Au sujet de la prééminence des lois de la République sur les règles religieuses
La prééminence du droit de la République semble une évidence qui s’impose d’elle-même. Pourtant, il est récemment apparu nécessaire tant à l’Exécutif qu’au Parlement de rappeler ce principe, qui découle de la souveraineté de l’État.
Depuis son entretien sur RTL du 27 octobre 2019, le président de la République emploie le mot « séparatisme »,1 qu’il a défini dans le discours des Mureaux du 2 octobre 2020 comme étant « un projet conscient, théorisé, politico-religieux, qui se concrétise par des écarts répétés avec les valeurs de la République, qui se traduit souvent par la constitution d’une contre-société et dont les manifestations sont la déscolarisation des enfants, le développement de pratiques sportives, culturelles communautarisées qui sont le prétexte pour l’enseignement de principes qui ne sont pas conformes aux lois de la République. C’est l’endoctrinement et par celui-ci, la négation de nos principes, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité humaine ». Et d’ajouter « le problème, c’est cette idéologie, qui affirme que ses lois propres sont supérieures à celles de la République ».2
Dans un contexte marqué par l’assassinat d’un enseignant du secondaire à Conflans-Sainte-Honorine par un jeune islamiste radicalisé le[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
https://www.rtl.fr/actu/politique/emmanuel-macron-annonce-sur-rtl-qu-il-va-rencontrer-les-representants-du-cfcm-lundi-7799341315.Le président de la République retrouve ainsi une qualification, celle de « séparatiste », autrefois employée par le général De Gaulle pour qualifier les communistes (De Gaulle C., discours de Rennes du 27 juillet 1947, https://www.charles-de-gaulle.org/wp-content/uploads/2017/03/Discours-de-Rennes.pdf).
https://www.elysee.fr/front/pdf/elysee-module-16114-fr.pdf.
Prop. L. const. n° 293 (2019-2020), enregistrée à la présidence du Sénat le 3 février 2020.
Tawil E., Cultes et congrégations, 2019, Dalloz, p. 87 et s. Sur le maintien en vigueur du régime des cultes d’Alsace-Moselle : Cons. const., 21 févr. 2013, n° 2012-297 QPC ; JCP A 2013,15, note Macaya A. et Verpeaux M. ; JCP A 2013, 16, note Portelli H. ; JCP A 2013, 243, note Amédro J.-F. ; JCP A 2013, 2108, note Laffaille F. Sur le maintien en vigueur du régime des cultes de Guyane, v. Cons. const., 2 juin 2017, n° 2017-633 QPC : JCP A 2017, n° 2215, note Verpeaux M.
Frassa C.-A., rapp. comm. des lois Sénat, n° 45, déposé le 14 octobre 2020, p. 21.
Epron Q., « Gallicanisme », in Alland D. et Rials S. (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, 2003, Paris, PUF, p. 761 et s.
« Déclaration du clergé de France du 19 mars 1682 », in Denzinger H., Symboles et définitions de la foi catholique, 1997, Cerf, n° 2281-2284.
Durand de Maillane P.-T., Dictionnaire de droit canonique et de pratique bénéficiale, t. 1, 1761, Paris, Bauche, p. 220. Sur la réception dans les doctrines gallicanes, voir les développements qu’y consacre Epron Q., « Le gallicanisme a-t-il connu la notion d’ordre juridique ? », Droits 2002, n°35, p. 3-24.
Lafon J., Les prêtres, les fidèles et l’État, 1987, Paris, Beauchesne, 372 pages ; Basdevant-Gaudemet B., Le jeu concordataire dans la France du XIXe siècle, 1988, Paris, PUF, XVI-298 pages. Sur la liste des règles applicables, les administrativistes discutaient, v. par ex. Hauriou M., Précis de droit administratif, 4e éd., 1903, Paris, Larose, p. 152.
Sild N., Le gallicanisme et la construction de l’État (1563-1905), Paris, Institut universitaire Varenne, 582 pages ; Tawil E., Du gallicanisme administratif à la liberté religieuse, 2008, PU Aix-Marseille, p. 31 et s.
Dubieff A. et Gottofrey V., Traité de l’administration des cultes, t. 1, 1891, Paris, Société anonyme d’imprimerie et librairie administratives et des chemins de fer Paul Dupont, n° 392, p. 326.
Dubieff A. et Gottofrey V., Traité de l’administration des cultes, t. 1, 1891, Paris, Société anonyme d’imprimerie et librairie administratives et des chemins de fer Paul Dupont, n° 393, p. 327.
CA Chambéry, 15 janv. 1964 : D. 1964, Jur., p. 605.
Cons. const., 19 nov. 2004, n° 2004-505 DC : Rec. Cons. const. année, p. 173, note Sudre F. ; RFDA 2005, p. 34, note Chelini-Pont B. et Tawil E. ; Annuaire Droit et Religions, 2005, PU Aix-Marseille, p. 473.
