Le principe de confiance légitime serait-il entré en droit public interne ?
Sans jamais avoir été consacré en tant que principe général autonome du droit public interne, le principe de confiance légitime a fait une entrée remarquée au Conseil constitutionnel et, plus récemment, une entrée remarquable devant la juridiction administrative en ce qu’il a été soulevé d’office par le juge comme moyen de rejet d’une demande dont le bien-fondé était pourtant parfaitement admis.
Le principe de protection de la confiance légitime, présenté comme une déclinaison du principe de sécurité juridique1, renvoie, du point de vue des justiciables et des particuliers, à une sorte de « droit acquis »2, d’« espérances fondées »3 quant aux comportements ou à la réglementation émanant des autorités publiques c’est-à-dire, en d’autres termes, à la prévisibilité des normes dans un État de droit.
Si le principe de confiance ou d’espérance légitime4, est inspiré du droit allemand et constitue un principe général du droit issu du droit de l’Union européenne, sa consécration en droit public français n’a jamais vraiment été d’actualité5.
En effet, les décisions du juge administratif posent traditionnellement, in extenso ou en substance, que le principe de confiance légitime, « qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s’appliquer, dans l’ordre juridique national, que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge[...]
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Principe de sécurité juridique reconnu en tant que principe général du droit depuis la décision d’Assemblée du Conseil d’État : CE, 24 mars 2006, n° 288460, Société KPMG et a. : Lebon, p. 154.
Commentaire officiel de la décision du Cons. const., 19 déc. 2013, n° 2013-682 DC, LFSS 2014.
El Herfi R., « Les principes de confiance légitime et de sécurité juridique en droit européen. Interprétation et portée en droit de l’Union européenne et en droit de la Convention européenne des droits de l’Homme », Service de documentation, des études et du rapport de la Cour de cassation, Bureau du droit européen, 27 oct. 2015 ; CJCE, 19 mai 1983, n° 289/81, Mavridis c/ Parlement ; CEDH, 18 déc. 2008, n° 20153/04, Unédic c/ France.
Pour l’utilisation de la notion d’espérance légitime : v. CEDH, 4 janv. 2012, n° 32195/08, Debar et a. c/ France.
V. en ce sens par ex. : CE, 27 nov. 2013, n° 354920.
V. en ce sens par ex. : CE, ass., 5 mars 1999, nos 194658 et 196116, Rouquette : AJDA 1999, p. 462, chron. Raynaud F. et Fombeur P. – CE, 9 mai 2001, n° 210944, Entreprise personnelle de transports Freymuth : Lebon, p. 865 – CE, 18 juin 2008, n° 295831, Gestas – CE, 10 avr. 2009, n° 310184 – CE, 22 juin 2016, n° 400704 – CAA Nantes, 15 sept. 2016, n° 14NT02252 – CAA Versailles, 5 juill. 2016, nos 14VE00904, et 14VE00776 – TA Versailles, 8 nov. 2005, n° 0503547, confirmé par CAA Versailles, 18 oct. 2007, n° 06VE00123.
TA Besançon, ord., 23 sept. 2016, n° 1601413.
V. El Herfi R., « Les principes de confiance légitime et de sécurité juridique en droit européen. Interprétation et portée en droit de l’Union européenne et en droit de la Convention européenne des droits de l’Homme », préc.
CJCE, 5 avr. 1979, n° 148/78, Ratti.
CJCE, 19 mai 1983, n° 289/81, Mavridis c/ Parlement.
TPI, 6 juill. 1999, n° T-203/97, Forvass, point 70. Pour une application de la jurisprudence communautaire quant à la réunion des trois conditions cumulatives, v. par ex. : CE, 1er oct. 2015, n° 1301396 ; CE, 29 juin 2016, n° 387890.
