, obs. Lasserre Capdeville J. – Cass. 1re civ., 27 nov. 2019, n° 18-19097 : JCP E 2020, 1003, note Lasserre Capdeville J. ; Gaz. Pal., 25 févr. 2020, n° 371k6, p. 60, obs. Roussille M. ; Lexbase Hebdo éd. affaires, 9 janv. 2020, n° 619, n° N1750BYH, note Correia M. – Biardeaud G. et Poitrat B., « Calcul lombard des intérêts intercalaires et “règle de la décimale” : quand la seconde valide le premier », D. 2020, p. 26. – Cass. 1re civ., 11 mars 2020, n° 19-10875 : D. 2020, p. 859, note Lasserre Capdeville J.
Cass. 1re civ., 5 févr. 2020, n° 19-11939 : Lexbase La lettre juridique, 5 mars 2020, n° 815, note Biardeaud G. ; AJ contrat 2020, p. 145, note Lasserre Capdeville J.
Cass. 1re civ., 25 mars 2020, n° 18-23803 : LEDB juill. 2020, n° 113g0, p. 1, obs. Mathey N. ; Lexbase Hebdo éd. affaires, 11 juin 2020, n° 638, note El Mejri A. ; D. 2020, note Lasserre Capdeville J., à paraître.
Testez gratuitement Lextenso !