Le juge et les clauses abusives
L’article 1171, en même temps qu’il puise largement son inspiration au droit antérieur (qu’il s’agisse de la jurisprudence rendue sur le fondement du droit commun ou des droits spéciaux), confère au juge un pouvoir considérable dans l’application du texte (via la qualification du contrat et l’appréciation du déséquilibre) d’une part, et dans son articulation avec les textes de droit spécial d’autre part.
1. L’article 1171 figure parmi les dispositions emblématiques de la réforme opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. En conférant au juge le pouvoir de réputer non écrites les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans les contrats d’adhésion, il marque une nouvelle étape dans la chasse à ce qu’il est convenu d’appeler les « clauses abusives »1. Initiée en droit de la consommation par la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978, qui la réservait aux clauses stipulées dans les relations entre professionnel et consommateur ou non-professionnel, la sanction a été étendue aux relations entre professionnels par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, avant de l’être à nouveau par le texte ici étudié, aux contrats d’adhésion cette fois.
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Légale en droit de la consommation, cette terminologie est usuelle en doctrine et on la retiendra ici aussi, brevitatis causa.
V. not., depuis la loi 9 décembre 1976, BGB, § 305 et s., et en particulier § 307, al. 1er, qui sanctionne les conditions générales non négociées « si, contrairement aux exigences de bonne foi, elles désavantagent de manière inappropriée le contractant du stipulant. »
Projet Catala, art. 1122-2 : « Cependant, la clause qui crée dans le contrat un déséquilibre significatif au détriment de l’une des parties peut être révisée ou supprimée à la demande de celle-ci, dans les cas où la loi la protège par une disposition particulière, notamment en sa qualité de consommateur ou encore lorsqu’elle n’a pas été négociée. »
Projet Terré, art. 67 : « En outre, la clause non négociée qui crée dans le contrat un déséquilibre significatif au détriment de l’une des parties au contrat peut être révisée ou supprimée à sa demande. »
Inspirés en cela de PEDC, art. 4:110 (1).
En ce sens, v. Groupe de travail à la Cour de cassation, 15 juin 2007.
P. Stoffel-Munck, « Les clauses abusives : on attendait Grouchy » : Dr. et patr. 2014, n° 240, p. 56 et s.
R. Boffa, « Article 1108 : le contrat d’adhésion » : RDC 2015, p. 736.
CCI Paris, Réponse, rapport adopté le 7 mai 2015, p. 17.
« Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations » : RDC 2016, hors-série, p. 141.
L’admission de la révision pour imprévision par l’article 1195, si elle signe l’abandon du droit antérieur (Cass. civ., 3 mars 1876 : Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz, n° 165 ; v. toutefois Cass. com., 3 nov. 1992, n° 90-18547, Huard – Cass. com., 24 nov. 1998, n° 96-18357, Chevassus-Marche), n’infirme pas l’analyse : le déséquilibre survenu en cours d’exécution n’est sanctionné que s’il est imprévisible et nuit à la partie qui n’en a pas accepté le risque ; la sanction procède donc moins d’une commutativité objective que d’une commutativité subjective, en ce sens que le déséquilibre objectif n’est pris en compte que parce que la survenance de l’évènement a bouleversé les prévisions des parties.
R. Saleilles, De la déclaration de volonté, Contribution à l’étude de l’acte juridique dans le Code civil allemand, Pichon, 1901 ; F. Chénedé, « Raymond Saleilles, Le contrat d’adhésion » : RDC 2012, p. 1017 et s.
G. Berlioz, Le contrat d’adhésion, LGDJ, 1973.
T. Revet, « Le projet de réforme et les contrats structurellement déséquilibrés » : D. 2015, p. 1217 ; « Une philosophie générale ? », in « Réforme du droit des contrats : quelles innovations ? » : RDC 2016, hors-série, p. 5 et s.
F.-X. Testu, « Le juge et le contrat d’adhésion » : JCP G 1993, I, 3673.
A. Supiot, « La contribution du droit social au droit commun des contrats », in A. Wijffels (dir.), Le Code civil entre ius commune et droit privé européen, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 62.