CAA Douai, plén., 26 avr. 2005, n° 02-736, Sté Segafredo Zanetti France : Dr. fisc. 2005, 36, comm. 581, concl. Michel J. ; RJF 11/05, n° 1175. En sens inverse, par un arrêt en date du 17 décembre 1991, Restauration Gestion Service : RJF 2/92, n° 232, la CAA de Paris avait jugé que la doctrine administrative était opposable même lorsqu’elle était contraire au droit communautaire.
CE, 9 mai 2012, n° 308996, Sté EPI.
CJUE, 11 juill. 2013, n° C-273/12, cons. 18 et 19 ; et même quand cela résulte en réalité d’une erreur de l’administration : Cass. com., 5 janv. 2016, n° 13-27398.
Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 novembre 2007 (Cass. com., 20 nov. 2007, n° 06-11457) met en avant l’idée selon laquelle il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne « que l’administration des douanes avait eu à l’égard de la société une attitude dépourvue d’équivoque sur les suites qu’elle réserverait à sa demande d’autorisation et quant à son intention de ne pas opposer à la société la méconnaissance des conditions d’application du régime douanier qu’elle lui avait antérieurement reprochée, de sorte qu’à supposer même que la délivrance d’une autorisation rétroactive relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration, celle-ci pouvait être considérée comme ayant fait naître chez la société des espérances fondées, (…) la société Chevron Oronite était admise à se prévaloir du principe de confiance légitime ». Ainsi, le principe de protection de la confiance légitime interdit à l’administration des douanes de refuser à un importateur le bénéfice rétroactif d’un régime douanier, dès lors qu’elle a fait naître chez lui des espérances fondées. Ce principe ne s’oppose cependant pas à la restitution d’aides indues (CE, 27 juill. 2009, n° 292620, Lactalis).
CE, 23 juill. 2014, n° 354365 : de Montecler M.-C., « La violation par la loi des principes généraux du droit de l’UE engage la responsabilité de l’État », Dalloz actualité, 31 juill. 2014. Cette décision est l’occasion pour le Conseil d’État d’affirmer que, parmi les engagements internationaux de la France dont la méconnaissance engage la responsabilité de l’État (v. CE, ass., 8 févr. 2007, n° 279522, Gardedieu), « figure le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime reconnus par le droit communautaire et, désormais, par le droit de l’Union européenne ».
Cons. const., 30 déc. 2016, n° 96-385 DC, L. fin. 1997, cons. 18.
Delaunay B., « La confiance légitime entre discrètement au Conseil constitutionnel », AJDA 2014, p. 649.
Sauvé J.-M., vice-président du Conseil d’État, « L’entreprise et la sécurité juridique », intervention lors du Colloque organisé par la Société de législation comparée au Conseil d’État, 21 nov. 2014.
Cons. const., 19 déc. 2013, n° 2013-682 DC, préc., cons. 14.
Avec, certes, une nuance tenant à l’autorité de chose jugée qui s’attache à une ordonnance rendue par le juge des référés (par nature provisoire) et à une décision rendue par le Conseil constitutionnel.
TA Besançon, 23 sept. 2016, n° 1601413.
La délibération litigieuse portait en effet sur la dénomination d’une rue « André Tisserand », connu pour être un ancien cadre de la milice française.
TA Besançon, 21 juill. 2016, n° 1401426, sur les rappels de TVA.
TA Besançon, 1er oct. 2015, n° 1301396, sur la politique agricole.
TA Rouen, 18 juin 2013, n° 1100244.
TA Besançon, 23 sept. 2016, n° 1601413, préc.
CE, 11 janv. 2014, n° 374552, Les Productions de la Plume.
V. en ce sens par ex. : CE, 19 avr. 2000, n° 207469.
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Plan
- 1Le principe de confiance légitime serait-il entré en droit public interne ?
- 1.1I – Un principe de confiance légitime essentiellement reconnu en droit public interne lorsque la situation juridique est régie par le droit communautaire et européen
- 1.2II – Un principe de confiance légitime exceptionnellement reconnu dans le cadre d’une situation régie strictement par le droit public interne