Pour une évaluation du déficit fonctionnel cohérente avec la définition du handicap
Les victimes de dommage corporel conservant des séquelles importantes sont en situation de handicap. Ce constat invite à proposer de prendre en considération les outils d’évaluation du handicap pour chiffrer l’indemnisation de ces victimes. Le présent article présente ainsi une nouvelle méthode d’évaluation du déficit fonctionnel.
Du dommage corporel et du handicap. Les mots, les méthodes et les outils liés au domaine du handicap sont trop peu souvent utilisés en matière de dommage corporel. Tout se passe comme s’il y avait, d’un côté, le monde du handicap avec ses instances (la MDPH1 par exemple), ses structures, ses codes (le Code l’action sociale et des familles essentiellement), ses objectifs (la réadaptation, la compensation), ses acteurs, et ses outils (notamment la grille AGGIR2 ou le guide GEVA-Sco3) et, d’un autre côté, le monde du dommage corporel avec d’autres instances, d’autres structures, d’autres codes, d’autres objectifs, d’autres acteurs, et ses propres outils (la nomenclature dite Dintilhac et les barèmes médico-légaux notamment).
Certes, toute situation de handicap ne résulte pas d’un dommage corporel, et tout dommage corporel n’est pas générateur de handicap. Les handicaps congénitaux, ceux liés au vieillissement ou à une maladie non imputable à un facteur exogène n’ont pas vocation à être traités à travers le prisme du droit du dommage corporel. À l’inverse, les incapacités[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
Maison départementale des personnes handicapées.
Grille Autonomie Gérontologique et Groupe Iso Ressources.
Guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation.
Par ex., Cass. 2e civ., 7 mars 2019, n° 17-25855.
V., par ex., J.-P. Marissal, « Les conceptions du handicap : du modèle médical au modèle social et réciproquement… », Revue d’éthique et de théologie morale 2009/HS, n° 256, p. 19.
R. Lefèvre, éditorial, RF dommage corp. 2010-2, 95-6.
Parmi de très nombreuses références, C. Barral, « La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé : un nouveau regard pour les praticiens », Contraste 2007, n° 27, p. 231-246, https://lext.so/oKDRkW ; J.-P. Marissal, « Les conceptions du handicap : du modèle médical au modèle social et réciproquement… », Revue d’éthique et de théologie morale 2009/HS, n° 256.
L. n° 2005-102, 11 févr. 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
P. N. H. Wood, World Health Organisation, « International Classification of Impairments, Disabilities, and Handicaps », 1980.
En l’état actuel, « l’atteinte à la qualité de vie (…) n’est jamais quantifiée par le taux et doit toujours faire l’objet d’une description autonome » : M. Le Roy, J.-D. Le Roy et F. Bibal, L’évaluation du préjudice corporel, 20e éd., n° 49, 2015, LexisNexis.
Où sont les atteintes purement psychologiques ? Où sont les troubles des émotions ?
P. Jourdain, dans l’avant-propos du barème du Concours médical, écrit : « L’évaluation de l’incapacité permanente a un caractère objectif en ce que le taux d’incapacité est l’expression chiffrée d’un déficit fonctionnel censé être le même pour toutes les victimes souffrant de lésions identiques. Au stade de l’expertise, l’évaluation médico-légale doit en effet s’abstraire de leurs répercussions psycho-sociales » ; il traduit cette appétence pour la définition séquellaire du handicap.
« L’incapacité permanente : une définition », Barème du Concours médical, p. 11.
Société de médecine légale et de criminologie de France, Association des médecins experts en dommage corporel, Barème d’évaluation médico-légale, 2000, Eska-EAL, p. 24.
J.-P. Chodkiewicz, en préambule au barème du Concours médical, écrit que ce barème est élaboré « dans le cadre d’un consensus authentiquement pluridisciplinaire regroupant tous les spécialistes du dommage corporel », alors même que seuls des médecins comptent parmi les auteurs.
Particulièrement dans certains domaines, G. Lopez, « Les barèmes d’évaluation actuels sont-ils obsolètes ? », GPL 15 févr. 2015, n° GPL213m0.
A. Papelard, Barème du Concours médical, préface.
« Une précédente indemnisation sur la base d’un taux d’incapacité de 100 % ne fait pas obstacle à la réparation d’une aggravation des préjudices » : Cass. 2e civ., 24 oct. 2019, n° 18-20818.
CSS, art. R. 434-32, annexe I ; même en matière d’accidents du travail, cette « règle » est facultative.
V. C. Quézel-Ambrunaz, rapp., Demandes, offres, décisions en matière de dommage corporel : étude statistique, 2021, université Savoie Mont Blanc, institut universitaire de France, p. 105.
V. déjà le souhait exprimé par Y. Lambert-Faivre et S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel, 8e éd., 2016, Dalloz, n° 138. V. aussi G. Mor et L. Clerc-Renaud, Réparation du préjudice corporel, 2020, Delmas, n° 121.51
A. Ghozia, « La valeur juridique et le rôle des normes techniques en expertise », JDSAM 2020/2, n° 26, p. 16-23.
Consultable sur https://lext.so/1I9j-U.
Concerne le préjudice scolaire ou universitaire (PSU).
Concerne les pertes de gains professionnels futurs (PGPF) et l’incidence professionnelle (IP).
Concerne le préjudice d’agrément (PA). Ainsi, la compétence d465 « Se déplacer en utilisant des équipements spéciaux », définie comme « déplacer le corps d’un endroit à l’autre, sur toute surface et dans toutes sortes d’espaces, en utilisant des appareils particuliers conçus pour faciliter le déplacement ou pour donner des moyens de déplacement nouveaux, comme les planches à roulettes, les skis, un équipement de plongée, ou descendre la rue en fauteuil roulant ou avec un déambulateur » est omise, dans la mesure où la première partie correspond à un préjudice d’agrément, et la seconde à l’altération de la fonction d455 « Se déplacer ». L’idée de monter un animal comme moyen de transport (d4709) correspond, dans nos sociétés, davantage à l’agrément qu’à la mobilité.
Par exemple, soulever un objet, mais n’excédant pas un certain poids.
Par exemple, avec une canne, une prothèse…
Par exemple, pour la lecture, avec des ouvrages en gros caractères ; pour la toilette, dans des lieux adaptés ; pour les courses, à condition que les lieux soient accessibles…
Par exemple, un fauteuil roulant.
Testez gratuitement Lextenso !
Plan
- 1Nouvelles contributions à l'évaluation du DFP
- 1.1Le déficit fonctionnel permanent fera-t-il peau neuve ? – Présentation du dossier
- 1.2L’indemnisation du déficit fonctionnel permanent : complexe mais pas compliquée
- 1.3Pour une évaluation du déficit fonctionnel cohérente avec la définition du handicap
- 1.4La blessure de l’autre : éléments pour une phénoménologie de la blessure