Canet L., « Lettre adressée à Léon Noël du 26 septembre 1921 », in Papiers Léon Noël, Arch. nat. 433 AP/1.
Rigaud L., « Le droit canonique du mariage devant la législation et la jurisprudence française », in L’Année canonique, 1953, Letouzey & Ané, p. 432.
Sur l’ensemble de la question : Tawil E., « Le droit interne des religions dans la jurisprudence du Conseil d’État », in Rapport public du Conseil d’État 2004, Études et documents du Conseil d’État, n° 55, p. 455 et s. ; Tawil E., Normes religieuses et droit français, 2005, PU Aix-Marseille, 325 pages.
CE, 9 déc. 1910, Association cultuelle de Nice pour l’exercice du culte de l’Église luthérienne de langue allemande : S. 1911, 3, 64 – CE, 16 févr. 1923, Association presbytérale de l’Église reformée de l’Annonciation : S. 1926, 3, 6 – CE, 25 juin 1943, Église reformée évangélique de Marseille : D. 1944, Jur., p. 70.
CE, avis, 13 déc. 1923, n° 185707 : Études et documents du Conseil d’État 2004, n° 55, p. 418.
CA Chambéry, 15 janv. 1964, n° de décision : D. 1964, Jur., p. 605.
Tawil E., Cultes et congrégations, 2019, Dalloz, nos 31-25, p. 364.
Tawil E., Cultes et congrégations, 2019, Dalloz, nos 31-26, p. 364 et s.
Cass. ass. plén., 19 mai 1978, n° 76-41211, Dame Roy c/ Assoc. pour l’éducation populaire Sainte-Marthe : JCP 1978, II 19009.
Cons. const., 23 nov. 1977, n° 77-87 DC : Rec. Cons. const. 1977, p. 42 – Cons. const., 18 janv. 1985, n° 84-185 DC : Rec. Cons. const. 1985, p. 36.
CE, Étude du 19 déc. 2013 sur l’application des principes de neutralité et de laïcité, p. 30.
L. n° 2010-1192, 11 oct. 2010 : JO,12 oct. 2010.
CEDH, 10 nov. 2005, n° 44774/98, Leyla Şahin c/ Turquie : AJDA 2006, p. 315, note Gonzalez G.
CEDH, 26 oct. 2000, n° 30985/96, Hassan et Tchaouch c/ Bulgarie : RTD eur. 2001, p. 185, § 62 ; Tawil E., Cultes et congrégations, 2019, Dalloz, nos 4.35-4.40, p. 60 et s.
CEDH, 9 juill. 2013, n° 2330/09, Sindicatul’Păstorul cel Bun’ ; Tawil E., Cultes et congrégations, 2019, Dalloz, n° 4.43, p. 64.
CEDH, 27 juin 2000, n° 27417/95, Cha’are Shalom Ve Tsedek c/ France : Revue trimestrielle des droits de l’homme 2001, p. 191. La Cour de justice de l’Union européenne a aussi affirmé que « les méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux, au sens de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1099/2009, relèvent du champ d’application de l’article 10, paragraphe 1, de la Charte » des droits fondamentaux de l’Union européenne (CJUE, 29 mai 2018, n° C-426/16, ECLI :EU :C :2018 :335, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen VZW e.a.).
L. n° 2003-660, 21 juill. 2003, de programme pour l’outre-mer : JO, 22 juill. 2003, p. 12320. V° Guillaumont O., « La réforme du statut civil de droit local et l’abandon de la polygamie à Mayotte », JCP G 2003, act. 417.
Tawil E., Cultes et congrégations, 2019, Dalloz, nos 5-10-5-15, p. 68 et s.
CA Besançon, 13 juin 1995, n° 476. L’essentiel de l’arrêt est publié in Lafargue R., rapp. GIP Droit et justice sur La coutume judiciaire en Nouvelle-Calédonie, 2001, p. 18, http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-content/uploads/2014/07/00-38-RF.pdf
Sur cet arrêt, Boyer A., « A propos du maintien en vigueur dans l’ordre juridique français des statuts personnels après l’indépendance d’un territoire. Note sous cour d’appel de Besançon, 13 juin 1995, Mlles Narwada et Radjeswari » : Revue de la recherche juridique – Droit prospectif, 1997, p. 347.
CE, avis, 20 mai 1965, n° 290479, D.
Compte-rendu de la réunion de la commission des lois du Sénat du 14 octobre 2020, in rapp. comm. des lois Sénat, n° 45, déposé le 14 octobre 2020, p. 30.
CE, 30 oct. 1998, n° 200286, Sarran : Lebon 1998, p. 368.
Jurisprudence constante et fournie. V. par ex. Montijo, sentence arbitrale, 26 juill. 1875, USA c/Colombie : Digest of Arbitrations, p. 1440 – intérêts allemands en Haute Silésie polonaise, CPJI, 25 mai 1926, Allemagne c/ Pologne : Rec. Série A, n° 7, p. 19.
Testez gratuitement Lextenso !