T. Revet, « Le projet de réforme et les contrats structurellement déséquilibrés », préc., n° 18.
Adde l’interprétation souple de la notion de professionnel par la Cour de cassation et le Conseil d’État : toute personne agissant à des fins qui entrent dans le cadre de son activité professionnelle, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, publique ou privée, que l’activité soit exercée à titre principal ou accessoire, personnel ou au nom et pour le compte d’un autre professionnel. Comp. la définition adoptée par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »
Soit « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » : article préliminaire introduit par la loi Hamon, et dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
La jurisprudence a d’abord étendu le droit de la consommation aux personnes physiques qui contractent à des fins professionnelles mais sans qu’il existe de rapport direct entre le contrat et leur activité professionnelle, v. Cass. 1re civ., 28 avr. 1987, n° 85-13674 : Bull. civ. I, n° 134 – Cass. 1re civ., 25 mai 1992, n° 89-15860 : Bull. civ. I, n° 162. Elle a ensuite semblé l’abandonner, v. Cass. 1re civ., 24 janv. 1995, n° 92-18227 : Bull. civ. I, n° 54. Mais la solution a été récemment réaffirmée, en s’appuyant sur la notion de non-professionnel, v. Cass. 3e civ., 4 févr. 2016, n° 14-29347, PB (la décision est d’autant plus étrange que la qualification était inutile, puisqu’il s’agissait d’une clause plafonnant l’indemnisation et que la Cour juge qu’elle « contredisa[i]t la portée de l’obligation essentielle souscrite par le contrôleur technique en lui permettant de limiter les conséquences de sa responsabilité contractuelle quelles que soient les incidences de ses fautes », si bien qu’elle devait être réputée non écrite dans le droit fil de la jurisprudence Chronopost. Faut-il y voir une sorte d’application anticipée de la réforme civile en cours, au moyen d’un retour à une interprétation lâche du droit de la consommation ?). Cette jurisprudence est condamnée à brève échéance, car l’ordonnance n° 2016-131 du 14 mars 2016 maintient la sanction des clauses abusives préjudiciant au non-professionnel (art. L. 212-2), mais retient du non-professionnel une définition stricte, en ne visant plus dans l’article préliminaire du Code de la consommation que les personnes morales : « toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. »
Cette extension lui a été reprochée, au motif, d’une part, qu’elle permet à un professionnel de se soustraire à un engagement qu’il a pris imprudemment, ce dont il devrait être seul déclaré responsable, et, d’autre part, que la logique réaliste la sous-tendant devrait conduire, réciproquement, à écarter la protection à l’égard d’un consommateur qui contracte, certes, à des fins personnelles ou familiales, mais dans un domaine relevant de sa compétence (ex. : un passionné d’informatique achetant un ordinateur). V. not. C.-M. Péglion-Zika, La notion de clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, thèse Paris II, 2013, nos 35 et s.
Cass. 1re civ., 14 mai 1991, n° 89-20999, Lorthioir : D. 1991, jur., p. 449, note J. Ghestin, somm., p. 320, note J.-L. Aubert ; JCP G 1991, II, 21763, obs. G. Paisant ; Contrats, conc., consom. 1991, n° 63, note L. Leveneur ; RTD civ. 1991, p. 526, note J. Mestre ; Les grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., n° 159. V. déjà, implicitement, Cass. 1re civ., 6 déc. 1989, n° 89-20999 : Bull. civ. I, n° 379.
L. Aynès, « Le juge et le contrat : nouveaux rôles ? », in « Réforme du droit des contrats : quelles innovations ? », préc., p. 14 et s.
C. cass., avis précité sur le projet Catala.
M. Chagny, « Le nouveau droit de la concurrence : quel impact sur les relations contractuelles ? » : Contrats, conc., consom. 2008, alerte 70.
R. Amaro, « Le déséquilibre significatif en droit commun des contrats ou les incertitudes d’une double filiation » : Contrats, conc., consom. 2014, étude 8.
Cass. civ., 30 déc. 1941 : DA 1942, p. 98.
Sur la célèbre jurisprudence Chronopost et ses suites, v. Cass. com., 22 oct. 1996, n° 93-18632 : Bull. civ. IV, n° 261 – Cass. com., 29 juin 2010, n° 09-11841 : Bull. civ. IV, n° 115.
De l’erreur sur la substance matérielle de la chose à l’erreur sur les qualités substantielles, voire sur la rentabilité, v. Cass. com., 4 oct. 2011, n° 10-20956 – Cass. com.,10 déc. 2013, n° 12.23115.
Des manœuvres, au mensonge, puis au silence, v. Cass. 3e civ., 2 oct. 1974, n° 73-11901 – Cass. 3e civ., 17 janv. 2007, n° 06-10442 : Les grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., nos 150 et 151.
De la violence provoquée à la violence exploitée, Cass. 1re civ., 3 avr. 2002, n° 00-12932 – Cass. com., 16 oct. 2007, n° 05-19069 – Cass. com., 11 janv. 2005, n° 01-11414.
Directement, cette jurisprudence renforce seulement la qualité du consentement contractuel ; mais elle permet aussi le plus souvent, indirectement, de sanctionner un déséquilibre, le caractère déterminant du vice résultant concrètement la plupart du temps de l’existence d’une lésion ignorée de la victime ou imposée à la victime. Elle présente une parenté certaine avec l’article 1171, qui réserve la sanction au contrat d’adhésion, contrat qui par nature entame la qualité du consentement de l’adhérant (v. infra). En somme, quand la jurisprudence a étendu hier la sanction d’un consentement défectueux notamment en cas de lésion, l’ordonnance choisit ici de sanctionner désormais la lésion en cas de consentement probablement défectueux. Encore faut-il aussitôt souligner que les considérations subjectives font figure de véritables conditions de la nullité en cas de vices du consentement, et ce aussi bien du côté de la victime (caractère déterminant du vice) que du côté du contractant (caractère illégitime du dol et de la violence), quand elles se bornent, ici, à justifier rationnellement la disposition, mais ne conditionnent pas la sanction du déséquilibre significatif (v. infra, nos 22, 23 et 37).
