De l'interdiction de conclure un contrat international : à propos d'une illustration législative récente
« [l]a location d’un bateau de marchandises avec équipage par une entreprise établie en France auprès d’une entreprise non établie en France est interdite. »
L’interdiction de conclure un contrat international, alors que la conclusion d’un contrat interne de même type est licite, est une singularité remarquable dont le droit des transports offre l’illustration. La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a en effet introduit dans le Code des transports un nouvel article L. 4454-3 selon lequel « [l]a location d’un bateau de marchandises avec équipage par une entreprise établie en France auprès d’une entreprise non établie en France est interdite. » La violation de cette interdiction est assortie d’une peine d’amende1.
L’objet de l’interdiction étant limité aux relations internationales de droit privé, cette règle correspond à la notion de règle matérielle de droit international privé. Une telle qualification suscite cependant la perplexité. Les manifestations usuelles du phénomène expriment en général le remplacement prétorien d’une règle prohibitive en matière interne par une règle permissive en matière internationale2. Frappant d’illicéité le contrat de location international visé, l’articulation de cette règle avec le droit qui le régit doit être évaluée. En présence[...]
L'accès à l'intégralité de ce document est réservé aux abonnés
C. transp., art. L. 4463-5, qui prévoit une peine d’amende de 7 500 euros.
En ce sens, v. M.-L. Niboyet et G. de Geouffre de la Pradelle, Droit international privé, LGDJ-Lextenso, 5e éd., 2015, n° 268.
S. Clavel, Droit international privé, Dalloz, 2e éd., spéc. n° 191.
P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, Montchrestien-Lextenso, 11e éd., 2014, n° 140. Comp. M.-L. Niboyet et G. de Geouffre de la Pradelle, Droit international privé, op. cit., n° 269 ; D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. I, Partie générale, PUF, 3e éd., 2014, n° 550.
Présentant et nuançant cette opposition, v. D. Bureau et H. Muir Watt, Droit international privé, t. I, Partie générale, op. cit., n° 548.
Règl. Rome I, art. 9.
Sur la question, v. D. Chilstein, Droit pénal international et lois de police, Dalloz, 2003.
Dir. Cons. n° 84/947/CEE, 19 déc. 1984, relative à l’utilisation de véhicules loués sans chauffeur dans le transport de marchandises par route, modifiée par Dir. Cons. n° 90/398/CEE, 24 juill. 1990. Depuis, v. Dir. PE et Cons. n° 2006/1/CE, 18 janv. 2006, relative à l’utilisation de véhicules loués sans chauffeur dans le transport de marchandises par route, spéc. art. 2, 1, b). Sur ce texte et l’évolution de la réglementation relative à la location transfrontalière en matière de transport routier, v. I. Bon-Garcin, M. Bernardet et Y. Reinhard, Droit des transports, Dalloz, 2010, n° 137.
A. 5 mai 2003, relatif à la location de véhicules destinés au transport routier de marchandises : JO 24 mai 2003, p. 8910.
Modifiée par Arr. 12 juill. 2005, modifiant l’arrêté du 5 mai 2003 relatif à la location de véhicules destinés au transport routier de marchandises : JO 6 août 2005, p. 12897.
« À compter de la date de publication du présent arrêté au Journal officiel de la République française » (Arr. 12 juill. 2005, préc., art. 2).
Il figure désormais à l’article 12-1 du décret n° 99-752 du 30 août 1999 relatif aux transports routiers de marchandises : JO 2 sept. 1999, p. 13140.
Règl. Cons. n° 3921/91/CEE, 16 déc. 1991, fixant les conditions de l’admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux de marchandises ou de personnes par voie navigable dans un État membre : JOCE 31 déc. 1991, n° L 373.
QE n° 23115, Dolez : JOAN Q 2 avr. 2013, p. 3497.
Rép. min. à QE n° 23115, Dolez : JOAN Q 11 févr. 2014, p. 1397.
Amendement AN n° SPE1926 du 15 janvier 2015. On relèvera que la directive Services n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur écarte de son domaine d’application « les services dans le domaine des transports, y compris les services portuaires, qui entrent dans le champ d’application du titre V du traité » (art. 2, 2, d).
Comp., affirmant la nécessité d’assurer le respect des règles relatives au cabotage en matière de transport routier, lesquelles constituent un « élément essentiel de la politique de contrôle » de ce mode de transport, v. Circ. 21 juin 2010, relative à la mise en œuvre de la réglementation concernant le cabotage routier de marchandises.
On pourrait cependant admettre la location du bateau avec son équipage pour une période inférieure ou égale à celle du cabotage autorisé. La figure contractuelle ne présenterait cependant guère d’utilité pratique.
Telles que définies par l’article L. 4000-1 du Code des transports.
Testez gratuitement Lextenso !