La clarification de l'application de la responsabilité du fait des choses en cas de chute dans un magasin et la fin de l'obligation de sécurité de résultat
La Cour de cassation précise le régime de responsabilité applicable en cas de chute d’un client dans un magasin. Par l’arrêt du 9 septembre 2020, la Cour revient sur sa jurisprudence et refuse de consacrer une obligation de sécurité de résultat.
Cass. 1re civ., 9 sept. 2020, n° 19-11882
1. Trois ans à peine après l’arrêt ayant consacré une obligation de sécurité de résultat à la charge des exploitants de magasin qui accueillent du public1, la première chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 9 septembre 2020, revient sur sa jurisprudence. Dans cette affaire, une personne chute dans les locaux d’un commerçant (Carrefour) après avoir trébuché sur un panneau publicitaire métallique. Une cour d’appel condamne la société ainsi que son assureur en responsabilité (CA Lyon 11 déc. 2018) sur le fondement de l’article L. 221-1 du Code de la consommation (devenu L. 421-3 du même code) ; pour motiver sa décision, la cour énonce que la société « est débitrice d’une obligation de sécurité de résultat et que le fait que Mme P. (la victime) ait été blessée suffit à retenir sa responsabilité sur ce fondement ». Un pourvoi est formé par la société et son assureur ; ces derniers arguent une violation de l’article précité par la cour d’appel au motif que le régime de responsabilité applicable devrait être exclusivement la responsabilité délictuelle.[...]
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Paisant G., « L’obligation de sécurité et le droit de la consommation », Gaz. Pal. Rec. 1997, 2, doct., p. 1189, n° 19 : « sorti de son contexte, cet article pourrait ainsi servir de fondement à un régime autonome de responsabilité des professionnels pour les défauts de sécurité des produits ou services fournis aux consommateurs ».
Dans le moyen annexe, d’après les demandeurs au pourvoi, la victime ne pouvait pas apporter de preuve par soi-même ; cette affirmation n’est cependant pas recevable lorsqu’il s’agit d’un fait juridique, v. par ex. Cass. 1re civ., 16 juin 2011, n° 10-30689 : Bull. civ. I, n° 112. La lecture du moyen annexe nous permet cependant de savoir que la victime a été déboutée en 1re instance au titre de l’ancien article 1384, alinéa 1er du Code civil.
Knetsch J., « L’obligation générale de sécurité du Code de la consommation, fondement autonome de la responsabilité civile ? », RDC 2018, n° 114v6, p. 33 ; « Chute d’un client dans un magasin », RCA 2017, n° 12, comm. 303.
V. par ex. Sauphanor-Brouillaud N., Les contrats de consommation : règles communes, 2012, éd. LGDJ, Paris, 1152 pages.
V. par ex. notre thèse, « Responsabilité statutaire : le nouveau droit de la responsabilité des professions intellectuelles. Proposition d’un nouveau régime spécial de responsabilité civile », Thèse, 2020, Paris Descartes.
Demogue R., Traité des obligations en général, t. V, 1928, éd. Rousseau, p. 536 et s., n° 1237, & t. VI., p. 644, n° 599 ; les Allemands avaient cependant déjà pensé cette théorie.
Cass. civ., 21 avr. 1913, Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans c/Veuve Donat : S. 1914, p. 5, note Lyon-Caen C. ; D. 1913, p. 249, concl. Sarrut L. – Cass. civ., 27 janv. 1913 : S 1913, p. 17 ; D. 1913, p. 249, 2e esp – Cass. civ., 21 nov. 1911 : S. 1912, p. 73, note Lyon-Caen C. ; D. 1913, p. 249, 1re esp. V. également Josserand L., « L’obligation de sécurité du transporteur de personnes » (1926, extraits) in La construction de la responsabilité civile (Carval S.), 2001, éd. PUF, Paris, p. 106-112.
Cass. 1re civ., 16 mai 2018, n° 17-17904 : Bull. civ. I, n° 526 ; Dalloz actualité, 20 juin 2018, obs. Hacene A.
Cass. 1re civ., 16 mai 2006, n° 03-19936 : Bull. civ. I, n° 241 ; Cass. 1re civ., 14 juin 2000, n° 98-17752 : Contrats, conc. consom. 2000, n° 156, obs. Leveneur L.
Cass. 1re civ., 16 oct. 2001, n° 99-18221 : Bull. civ. I, n° 260 ; RTD civ. 2002, p. 107, obs. Jourdain P.
Boucard H, « Responsabilité contractuelle », in Rép. civ. Dalloz, 2018 (actualisation sept. 2020), n° 297.
Rémy P., « Critique du système français de responsabilité civile », « Critique du système français de responsabilité civile », Revue juridique de l’USEK 1997/05, p. 64 ; Esmein P., « L’obligation et la responsabilité contractuelle », in Le droit privé français au milieu du XXe siècle : études offertes à Georges Ripert, t. II, La propriété, contrats et obligations, la vie économique, 1950, éd. LGDJ, Paris, p. 105.
Dans le même sens, Rémy P., « Critique du système français de responsabilité civile », « Critique du système français de responsabilité civile », Revue juridique de l’USEK 1997/05, p. 60 ; Jourdain P., « L’obligation de sécurité (à propos de quelques arrêts récents) », in Gaz. Pal. 1993, 2, p. 1171.
Rappr. avec Latina M., « Les obligations de moyens et de résultat (art. 1250) », in Blog Réforme du droit des obligations, 2016, Dalloz.
Mazeaud D., « Les clauses limitatives de réparation », in Les obligations en droit français et en droit belge. Convergences et divergences, 1994, Bruylant-Dalloz, p. 167.
Cass. 2e civ., 17 févr. 1955 : D. 1956, p. 17, note Esmein P. ; JCP G 1958, II. 8951, obs. Rodière R. : « sont nulles les clauses d’exonération ou d’atténuation de responsabilité en matière délictuelle, les articles 1382 et 1383 du Code civil étant d’ordre public et leur application ne pouvant être paralysée d’avance par une convention ».
Projet de réforme, 13 mars 2017, art. 1281.
Proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile, 29 juill. 2020, art. 1284, n° 678.
Savatier R., Traité de la responsabilité civile en droit français, t. II, 1939, LGDJ, n° 664 ; Starck B., Obligations, 1972, Litec, nos 22 à 24 ; le Tourneau P.(dir.), Traité de droit de la responsabilité et des contrats. Régimes de l’indemnisation, 12e éd. 2021-2022, Dalloz, n° 2325.24, p. 1171.
Cass. 2e civ., 4 nov 2010, n° 09-65947 : JCP G 2011, note 12, Bakouche D. ; RTD civ. 2011, p. 137, obs. Jourdain P. – Cass. 2e civ., 12 avr. 2012, n° 10-20831 ; Cass. 2e civ., 21 mai 2015, n° 14-14812 : RCA 2015, p. 220, obs. Hocquet-Berg S. – Cass. 2e civ., 2 juill. 2015, n° 14-19078 ; Cass. 2e civ., 14 avr. 2016, n° 15-17732.
C. consom., art. L. 212-1 ; v. not. Fenouillet D. (dir.), Droit de la consommation, 2021-2022, éd. Dalloz, nos 223.00 et s., p. 591 et s.
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