V. C. civ., art. 1130 et s., pour les vices du consentement, et en particulier l’article 1137 pour le dol par réticence, et l’article 1143 pour la violence économique ; C. civ., art. 1170, qui reconduit la jurisprudence Chronopost, et 1169, qui sanctionne le caractère illusoire ou dérisoire de la contrepartie.
V. pourtant S. Bros : RDC 2015, p. 761. Adde : F. Chénedé, « Le contrat d’adhésion dans le projet de réforme » : D. 2015, p. 1226, critiquant la coexistence des articles 1169 et 1171 ; contra : L. Gratton, « Les clauses abusives en droit commun des contrats » : D. 2016, p. 22 ; T. Revet, « Le projet de réforme et les contrats structurellement déséquilibrés », préc.
Le dol suppose l’intention coupable, v. C. civ., art. 1137 nouv.
La violence économique doit être illégitime, C. civ., art. 1143 nouv.
C. civ., art. 1169 nouv.
Sur le phénomène général avant la réforme, v. C. Jamin et D. Mazeaud, L’unilatéralisme et le droit des obligations, Economica, 1999.
Cass. ass. plén., 1er déc. 1995, nos 91-15578, 91-15999, 91-19653 et 93-13688 : Les grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., nos 152 à 155.
Cass. 1re civ., 13 oct. 1998, n° 96-21485 : Bull. civ. I, n° 300 : Les grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., n° 181.
Sur cette innovation, v. T. Revet, « Le projet de réforme et les contrats structurellement déséquilibrés », préc.
Intégration subordonnée à leur connaissance et acceptation par l’autre partie, et écartée en cas de contrariété, soit entre les conditions générales respectives des parties, soit entre conditions générales et conditions particulières.
Sur les conditions subjectives posées pour conférer valeur contractuelle à des documents extérieurs à l’instrumentum signé par les parties, v. P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, Droit des obligations, LGDJ, 2009, n° 472 – Cass. 1re civ., 4 juill. 1967 : Bull. civ. I, n° 248 – Cass. 1re civ., 17 nov. 1998, n° 96-15126 : Bull. civ. I, n° 316 – Cass. 1re civ., 27 févr. 1996, n° 93-14685 : Bull. civ. I, n° 107 : Defrénois 1996, art. 36354, n° 53. Adde : Rapp. C. cass. 2012, Chap. 4, pour des illustrations en droit des assurances.
La Cour de cassation pratique parfois cette interprétation, mais sans la consacrer explicitement (v. ainsi Cass. 1re civ., 4 juin 1985, n° 83-17230 : Bull. civ. I, n° 175) ; elle a de surcroît toujours affirmé que les règles d’interprétation n’avaient qu’une valeur indicative en droit commun (Cass. 1re civ., 6 mars 1979, n° 77-14827 : Bull. civ. I, n° 81. Comp. C. consom., art. L. 133-2 – devenu art. L. 211-1 avec l’ordonnance n° 2016-301, du 14 mars 2016 –, et Cass. 1re civ., 21 janv. 2003, n° 00-13342.
Les trois règles ne sont pas pour autant de même nature : l’article 1119 détermine le champ contractuel, quand l’article 1171 contient une règle de validité et que l’article 1190 pose une règle d’interprétation. Raison pour laquelle l’ordonnance les a toutes trois consacrées dans des dispositions distinctes et placées en des lieux différents.
Cass. 1re civ., 25 janv. 1989, n° 87-13640 : Bull. civ. I, n° 43.
Cass. 1re civ., 14 mai 1991, n° 89-20999, Lorthioir, préc. V. déjà, implicitement, Cass. 1re civ., 6 déc. 1989, n° 89-20999, préc.
À la différence de l’avant-projet d’ordonnance, qui prévoyait la suppression de la clause. Le droit commercial parle, lui, de nullité de la clause. Sur le rapport entre nullité et non écrit, v. B. Moron-Puech, Contrat ou acte juridique ? Étude à partir de la relation médicale, thèse Paris II, 2016.
Encore que l’article L. 132-1, alinéa 8, précise que « le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses. » Contra : C. consom., art. L. 212-1, issu de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qui ne précise rien de tel.
Cons. const., 13 janv. 2011, n° 2010-85 QPC, Établissements Darty et Fils : D. 2011, p. 415, note Y. Picod.
R. Saint-Esteben, « L’introduction dans la loi LME d’une protection des professionnels à l’égard des clauses abusives : un faux ami du droit de la consommation » : RDC 2009, p. 1275.
Pour autant, il n’est pas nécessaire de faire la preuve d’une contrainte, v. Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-11387, GALEC.
Dans le droit de la jurisprudence antérieure, qui avait neutralisé, en fait sinon en droit, cette condition, en présumant un tel abus lorsqu’une clause du contrat d’adhésion conférait au professionnel un avantage excessif, v. Cass. 1re civ., 6 janv. 1994, n° 91-19424 : Bull. civ. I, n° 8 ; JCP G 1994, II, 22237, note G. Paisant. Contra : Cass. 1re civ., 12 mars 2002, n° 99-15711 : Bull. civ. I, n° 92 – Cass. 1re civ., 1er févr. 2005, n° 03-18795.
