« L'intime conviction », acte I : le roman de l'inexistant article 353 du Code pénal
L’article 353 du Code pénal n’existe pas. Le romancier Tanguy Viel ne l’a pas inventé mais l’a choisi pour intituler son septième roman, renvoyant en fait au bien numéroté article 353 du Code de procédure pénale. C’est moins l’erreur de code dans le titre qui interpellera le juriste que la revendication de « l’intime conviction » par un juge, instrumentalisé par… le romancier, faisant ainsi échapper l’auteur d’un meurtre à une condamnation pénale. L’application plus classique de l’intime conviction dans les jurys d’assises sera observée le mois prochain dans Du droit dans les arts…
« La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve : elle leur prescrit de s’interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite sur leur raison les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la[...]
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La dernière modification de cet article, qui date de la loi n° 2001-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, ajoute la question de la motivation de la décision.
La disparition de Jim Sullivan (Éd. de Minuit, 2013) fait exception et est le roman « américain » qui se réfère le moins à des notions juridiques, à part la référence à la « limite légale (…) obtenue auprès du juge » à la suite du divorce du narrateur (p. 33).
Éd. de Minuit, 1998, p. 107. Dans Paris-Brest (Éd. de Minuit, 2009), notaire, héritage, tribunal, avocat, procureur de la République ponctuent l’histoire de famille.
« Pour un juge, il n’avait pas cette condescendance ou dureté ni tout l’attirail que je m’étais représenté le concernant, je veux dire, ni la barbe grise, ni l’embonpoint d’un quadragénaire, non, ce juge-là, il avait trente ans à tout casser et on aurait dit qu’il avait envie de m’écouter » (p. 16). Ce portrait tranche avec celui de L’absolue perfection du crime (Éd. de Minuit, 2001) dans lequel le juge lors de la reconstitution des faits cherche aussi à savoir « quel genre d’homme » est l’accusé, mais comme pour mieux le charger. La même dissemblance existe entre les deux romans quant à l’arrestation du coupable par la police : « tout s’est passé calmement. Ils ont usé des formules qu’on use dans ces moments-là » (p. 11) dans L’article 353 du Code pénal, à la différence de la fusillade échangée entre les forces de l’ordre et les braqueurs du casino dans L’absolue perfection du crime.
Par exemple le bureau du juge : « Quinze mètres carrés qui nous accueillaient tous les deux, dans un palais de justice aux murs si défraîchis, au fond d’un couloir sombre » (p. 15), puis « la bibliothèque remplie de tous ces gros livres à couverture bordeaux ou lie-de-vin, les dizaines de codes civils ou maritimes… » (p. 82).
Ibid., p. 11. Et : « Sans doute, j’ai l’âme assez coupable pour ne pas être surpris de voir la loi fondre sur moi comme une buse et déjà planter ses griffes dans mes épaules » (p. 10).
Comme le juge lui fait tout de même remarquer : « Pourquoi vous ne vous êtes pas mis ensemble contre Lazenec ? » (p. 107).
Ibid., p. 51.
« (…) je crois que ça m’a fait peur, qu’un type censé représenter le calme et la froideur des lois, qu’il s’énerve et semble si émotif » (p. 79).
Leclerc H., Un combat pour la justice. Entretiens avec Marc Heurgon, La Découverte, 1994.
Ibid., p. 172.
Alors que son fils a bien été dans le box des accusés et condamné à deux ans ferme « pour vandalisme aggravé, atteinte à la propriété et trouble de l’ordre public » (p. 161) pour avoir mis le feu aux bateaux du port.
Ibid., p. 172.
Esnard C., Grihom M-J., Leturmy L. (dir.), L’intime conviction : incidences sur le jugement des jurés et des magistrats. Régulations sociocognitives et implications subjectives, rapport final au GIP Droit et justice, 8 juill. 2015, 181 p.
V. parmi les inexactitudes, celle sur l’acquisition d’une vente en l’état futur d’achèvement, citée par Dissaux N., in « Au nom du Code », D. 2017, p. 105.
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