Infractions non intentionnelles. Faut-il retoucher la loi Fauchon ?
L’emblématique loi Fauchon survivra-t-elle à la pandémie de Covid-19 après la tentative des sénateurs d’un nouvel allègement des infractions non intentionnelles lors de la discussion du projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire ? Faut-il remettre en cause son économie générale fondée sur la distinction entre causalité directe et causalité indirecte et son corollaire la hiérarchie des fautes ? Le débat est ouvert.
La pandémie dite de Covid-19 a remis sur le devant de la scène la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels lors de la discussion du projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire. En cause, l’annonce du déconfinement et du retour des enfants à l’école qui a fait craindre aux maires l’éventuelle mise en jeu de leur responsabilité pénale. En réplique, un amendement a été adopté à la hâte par les sénateurs malgré l’avis contraire du gouvernement. Sa présentation sous forme d’un principe d’immunité assorti d’une triade d’exceptions, dans une formulation qui ne brillait pas par sa clarté, dissimulait son véritable objet d’élimination de la faute caractérisée jugée « parfaitement indéfinie » selon les mots du rapporteur.
Abandonnant cet amendement sibyllin, la commission mixte paritaire a choisi d’inclure dans le Code de la santé publique un article L. 3136-21 qui transpose les[...]
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L. n° 2020-546, 11 mai 2020, art. 3.
Fauchon P., rapport au nom de la commission des lois, Sénat, 1995-1996, n° 32, p. 9.
Mayaud Y., « Retour sur la culpabilité non intentionnelle en droit pénal… », D. 2000, p. 603.
L. n° 96-393, 13 mai 1996, relative à la responsabilité pénale pour des faits d’imprudence ou de négligence.
T. corr. Toulouse, 19 févr. 1997 : Gaz. Pal. Rec. 1997, 1, p. 396, note Riera ; RSC 1997, p. 832, obs. Mayaud Y.
JCP G 2000, doctr. 2327, Salvage P. ; RSC 2001, p. 156, Mayaud Y. ; Gaz. Pal. 31 juill. 2001, n° C4460, p. 6 et s., Mayaud Y. ; RSC 2001, p. 728, Cartier M.-E. ; RSC 2001, p. 737, Fortis E. ; RSC 2001, p. 748, Jourdain P. ; Gaz. Pal. 13 avr. 2002, n° C7593, p. 3 et s. et Gaz. Pal. 11 sept. 2004, n° F4382, p. 3, Commaret D.-N. ; Dr. pén. 2006, p. 5, Cotte B. et Guihal D. ; Dr. pén. 2001, p. 10, Conte P. ; Gaz. Pal. 5 oct. 2000, n° C2147, p. 7 et s., Nuttens J.-D. ; D. 2000, Point de vue 29, p. V-VII, Pradel J. ; Dr. pén. 2001, p. 5, Ruet C. ; RSC 2001, p. 756, A.H.A.
DP 1915, 1, p. 107 ; S. 1914, 1, p. 249, note Morel.
Elle apparaissait cependant largement dépassée, le mouvement d’objectivation de la responsabilité ayant pris le pas sur la sanction d’une faute : Mayaud Y., « Retour sur la culpabilité non intentionnelle en droit pénal », D. 2000, p. 603 ; Fortis E., « La nouvelle définition des délits non intentionnels par la loi du 10 juillet 2000 », RSC 2001, p. 737.
Pradel J., « De la véritable portée de la loi du 10 juillet 2000 sur la définition des délits non intentionnels », D. 2000, Point de vue 29, p. V-VII ; Commaret D.-N., « La responsabilité pénale des décideurs en matière non intentionnelle depuis la loi du 10 juillet 2000 », Gaz. Pal. 11 sept. 2004, n° F4382, p. 3.
« Il n’y aura causalité directe que lorsque la personne en cause aura, soit elle-même frappé ou heurté la victime, soit initié ou contrôlé le mouvement d’un objet qui aura heurté ou frappé la victime. »
Commaret D.-N., « La responsabilité pénale des décideurs en matière non intentionnelle depuis la loi du 10 juillet 2000 », Gaz. Pal. 11 sept. 2004, n° F4382, p. 3.
Cotte B. et Guihal D., « La loi Fauchon, cinq ans de mise en œuvre jurisprudentielle », Dr. pén. 2006, étude 6.