L’article L. 132-1 maintient cette solution dans son alinéa 4 : « Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies. »
L. Aynès, « Rapport de synthèse », n° 10, in Le consommateur, Journées colombiennes, Association Henri Capitant des Amis de la culture juridique française, t. LVII, Bruylant, Bruxelles, 2007.
Pour autant, l’appréciation du caractère abusif d’une clause ne dépend pas du caractère principal ou accessoire de l’obligation contractuelle concernée, v. Cass. 1re civ., 3 mai 2006, n° 04-16698 : Bull. civ. I, n° 213.
La limite que le droit de la consommation pose – la clause abusive ne sera validée que si elle est claire et compréhensible – confirme, s’il en était encore besoin, cette interprétation. L’article L. 212-1, alinéa 3, issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 14 mars 2016 reconduit la règle : « L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »
Sur cette jurisprudence, v. Cass. 1re civ., 28 avr. 1987, n° 85-13674, préc. – Cass. 1re civ., 25 mai 1992, n° 89-15860, préc. – Cass. 3e civ., 4 févr. 2016, n° 14-29347, préc. Contra : Cass. 1re civ., 24 janv. 1995, n° 92-18227, préc.
Justification explicite de la décision rendue le 28 avril 1987 (préc.).
R. Amaro, « Le déséquilibre significatif en droit commun des contrats ou les incertitudes d’une double filiation », préc. ; E. Gicquiaud, « Le contrat à l’épreuve du déséquilibre significatif » : RTD com. 2014, p. 267.
F. Chénedé, « Le contrat d’adhésion dans le projet de réforme », préc. ; R. Boffa, « Article 1108 : le contrat d’adhésion », préc., note 6. Adde : J. Rochfeld, in Les grandes notions du droit privé, PUF, 2013, p. 479, soulignant que la conséquence de la standardisation « tient en ce que la conclusion d’un contrat, par l’adhésion d’une des parties à la proposition de l’autre, minimise le rôle du consentement : celui qui adhère l’exprime de façon réduite par une adhésion à un type de contrat et concentre sa volonté sur l’intérêt typique poursuivi ; c’est ce dernier qui doit guider les interprétations et analyses judiciaires. » V. aussi G. Berlioz, Le contrat d’adhésion, op. cit., insistant, n° 59, sur les « vices inhérents à ce type d’engagement », à raison de clauses pas lisibles, ambiguës, contenant des lacunes et imprécisions, n° 118, « noyée[s] » dans une stipulation complexe, « rendue[s] inintelligible[s] ou illisible[s] », et passant « inaperçue[s] dans la rapidité des transactions », ce qui justifie qu’on en « contrôle la connaissance ». Adde : B. Goldman, « Préface », in G. Berlioz, Le contrat d’adhésion, op. cit., qui écarte le critère du défaut de liberté.
La différence de formulation n’est pas liée à un oubli mais tient à la notion large de « prestation » que retiennent désormais les textes civils.
Cass. 1re civ., 12 mars 2002, n° 99-15711, préc. – Cass. 1re civ., 1er févr. 2005, n° 03-18795.
V. d’ailleurs l’étude d’impact : il s’agit de « sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre », p. 74 à 76 ; R. Amaro, « Le déséquilibre significatif en droit commun des contrats ou les incertitudes d’une double filiation », préc., soulignant que la faiblesse est duale, et qu’elle peut entamer le caractère éclairé ou libre du consentement.
V. soulignant que le contrat d’adhésion ne procède pas d’une véritable « liberté contractuelle », mais d’une liberté « unilatérale », D. Mazeaud, « Regards français sur les dispositions relatives aux clauses abusives », in D. Mazeaud, R. Schulze et G. Wicker (dir.), L’amorce d’un droit européen du contrat, La proposition de directive relative aux droits des consommateurs, Société de législation comparée, vol. 10, 2010, p. 97 et s.
V. ainsi M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, 1 – Contrat et engagement unilatéral, PUF, 2012, p. 230 : « L’existence d’un contrat d’adhésion implique en effet le plus souvent qu’une des parties est dans une position de faiblesse et de dépendance par rapport à l’autre puisque cette dernière a le pouvoir de fixer seule le contenu du contrat et de l’imposer ; il y a dès lors un risque particulier de déséquilibre en faveur du rédacteur de l’acte. En outre, du fait précisément que l’une des parties n’a pas eu l’opportunité d’en discuter le contenu, on peut parfois s’interroger sur le point de savoir si elle en a véritablement connu et voulu toutes les clauses. »
M. Behar-Touchais, « Premières décisions de la Cour de cassation sur le déséquilibre significatif » : RDC 2015, p. 523 et s. ; M. Chagny, « La règle sur le déséquilibre significatif devant la Cour de cassation ! » : RTD com. 2015, p. 786 ; F. Buy, « Le “déséquilibre significatif” devant la Cour de cassation : enfin des précisions ? » : D. 2015, p. 1021.
