Nullité pour dol d'une donation-partage et clause pénale : un coup d'arrêt ?
Appelée à connaître de la nullité d’une donation-partage pour dol, la Cour de cassation a eu par la même occasion à se prononcer sur le sort à réserver à la clause pénale incluse dans l’acte. Pour la première fois, elle s’interroge sur le point de savoir si une telle clause ne porterait pas une atteinte excessive au droit d’agir en justice.
Cass. 1re civ., 16 déc. 2015, no 14-29285, PB
L’arrêt rendu le 16 décembre 2015, sous des apparences classiques, a mis les magistrats de la première chambre civile de Cour de cassation aux prises avec des questions largement inédites. En l’espèce une mère avait consenti à ses deux filles de même qu’à son petit-fils venant en représentation de sa mère prédécédée, une donation-partage mixte et inégalitaire, appelée à s’imputer pour partie sur la réserve héréditaire des intéressés et pour partie sur la quotité disponible. C’est sans doute pour éviter la difficulté rencontrée en pratique relative à la reconstitution de la réserve héréditaire en présence de libéralités-partages inégalitaires1, que le de cujus avait pris soin d’allotir les intéressés de manière identique sur la réserve héréditaire et de ne créer l’inégalité que dans la mesure de l’imputation sur la quotité disponible. L’acte contenait en outre une clause dite pénale stipulant que si le partage venait à être attaqué par l’un des donataires, celui-ci serait privé de[...]
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V. sur cette question : M. Grimaldi, Droit patrimonial de la famille, Dalloz-Action, 2015, n° 413-21.
La Cour a eu aussi à connaître sur le terrain de l’article 1382 du Code civil du bien-fondé de l’action en responsabilité en raison du caractère infondé des allégations de dol et de recel successoral.
F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions. Les libéralités, Dalloz, 2013, n° 283.
Sous réserve de l’hypothèse des libéralités avec charges.
L’expression est empruntée à F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, ouvr. préc., spéc. n° 1246
Cass. 1re civ., 8 nov. 1988, n° 87-10508 – Cass. 1re civ., 25 juin 2014, n° 13-23925.
On ajoutera que le contexte ne se prêtait pas, a priori, à pas une telle requalification, la Cour de cassation ne la retenant que pour des contrats souscrits dans les mois précédant le décès, ce qui témoigne de l’absence d’aléa de l’opération.
V. sur la question, l’ensemble des écrits sur la modulation dans le temps des effets de la jurisprudence.
M. Grimaldi, Libéralités. Partages d’ascendants, Litec, 2000, spéc. n° 1745.
À la condition, bien évidemment qu’il ait acquis date certaine préalablement à la donation-partage.
Sur l’inadéquation d’une telle qualification : D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, n° 242 et s. ; T. Le Bars, « Les clauses dites pénales en droit des libéralités ou le mariage de la carpe et du lapin », in Mélanges à la mémoire de P. Courbe, Dalloz, 2012, p. 345 et s.
M. Nicod, obs. sous Cass. 1re civ., 25 juin 2002 : D. 2003, p. 1875.
M. Grimaldi, Libéralités. Partages d’ascendants, ouvr. préc., spéc. n° 1809. Adde, A. Weinstock, « Du sens et des effets de la clause pénale dans le partage d’ascendant », RTD civ. 1934, p. 759 et s.
Cass. 1re civ., 9 déc. 2009, n° 08-18677 : Dr. Famille 2010, comm. 27, obs. B. Beignier ; JCP 2010, 203, spéc. n° 14, obs. R. Le Guidec. Sur cet arrêt v. aussi, D. Autem, « Partage testamentaire de biens indivis : jusqu’où peut-on aller ? » : Defrénois 30 avr. 2010, p. 923. Rappr. M. Grimaldi et C. Vernières, « De quelques clauses des donations-partages » : Defrénois 15 avr. 2014, p. 386.
Cass. civ., 25 fév. 1925 : DP 1925, 1, 185, note R. Savatier – Cass. 1re civ., 10 mars 1970, n° 68-13205 : D. 1970, p. 584, note A.B.
V. Cass. 1re civ., 9 déc. 2009, préc. où la nullité du testament-partage a été retenue et où la clause pénale a pu déployer ses effets.
On notera néanmoins que certains arrêts considèrent comme nulles les clauses permettant d’assurer l’exécution de dispositions non seulement contraires à l’ordre public mais aussi aux prohibitions de la loi ce qui est beaucoup plus vaste. V. not. Cass. 1re civ., 10 mars 1970, préc.
Cass. 1re civ., 25 juin 2002 : Dr. Famille 2003, comm. 18, obs. B. Beignier ; D. 2003, p. 1875, obs. M. Nicod ; Cass. 1re civ., 20 févr. 2007 : RTD civ. 2008, p. 134, obs. M. Grimaldi.
Cass. civ., 18 janv. 1858 : DP 1858, 1, 24.
Cass. req., 1er juin 1942 : DC 1943, 60, note J.C.
F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 2013, spéc. n° 393.
Comp. Cass. req. 27 mars 1855, DP 1855, 1, 257 ayant annulé la clause pénale en présence d’une libéralité obtenue par captation ou suggestion. La solution peut s’expliquer par le fait qu’à l’époque la distinction entre intérêt privé et ordre public n’avait pas encore été clairement posée.
M. Grimaldi, Libéralités. Partages d’ascendants, ouvr. préc., spéc. n° 1476.
M. Grimaldi, obs. préc. sous Cass. 1re civ., 20 févr. 2007.
M. Grimadi, op. cit.
M. Grimaldi, op. cit.
T. Le Bars, art. préc., spéc. p. 356. V. aussi dans le même sens : J. Flour et H. Souleau, Les libéralités, Armand Colin, 1982, n° 231.
M. Grimaldi, Libéralités. Partages d’ascendants, ouvr. préc., spéc. n° 1476.
M. Grimaldi et C. Vernières, art. préc. On notera d’ailleurs, que dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, les rédacteurs de la clause avaient été sensibles à de telles suggestions et n’avaient privé les héritiers contestataires de toute part dans la quotité disponible que sur les biens compris dans la libéralité. V. en ce sens les moyens annexés à l’arrêt.
T. Le Bars, art. préc., spéc. p. 354.
CEDH, 21 févr. 1975, Golder c/ Royaume-Uni, série A, n° 18.
CEDH, 27 août 1991, Philis c/ Grèce, série A, n° 209, § 59, p. 20 – CEDH, 16 déc. 1992, Geouffre de La Pradelle c/ France, § 28 : D. 1993, p. 561, note F. Benoît-Rohmer – CEDH, 18 févr. 1998, Waite et Kennedy c/ Allemagne : RTDH 2000, 77, note H. Tigroudja ; JDI 2000, p. 102, obs. P. Tavernier ; AJDA 2000, p. 527, obs. J.-F. Flauss.
CEDH, 25 mai 1985, Ashingdane c/ Royaume Uni, Série A, n° 93.
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