Double maternité biologique et filiation transidentitaire
La Cour de cassation refuse « le parent biologique »
Dans un arrêt incohérent du 16 septembre 2020, pris sur avis contraire de l’avocat général, la première chambre civile de la Cour de cassation confirme le rejet d’une demande de transcription de la reconnaissance de la maternité d’une femme transgenre et affirme que deux filiations maternelles ne peuvent pas être établies à l’égard d’un enfant, hors adoption. Avec le plus grand mépris pour l’intérêt de l’enfant et son droit à connaître ses origines, la Cour de cassation oblige ainsi une femme transidentitaire à choisir entre une reconnaissance de paternité (qui ne peut exister), et une adoption de son propre enfant biologique (qui n’a aucun sens).
Cass. 1re civ., 16 sept. 2020, n° 18-50080
Mon Père… est ma Mère, ou quand les minorités de genre interrogent (et bouleversent ?) nos catégories juridiques.
Fascinantes et transgressives, les parentés transgenres1 explosent chaque jour un peu plus la conception traditionnelle des genres par une remise en cause de la binarité sexuelle et de l’hétéronormativité des couples. Encore peu étudiées en France, elles sont aujourd’hui plus visibles et assumées, en raison notamment du développement des techniques de procréation assistée et des nouvelles dispositions de la loi du 18 novembre 2016 sur les conditions du changement de sexe à l’état civil, considérant que l’identité sexuelle ne doit plus reposer sur le critère irréversible de l’apparence ou de[...]
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Espineira K., Thomas M.-Y. et Alessandrin A., La transyclopédie, 2012, Des ailes sur un tracteur.
Le Maigat P., « Changement de sexe à l’état civil : la cour d’appel de Montpellier entre dans la justice du XXIe siècle et valide l’unique critère social », Gaz. Pal. 25 avr. 2017, n° 292y4, p. 15.
CA Montpellier, 3e ch. réunies, 14 nov. 2018, n° 16/06059 : Dalloz actualité, 28 nov. 2018, obs. Dervieux V.-O. ; D. 2019, p. 110, obs. Dionisi-Peyrusse A. ; AJ fam. 2018, p. 684, obs. Kessler G. ; JCP G 2019, 95, note Vialla F. et Vauthier J.-P. ; Gaz. Pal. 4 déc. 2018, n° 337y4, p. 14, obs. Le Maigat P. ; Dr. famille 2019, comm. 6, note Fulchiron H. ; Brunet L. et Reigné P., « De la difficulté d’être mère… pour une femme transidentitaire », JCP G 2019, 91 ; Binet J.-R., « Transsexualisme et filiation : brouillage de (re)pères ! », Dr. famille, repère 11.
Dont la dualité irait à l’encontre du principe mater semper certa est.
TGI Montpellier, 22 juill. 2016, n° 150519 : D. 2017, p. 1373, note Vauthier J.-P. et Viala F.
La notion de « parent » existait déjà pour les couples homosexuels dans le cadre d’une adoption, mais n’avait jamais été utilisée dans le cadre d’une filiation biologique.
Le pourvoi formé par la mère transgenre reposait sur un moyen unique divisé en huit branches, considérant en substance que seule la transcription de la reconnaissance maternelle prénatale peut à la fois préserver l’intérêt de l’enfant et la vie privée et familiale de sa mère et qu’on peut la forcer à établir une filiation paternelle alors qu’elle est désormais de sexe féminin. De manière plus discutable, le pourvoi précise également que le droit français ne connaît pas les termes de « parent biologique ». Le pourvoi du procureur contestait également les termes « parent biologique » sur l’acte de naissance de l’enfant en invoquant la violation de l’article 57 du Code civil au motif que seuls peuvent être mentionnés sur l’acte de naissance les « père » et « mère » de l’enfant, et que le juge ne peut pas créer une nouvelle catégorie de l’état civil.
Gaz. Pal. 4 déc. 2018, n° 337y4, p. 14, obs. Le Maigat P.
Ce terme est notamment utilisé dans la loi belge du 5 mai 2014 portant établissement de la filiation de la coparente modifiée par la loi du 18 décembre 2014 entrée en vigueur le 1er janvier 2015. Parmi les autres pays et territoires permettant l’établissement de la filiation de la coparente automatiquement dans le cadre d’un mariage ou par voie de reconnaissance, on trouve les Pays-Bas, l’Australie, l’Autriche, certaines provinces du Canada, l’Espagne, l’Irlande, le Portugal, le Royaume-Uni, le Danemark, l’Islande, la Norvège et la Suède.
La situation étant déjà suffisamment inhabituelle, les magistrats ont peut-être pensé que la réponse apportée au litige devait pouvoir ménager toutes les parties, et n’aurait à s’appliquer qu’au cas d’espèce.
À la maternité gestatrice s’ajoute une maternité non gestatrice et à la paternité non gestatrice une paternité gestatrice.
L’article 311-25 fait de la femme désignée dans l’acte de naissance la mère de l’enfant et l’article 320 interdit l’établissement d’une filiation contredisant une filiation déjà établie et non contestée en justice. C’est donc la filiation maternelle à l’égard de la femme qui a accouché qui constitue un obstacle à la reconnaissance de maternité de son épouse transidentitaire.
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