« Sans pouvoir réel de négocier » (Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-11387, préc.) ; « sans pouvoir effectif de négocier », s’agissant « de véritables contrats d’adhésion ne donnant lieu à aucune négociation effective » (Cass. com., 3 mars 2015, n° 14-10907, Provera) ; sans « négociation véritable » (Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27525, Eurochan). Il ne s’agit pas de nier la différence technique séparant les textes : l’existence d’un contrat d’adhésion est la condition nécessaire, en droit, pour permettre la sanction d’un déséquilibre significatif par l’article 1171, quand l’existence d’un contrat d’adhésion n’est que l’une des circonstances permettant, en fait, de considérer qu’est remplie la condition requise, en droit, par l’article L. 442-6, I, 2° (à savoir l’abus de pouvoir d’un professionnel imposant un déséquilibre significatif à un partenaire commercial). Bref, le contrat d’adhésion n’est ici qu’un indice de l’abus de pouvoir, un élément de fait permettant de vérifier la condition, de droit, de l’abus de pouvoir (E. Gicquiaud, « Le contrat à l’épreuve du déséquilibre significatif », préc., n° 18).
Ou par l’attachement du droit français à la liberté contractuelle, essentielle s’agissant de la définition de l’objet principal, v. N. Sauphanor-Brouillaud, Rép. civ. Dalloz, V° « Clauses abusives », 2014, n° 45.
J. Julien, Droit de la consommation, LGDJ, 2015, n° 211.
Pour cette expression doctrinale, v. M. Chagny, « L’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce entre droit du marché et droit commun des obligations » : D. 2011, p. 392 ; R. Amaro, « Le déséquilibre significatif en droit commun des contrats ou les incertitudes d’une double filiation », préc.
Cette question pourrait s’avérer utile lorsqu’il s’agira d’interpréter le texte et d’articuler les textes.
J. Rochfeld, Les grandes notions du droit privé, PUF, 2013, p. 479.
Pour reprendre une expression imagée, v. P. Malaurie, L. Aynès, P. Stoffel-Munck, Droit des obligations, op. cit. : « autant discuter avec des phonographes »...
G. Berlioz, Le contrat d’adhésion, op. cit. ; R. Saleilles, De la déclaration de volonté, Contribution à l’étude de l’acte juridique dans le Code civil allemand, op. cit.
G. Berlioz, Le contrat d’adhésion, op. cit., n° 42 : l’essentiel est « l’absence de débat préalable, la détermination unilatérale du contenu contractuel. »
Production d’un mail par lequel une partie demande, sans succès, que des modifications soient apportées au contrat que l’autre propose.
La production d’un contrat identique signé par un autre cocontractant.
Celui de la personne qui a assisté à la conclusion du contrat.
La stipulation se bornera en somme à reproduire l’aveu émané de la partie victime du déséquilibre.
M. Chagny, « Les contrats d’affaires à l’épreuve des nouvelles règles sur l’abus de l’état de dépendance et le déséquilibre significatif » : AJ Contrats d’affaires – Concurrence – Distribution 2016, 115 ; C. Pérès, « Règles impératives et règles supplétives dans le nouveau droit des contrats » : JCP G 2016, n° 16, I, 454. Même approche en droit allemand, v. F. Kutscher-Puis, « Les enseignements allemands sur le déséquilibre significatif en droit des contrats commerciaux » : Contrats, conc., consom. 2015, étude 7.
V. déjà M. Mekki, « La réforme du droit des obligations : questions pratiques, Fiche pratique sur le contrat d’adhésion » : Gaz. Pal 22 mars 2016, n° 12, p. 16.
BGB, § 305 : « Les stipulations contractuelles prérédigées pour une multitude de contrats et proposées par une partie à son cocontractant lors de la conclusion du contrat ». La jurisprudence allemande utilise les critères de la forme et de la teneur, sans chercher les circonstances, F. Kutscher-Puis, « Les enseignements allemands sur le déséquilibre significatif en droit des contrats commerciaux », préc., nos 4 et s.
A. Seube, « Les conditions générales des contrats », in Mélanges A. Jauffret, Faculté de droit et de science politique d’Aix-Marseille, 1974, 622 ; F. Limbach, Le consentement contractuel à l’épreuve des conditions générales, De l’utilité du concept de déclaration de volonté, LGDJ, 2004.
Sur la critique de la formule antérieure, v. R. Boffa, « Article 1108 : le contrat d’adhésion », préc.
Peut-être à l’instigation de la doctrine, qui s’était montrée très critique à l’égard de la version initiale du texte, v. F. Chénedé, « Le contrat d’adhésion dans le projet de réforme », préc.
Ibid.
Comp. CCI Paris, Réponse, rapport adopté le 7 mai 2015, préc., p. 17.
G. Berlioz, Le contrat d’adhésion, op. cit., pour qui le contrat d’adhésion peut prendre de multiples formes, s’exprimer par des conditions générales (nos 50 et s.) ou par un contrat type (nos 52 et s.), ou par des termes normalisés (n° 56).
M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, 1 – Contrat et engagement unilatéral, op. cit., p. 232, qui relève ainsi que « les contrats-types étant rédigés à l’avance, leur contenu ne sera souvent pas négociable par l’autre partie : ils sont ainsi en général, mais pas nécessairement, des contrats d’adhésion. »
S’il intervient au nom d’une partie, la réponse est positive. Les choses sont plus complexes s’il est mandataire commun.
