Nullité, restitutions et peine privée
En cas de nullité du contrat de construction pour irrespect du formalisme informatif légal, le juge ne peut ordonner la démolition de l’ouvrage et déchoir le constructeur de son droit à restitution de la valeur de son travail, sans vérifier que ces sanctions sont proportionnées à la gravité des conséquences de l’irrégularité.
Cass. 3e civ., 15 oct. 2015, n° 14-23612
1. Pour décrire l’idée générale qui gouverne les restitutions, la doctrine a depuis longtemps employé l’image d’une « exécution à rebours »1, d’un « contrat synallagmatique renversé »2 ou d’un « contrat à l’envers »3. L’image met l’accent sur le fait que ce ne sont que les prestations auxquelles le contrat obligeait qui sont dans le périmètre des restitutions. Autrement dit, seul peut être répété ce qui a été payé en vertu du contrat.
2. L’affirmation paraît logique : la nullité ayant détruit la force obligatoire du contrat, seuls les flux mus par cette force obligatoire relèvent du champ propre à la théorie des restitutions. L’idée mécanique de contrat inversé semble, par-là, plus exacte que celle de « remise en l’état antérieur » ou de « retour au statu quo ante » à laquelle se réfère la jurisprudence. En effet, quand la Cour de cassation énonce qu’en suite de l’anéantissement du contrat « les choses doivent être remises au même état que si les[...]
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L. Josserand, Cours de droit civil positif français, t. 2, Sirey, 3e éd., 1939, n° 379.
J. Carbonnier, Les obligations, PUF, coll. Thémis, 22e éd., 2000, n° 107, p. 208.
P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 7e éd., 2015, n° 723.
Cass. 3e civ., 29 janv. 2003, n° 01-03185 : RTD civ. 2003, p. 501, obs. J. Mestre et B. Fages – Cass. 1re civ., 23 janv. 2007, n° 03-12739 – Cass. 1re civ., 19 sept. 2007, n° 04-16086.
Cass. ch. mixte, 9 juill. 2004, n° 02-16302 : Bull. civ. ch. mixte, n° 2 ; Defrénois 2004, p. 1402, obs. R. Libchaber ; JCP G 2004, I, 173, n° 14, obs. Y.-M. Serinet ; JCP G 2004, 10190, note G. François ; RDC 2005, p. 280.
Cass. 1re civ., 8 déc. 1987, n° 85-15289 : Bull. civ. I, n° 327. Adde, du même jour : Cass. 1re civ., 8 déc. 1987, n° 85-16250 : Bull. civ. I, n° 326 : « Les juges du second degré ont exactement reconnu à l’éleveur le droit à la valeur des prestations fournies à titre des peines et charges directement liées à l’exécution du contrat annulé. » Ultérieurement, v. Cass. 1re civ., 11 juin 1991, n° 88-15884 : Bull. civ. I, n° 187 – Cass. 1re civ., 10 déc. 2014, n° 13-23903, PB : RDC 2015, p. 230, obs. Y.-M. Laithier : « pour remettre les parties d’un contrat d’intégration annulé dans leur état antérieur, seules doivent être prises en considération les prestations fournies par chacune d’elles en exécution de ce contrat, sans avoir égard aux bénéfices tirés de celui-ci par l’intégrateur. »
Comp. J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, La formation du contrat, t. 2, LGDJ, nos 2920 et 2921. L’appréciation souveraine des juges du fond vient tempérer cette rigueur.
V. C. Charbonneau, « Les restitutions consécutives à la nullité du contrat de sous-traitance » : RD imm. 2015, p. 20, et la jurisprudence citée ; par ex. Cass. 3e civ., 25 juin 2013, n° 09-16553 : « dans le cas où le sous-traité annulé a été exécuté, l’indemnisation du sous-traitant est faite sur la base du coût réel des travaux réalisés sans que soit prise en compte la valeur de l’ouvrage. »
S’agissant de cet exemple, l’acte étant rétroactivement réputé passé sans pouvoirs, il devrait être lui-même annulé, mais la théorie du mandat apparent pourra le maintenir et le préjudice consécutif à son exécution sera imputé en fonction des règles du droit de la responsabilité civile. Ces institutions sont distinctes de la théorie des restitutions mais en complètent le jeu pour régler la situation résultant de l’exécution du contrat nul.
V. H. Périnet-Marquet : JCP G 2013, 1060, n° 4 : le texte « vise à régler la situation d’un constructeur qui construit pour lui-même. » Dans le même sens, v. W. Dross : RTD civ. 2013, p. 641.
J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, La formation du contrat, t. 2, op. cit., n° 2896.
Cass. 3e civ., 24 avr. 2013, n° 12-11640 : Bull. civ. III, n° 56 ; JCP G 2013, 1060, n° 4, obs. H. Périnet-Marquet ; Constr.-urb. 2013, comm. 25, note P. Cornille ; RD imm. 2013, p. 432, obs. D. Tomasin ; RTD civ. 2013, p. 638, obs. W. Dross.
Cass. 3e civ., 26 juin 2013, n° 12-18121 : Bull. civ. III, n° 83 ; RDC 2013, p. 1315, obs. Y.-M. Laithier ; Constr.-urb. 2013, comm. 126, note C. Sizaire ; RD imm. 2013, p. 474, obs. F. Garcia et A. Vennetier.
F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, coll. Précis, 11e éd., 2013, n° 429.
Si le client ne réclame pas la démolition, c’est que la construction lui sied. Il serait alors excessif de priver l’entrepreneur du coût réel de sa prestation vu que le bâtiment est jugé suffisamment satisfaisant par le client pour qu’il le conserve, ce qui lui est un enrichissement. Le jeu des restitutions privera simplement le constructeur de la marge que le prix contractuel lui permettait d’espérer. Cette perte suffit.
P. Stoffel-Munck, « L’autonomie du droit contractuel de la consommation : d’une logique civiliste à une logique de régulation » : RTD com. 2012, p. 705.
Les dispositions contraires existent parfois, comme en témoigne, dans le crédit immobilier, la possibilité de moduler la déchéance des intérêts encourue pour irrégularité du document d’offre préalable (C. consom., art. L. 312-33, dern. al.).
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