La nécessaire redéfinition de la juridiction compétente en matière de requête en confusion de peines
En censurant une partie de l’article 710 du Code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel, dans sa décision QPC n° 2021-925 rendue le 21 juillet 2021, impose au législateur de revoir la détermination de la juridiction compétente pour statuer sur une confusion de peines lorsque les condamnations pour des infractions en concours réel ont déjà été prononcées. La solution repose sur les fondements classiques d’égalité devant la loi et d’exercice effectif des voies de recours, mais elle révèle de sévères anachronismes au regard de l’évolution du droit de la peine et de l’exécution des peines.
Cons. const., QPC, 21 juill. 2021, no 2021-925 : la décision est disponible ici
Le principe de la confusion de peines. Le contentieux de la confusion de peines relève d’une procédure qui, par certains aspects, se révèle aussi atypique que surannée dans le paysage de la procédure pénale. Ainsi, la décision du Conseil constitutionnel rendue le 21 juillet 2021 de censurer une partie de l’article 710 du Code de procédure pénale ne saurait surprendre à première vue. Toutefois, la technicité de la question impose de bien cerner les enjeux.
Selon une approche substantielle, la confusion de peines consiste à mettre en œuvre un principe fort du droit pénal français : le cumul limité des peines, c’est-à-dire une fiction traduisant une forme de clémence répressive en présence[...]
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CPP, art. 710, al. 1er, il peut aussi saisir la juridiction territorialement compétente au regard de son lieu de détention (al. 3).
Il ressort d’ailleurs de l’audience que le secrétariat général lui-même avait admis le caractère injustifié de la différence de régime procédural instauré par l’article 710 du Code de procédure pénale.
Pour une critique de la restriction du champ de la question à la seule deuxième phrase du premier alinéa, V. E. Bonis, « Règles de compétence », Dr. pén. 2021, comm. 153.
Alors que le Conseil constitutionnel a pu, par le passé, endosser le costume d’un « jurislateur » transitoire, par exemple en invitant les cours d’assises à énoncer les principaux éléments ayant convaincu la cour d’assises dans le choix de la peine, Cons. const., 2 mars 2018, n° 2017-694 QPC.
Les illustrations récentes de l’application de cette garantie sont nombreuses : Cons. const., 18 juin 2021, n° 2021-918 QPC ; Cons. const., 23 avr. 2021, n° 2021-900 QPC ; Cons. const., 2 oct. 2020, n° 2020-858/859 QPC ; Cons. const., 21 juin 2019, n° 2019-791 QPC, cons. 9 ; Cons. const., 8 févr. 2019, n° 2018-763 QPC ; Cons. const., 22 juin 2018, n° 2018-715 QPC ; Cons. const., 8 juin 2018, n° 2018-712 QPC.
Cons. const., 21 juin 2019, n° 2019-791 QPC, cons. 14 ; Cons. const., 19 oct. 2018, n° 2018-741 QPC.
C. Claverie-Rousset, L’habitude en droit pénal, t. 57, 2014, LGDJ, Bibliothèque des sciences criminelles, nos 452 et s. ; E. Letouzey, La répétition d’infractions, 2016, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, nos 157, 331 et 587.
L’expression est utilisée par exemple par F. Staechele, lequel appelait dès l’entrée en vigueur du Code pénal nouveau à une judiciarisation complète, condition d’une individualisation de la peine cohérente, in Le nouveau Code pénal. Enjeux et perspectives, 1994, Dalloz, Thèmes et commentaires, p. 123.
Dans ces deux exemples, il est certain que la juridiction saisie n’a ni le pouvoir de restreindre ou d’accroître les droits qu’elle consacre, ni de modifier la chose jugée, Cass. crim., 2 juin 2015, n° 14-86605 ; Cass. crim., 13 janv. 2016, n° 15-80855.
Le Conseil constitutionnel s’étant contenté d’un report de l’abrogation dans le temps, il est probable que la censure ne puisse bénéficier au requérant.
Rapport, Pour une refonte du droit des peines, commission présidée par B. Cotte, déc. 2015, p. 80.
La pratique propose une telle solution notamment en vue de supprimer les compétences concurrentes, le rapport remis le 15 janvier 2018, dans le cadre du livre V des chantiers de la justice sur le sens et l’efficacité des peines, propose néanmoins de revenir à une compétence du tribunal correctionnel, en formation collégiale.
Exception faite de la situation bien précise où chacune des condamnations en jeu dans la confusion de peines post-sentencielle aurait conduit au prononcé de la peine maximale : dans ce cas précis, la confusion est de plein droit et devra être totale.
En effet, la loi du 15 août 2014 avait modifié l’article 710 en ajoutant une précision d’importance (qui n’a d’ailleurs pas été censurée) car elle ne concerne que la confusion de peines : « Pour l’examen de ces demandes, elle tient compte du comportement de la personne condamnée depuis la condamnation, de sa personnalité ainsi que de sa situation », Cass. crim., 11 juill. 2017, n° 16-85676 : Bull. crim., n° 207 – Cass. crim., 10 janv. 2018, n° 16-87611 : Bull. crim., n° 9.
Cass. crim., 7 mai 2014, n° 14-90011, la chambre criminelle refusant de renvoyer une QPC portant sur la rupture d’égalité entre l’article 132-4 du Code pénal et l’article 710 du Code de procédure pénale avait notamment souligné que « le pouvoir souverain reconnue aux juridictions du fond pour apprécier son opportunité, lorsqu’elle est facultative, ne les dispense pas de motiver leur décision, sous le contrôle de la Cour de cassation ».
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