T. Genicon, « Notions nouvelles et notions abandonnées, Réflexion sur une révolution des mots » : RDC 2015, p. 625 et s.
Sur la méthode de caractérisation en droit de la consommation, v. X. Lagarde, « Qu’est-ce qu’une clause abusive ? Étude pratique » : JCP G 2006, n° 6, I, 110 ; N. Sauphanor-Brouillaud, Rép. civ. Dalloz, V° « Clauses abusives », 2014 ; sur l’article 1171, v. L. Gratton, « Les clauses abusives en droit commun des contrats », préc.
V. not. CJUE, 14 mars 2013, n° C-415/11, Aziz c/ Caixa d’Estalvis de Catalunya : D. 2014, p. 1297 ; RTD eur. 2013, p. 559.
C. Pérès-Dourdou, La règle supplétive, LGDJ, 2004, n° 458 : « Incarnation symbolique d’une normalité, constitutive d’une représentation idéale des rapports juridiques ».
L. Gratton, « Les clauses abusives en droit commun des contrats », préc.
F. Viney, Le bon père de famille et le plerumque fit. Contribution à l’étude de la distinction des standards normatifs et descriptifs, thèse Paris I, 2013.
L. Gratton, « Les clauses abusives en droit commun des contrats », préc.
En ce sens, v. T. Genicon : RDC 2012, p. 278, au sujet de l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce.
Sur ce schéma probatoire en droit des affaires, v. Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27525, préc. – Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-11387 – Cass. com., 29 sept. 2015, n° 13-25043.
V. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, préc. : « Les critères d’appréciation du déséquilibre aux critères sont déjà connus puisqu’ils sont inspirés de ceux fixés par le Code de la consommation. »
V. affirmant la nécessité d’une « appréciation globale et concrète », soulignant l’examen, « in concreto, des clauses litigieuses, en prenant en compte l’ensemble des droits et obligations des parties, tel qu’il ressort de l’ensemble du contrat, pris dans sa globalité », Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27525, préc. – Cass. com., 29 sept. 2015, n° 13-25043, préc. Adde, affirmant le rôle du contexte de conclusion : Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27525, préc.
Sauf à soutenir que le contrôle opéré par la Cour de cassation sur l’interprétation des contrats d’adhésion par les juges du fond préfigure peut-être un contrôle renforcé de la qualification d’abus. Sur cette limite à l’interprétation souveraine des contrats par les juges du fond, v. Les grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., n° 161.
La Cour de cassation a contrôlé la qualification en droit des affaires (Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27525, préc.), avant d’opter pour un contrôle de base légale (Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-11387, préc.).
R. Boffa, « Article 1108 : le contrat d’adhésion », préc.
P. Stoffel-Munck, « Les clauses abusives : on attendait Grouchy », préc.
Même différence avec le droit des affaires, où le juge peut s’appuyer sur les analyses de la Commission d’examen des pratiques commerciales (C. com., art. L. 440-1).
Sur cette limite à l’interprétation souveraine des contrats par les juges du fond, v. Les grands arrêts de la jurisprudence civile, op. cit., n° 161. On note toutefois que cette solution n’est pas reprise par l’ordonnance. V. C. civ., art. 1188 et s. nouv.
La différence de terminologie indiffère, car le sens des deux textes est le même. Pose en revanche problème, la réserve tenant au caractère clair et compréhensible de la clause, sur quoi, v. dans le texte, in fine.
CJUE, 23 avr. 2015, n° C-96/14, J.-Cl. Van Hove c/ CNP Assurances SA. La Cour juge en outre dans cette décision qu’une clause ne peut prétendre porter sur l’objet principal du contrat que si, « eu égard à la nature, à l’économie générale et aux stipulations de l’ensemble contractuel auquel elle appartient, ainsi qu’à son contexte juridique et factuel », « elle fixe un élément essentiel dudit ensemble qui, comme tel, caractérise celui-ci. ».
Ibid. Une clause « rédigée de manière claire et compréhensible » doit être « intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical », et « le contrat [doit] expose[r] de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée ainsi que la relation entre ce mécanisme et celui prescrit par d’autres clauses, de sorte que ce consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui ».
V. encore récemment, Cass. 1re civ., 10 sept. 2015, nos 14-13658 et 14-17772.
Cass. 1re civ., 3 mai 2006, n° 04-16698 : Bull. civ. I, n° 213.
CJCE, 27 juin 2000, n° C-240/98, Océano Grupo (pouvoir de statuer d’office) – CJCE, 26 oct. 2006, n° C-168/05, Mostaza Claro, pt 38 (devoir de statuer d’office) – CJCE, 4 juin 2009, n° C-243/08 Pannon GSM Zrt (le devoir existe dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ») – CJUE, 9 nov. 2010, n° C-137/08, VB Penzügyi Lizing Zrt (obligation d’ordonner d’office des mesures d’instruction en vue d’établir ces éléments de fait s’ils ne sont pas dans le débat).