Accident des Orres : Cass. crim., 26 nov. 2002, n° 01-88900 : Bull. crim., n° 211 – Cass. crim., 29 oct. 2002, n° 01-87374 : Bull. crim., n° 196 – Cass. crim., 21 janv. 2014, n° 13-80267 : D. 2014, p. 279, note Mayaud Y.
Mayaud Y., cité par Commaret D.-N., in « La responsabilité pénale des décideurs en matière non intentionnelle depuis la loi du 10 juillet 2000 », Gaz. Pal. 11 sept. 2004, n° F4382, p. 3.
Mayaud Y., « Retour sur la culpabilité non intentionnelle en droit pénal… », D. 2000, p. 603.
Dreyer E., « La causalité directe de l’infraction », Dr. pén. 2007, p. 5.
S. 1891, p. 292.
CA Agen, ch. corr., 14 févr. 2005, n° 04/00344-A.
CA Poitiers, 5 juill. 2002, n° 01/01123.
CA Lyon, 4e ch., 28 juin 2001 : Gaz. Pal. 31 juill. 2001, n° C5622, p. 18.
Cass. crim., 24 sept. 2013, n° 12-87059 : Bull. crim., n° 180.
En ce sens, Detraz S., « Clarté, précision et adéquation de la notion de faute caractérisée », JCP G 2013, 2076, n° 46 ; Rassat M.-L., Droit pénal spécial, 6e éd., 2011, Dalloz, Précis Droit privé, nos 363 et 336 ; Mayaud Y., « La faute caractérisée, relève, et non doublon, de la faute délibérée », note sous Cass. crim., 5 févr. 2002, n° 01-81470 : RSC 2002, p. 585.
Débats au Sénat, séance du 28 juin 2000.
Groupe d’étude sur la responsabilité pénale des décideurs publics, 16 déc. 1999.
Cass. crim., 5 oct. 2004, n° 04-80658 : Bull. crim., n° 235 ; RSC 2005, p. 73, obs. Mayaud Y.
Cass. crim., 4 juin 2002, n° 01-81280 : Bull. crim., n° 127 ; D. 2003, p. 244, obs. Roujou de Boubée G.
L’absence de diligences normales de sa part est caractérisée par tout manquement à une prescription de sécurité, toute impéritie en matière de formation sécuritaire des salariés ou toute négligence dans la surveillance de ceux-ci (Cass. crim., 20 janv. 1998, n° 96-85522 ; Cass. crim., 11 janv. 2005, n° 04-84196 ; Cass. crim., 13 nov. 2012, n° 11-88298 ; Cass. crim., 22 oct. 2013, n° 11-89126 ; Cass. crim., 11 mars 2014, n° 12-86769 : Bull. crim., n° 69).
Cass. crim., 24 oct. 2000, n° 00-80378 : Bull. crim., n° 308 ; JCP G 2001, II 10535, note Daury-Fauveau M. ; D. 2002, p. 515, note Planque J.-C. – Cass. crim., 8 janv. 2013, n° 12-81102.
CA Toulouse, 13 nov. 2003 : RSC 2004, p. 637, note Mayaud Y.
CA Paris, 20e ch. sect. B, 29 mai 2008, n° 07/03551.
T. corr. Millau, 12 sept. 2001 : LPA 6 mars 2002, p. 13 et Cass. crim., 18 mars 2003, n° 02-83523 : Bull. crim., n° 71.
La loi Fauchon ayant repris les acquis de 1996 rompt, toutefois, avec la terminologie antérieure qui mettait à la charge du prévenu la preuve de l’accomplissement des diligences normales. Désormais c’est à la partie poursuivante d’établir qu’elles n’ont pas été accomplies.
Il a fourni un encadrement professionnel, des moyens matériels suffisants pour une sortie en raquettes et demandé à l’accompagnateur de faire une reconnaissance préalable du parcours : Cass. crim., 26 nov. 2002, n° 01-88900 : Bull. crim., n° 211 ; RSC 2003, p. 335, note Mayaud Y.
« En qualifiant de direct le préjudice quand la faute est à l’évidence simple » (Pradel J., « De la véritable portée de la loi du 10 juillet 2000 sur la définition des délits non intentionnels », D. 2000, Point de vue 29, p. V-VII).
« On est en présence d’un cas extravagant puisque la même faute implique tout à la fois la culpabilité de son auteur et l’alourdissement des peines par lui encourues » (Dr. pén. 2001, p. 10, Conte P.).
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