La chambre commerciale est très bien disposée, en revanche, à l’égard du mécanisme original de sanction. V. ainsi Cass. com., 3 mars 2015, n° 14-10907, préc., 27 mai 2015, n° 14-11387, préc., et 29 sept. 2015, n° 13-25043, préc., jugeant que le ministre n’a pas à informer les fournisseurs victimes des clauses abusives (réserve d’interprétation posée par Cons. const., 13 mai 2011, n° 2010-85 QPC, consid. 9) s’il exerce l’action en cessation de l’illicite ou demande la condamnation à une amende civile, et admettant que l’action en cessation de l’illicite permet d’obtenir la suppression des clauses dans les contrats futurs ; adde : Cass. com., 29 sept 2015, n° 13-25043, préc., jugeant que l’action en cessation de la pratique est recevable même si le professionnel a d’ores et déjà supprimé la clause. Ce contraste entre la première chambre civile et la chambre commerciale trouve peut-être sa source dans la survivance de l’idée selon laquelle le droit de la consommation obéit à un ordre public de protection (alors que les évolutions récentes – loi Hamon, directive pratiques déloyales, etc. – donnent à penser que l’ordre public consumériste devient peu à peu de direction, en ce qu’il vise à assurer, via l’encadrement des rapports de consommation, une saine concurrence), et dans l’importance manifeste des considérations d’intérêt général en droit de la distribution, où la chasse au déséquilibre significatif s’inscrit clairement dans la protection du marché (v. ainsi Cass. com., 12 juill. 2011, n° 11-40029, refusant de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité au motif que l’ouverture de l’action à une autorité publique « pour la défense de l’intérêt général » ne rompt pas l’égalité des armes et aux droits de la défense dans le fait).
La première chambre civile a commencé par refuser au juge le pouvoir de statuer d’office sur le caractère abusif d’une clause. Ce sont les lois n° 2008-776 du 4 août 2008 et n° 2014-344 du 17 mars 2014 qui ont donné au juge le pouvoir, puis le devoir, de statuer d’office. Adde la prudence avec laquelle la Cour a accueilli l’action des associations de consommateurs, notamment en déclarant irrecevable pour défaut d’objet une demande en suppression d’une clause que le professionnel avait l’habileté de gommer de son contrat dès la justice saisie, alors même qu’il était possible de considérer qu’il restait encore à juger. Là encore, la loi Hamon a brisé cette jurisprudence.
Saisine par toute personne intéressée, par des associations de consommateurs, par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), par le ministère public, par le ministre de l’Économie et des finances, par le ministre du Commerce, par l’autorité chargée de la concurrence.
G. Chantepie, « Les clauses abusives et leur sanction en droit commun des contrats » : AJ Contrats d’affaires – Concurrence – Distribution », 2015, 121.
Le groupe de travail auprès de la Cour de cassation avait fait valoir qu’il était artificiel de prévoir un tel pouvoir alors que la sanction ne pouvait pas porter sur l’objet principal du contrat.
N. Dissaux, « Les clauses abusives : pour une extension du domaine de la lutte » : Dr. et patr. 2014, n° 240, p. 53.
L’indicatif est impératif.
Comp., en droit de la consommation, art. L. 132-1, qui prévoit que le maintien du contrat n’existe que « s’il peut subsister sans lesdites clauses. » Rien de tel, en revanche, dans l’article L. 212-1 issu de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Cass. 1re civ., 6 janv. 1994, n° 91-19424 : Bull. civ. I, n° 8.
La doctrine critique cette solution, v. C.-M. Péglion-Zika, La notion de clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, thèse précitée, n° 530. Mais la norme de conflit qui veut qu’une loi spéciale déroge à une loi générale ne semble pas applicable ici, les textes ayant un domaine commun d’application, mais aussi deux domaines propres.
C. Goldie-Genicon, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial, LGDJ, 2009 ; N. Balat, « Réforme du droit des contrats : et les conflits entre droit commun et droits spéciaux ? » : D. 2015, p. 699.
R. Boffa, « Juste cause (et injuste clause) » : D. 2015, p. 335.
Un cumul éventuel des trois dispositions impliquerait que l’on soit en présence d’un contrat d’adhésion, conclu par un professionnel sans rapport direct avec son activité, et auquel le cocontractant le soumet. L’hypothèse est d’école et disparaîtra avec l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l’article préliminaire du Code de la consommation définissant désormais le non-professionnel comme « toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. »
M. Behar-Touchais, « Le déséquilibre significatif dans le Code civil » : JCP G 2016, 391.
C. Goldie-Genicon, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial, op. cit., nos 383 et s. ; adde : N. Balat, Essai sur le droit commun, thèse Paris II, 2014, n° 804.
L. Gratton, « Les clauses abusives en droit commun des contrats », préc.
Partant, l’exigence de cohérence et de rationalité qui préside à la norme de conflit n’impose pas d’exclure la règle civile dans les relations d’affaires : le droit des affaires permettrait de sanctionner les déséquilibres auxquels un professionnel soumet son partenaire commercial, quoique le rapport contractuel n’emprunte pas la forme du contrat d’adhésion ; inversement, le droit civil permettrait seul de sanctionner les déséquilibres issus d’un contrat d’adhésion conclu entre deux professionnels, sans que l’un ait « soumis » l’autre à son bon vouloir.
C. Goldie-Genicon, Contribution à l’étude des rapports entre le droit commun et le droit spécial, op. cit., nos 400 et s.
Comp. ibid., nos 388 et s.
Ibid., nos 211 et s., 226 et s.
Sur les atermoiements de la politique de communication du gouvernement, v. M. Behar-Touchais, « Le déséquilibre significatif dans le Code civil », préc. L’étude d’impact sur le projet de loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures n’est pas plus éclairante : elle présente seulement la consécration de la clause abusive comme... une mesure de simplification des règles relatives aux conditions de formation du contrat (p. 76). La loi n° 2015-177 du 16 février 2015 ayant autorisé le gouvernement à recourir à l’ordonnance reprend seulement cette formule de consécration de la notion de clause abusive (art. 8). Et le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations n’éclaire pas davantage (p. 131 et s.). On lit d’abord que l’un des objectifs de la réforme est de « préserver les intérêts de la partie la plus faible » (p. 133). La disposition est ensuite présentée comme « permet[tant] de renforcer la cohérence de l’ensemble du dispositif en matière de droit des contrats » (p. 141). La phrase suivante souligne : « En effet, entre professionnels et consommateurs, le Code de la consommation répute non écrites les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; dans les contrats conclus entre professionnels, le Code de commerce comporte depuis 2008 un dispositif visant à sanctionner, sur le terrain de la responsabilité, les clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. » On attend donc que suive l’affirmation d’une distinction des textes selon un critère personnel. Mais la phrase suivante est ainsi rédigée : « Afin de répondre aux inquiétudes des représentants du monde économique, craignant une atteinte à la sécurité des transactions entre partenaires commerciaux et à l’attractivité du droit français, le champ des clauses abusives est néanmoins circonscrit dans le présent texte aux contrats d’adhésion (…). » Si la limite a été introduite pour eux, c’est donc qu’ils sont, dans cette limite, soumis au texte.
On peut imaginer, ainsi, que la qualification de clause abusive soit écartée dans tel contrat conclu par tel professionnel justifiant la clause par des raisons techniques pertinentes, et qu’une telle justification ne soit pas invocable par un autre professionnel, mais que le consommateur craigne l’autorité morale du précédent et préfère se fonder sur le droit civil.
Communiqué Comm. cl. abusives, 22 mai 2015. Pour cette explication politique, v. L. Bloch, « La Commission des clauses abusives et la réforme du droit des contrats » : Resp. civ. et assur. 2015, focus, alerte 21.
M. Behar-Touchais, « Le déséquilibre significatif dans le Code civil », préc. Comp. M. Behar-Touchais, « Un déséquilibre significatif à deux vitesses » : JCP G 2015, n° 21, I, 603, où elle suggérait de saisir l’occasion de la réforme civile pour limiter le texte commercial au domaine de la distribution, et, en dehors de « l’abus de la puissance d’achat » et « de l’abus des « superpuissants » », de revenir au droit civil.
Adde la proposition de règlement relatif à un droit commun européen de la vente.
Y. Picod, D. Mazeaud et E. Lauroba (dir.), Les clauses abusives, Approches croisées franco-espagnoles, Société de législation comparée, 2013.
C’est la position du droit espagnol, v. Y. Picod, D. Mazeaud et E. Lauroba (dir.), Les clauses abusives, Approches croisées franco-espagnoles, op. cit.
Cass. com., 2 déc. 2014, n° 13-11059, Radio Nova : D. 2014, p. 2518 ; adde, implicitement : Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27525, préc.
Pour s’en convaincre, il n’est que de comparer le temps qu’il a fallu en droit de la consommation pour dégager les diverses hypothèses de déséquilibre significatif avec la rapidité avec laquelle les critères du défaut de réciprocité de prérogatives ou de commutativité du contenu sont apparus en droit des affaires. V. la référence par Cass. com., 3 mars 2015, n° 13-27525, au fait que la clause prévoit une sanction automatique, source de disproportion entre le manquement et la sanction, « et qu’elle est dépourvue de réciprocité et de contrepartie. »
Même approche en droit allemand, v. F. Kutscher-Puis, « Les enseignements allemands sur le déséquilibre significatif en droit des contrats commerciaux », préc.
R. Boffa, « Article 1108 : le contrat d’adhésion », préc.
M. Chagny, « L’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce entre droit du marché et droit commun des obligations », préc.
Outre l’éradication de la clause stipulée dans un contrat, les droits spéciaux prévoient, le cas échéant : la suppression d’une clause abusive de tous les contrats où elle a été stipulée, l’interdiction de la stipuler à l’avenir, le prononcé d’une amende civile ou d’une sanction pénale, la recommandation d’éradication, la responsabilité civile du rédacteur du contrat, la publication ou l’affichage de la décision judiciaire.
Selon les cas, saisine par la victime, par une association de consommateurs, par la DGCCRF, par le juge d’office, par toute personne intéressée, par le ministère public, par les ministres de l’Économie et des finances, ou du Commerce, par l’autorité chargée de la concurrence
Outre le juge, le droit fait sa place aux autorités administratives, via la DGCCRF, la Commission des clauses abusives, la Commission d’examen des pratiques commerciales. Pour la critique vigoureuse du pouvoir conféré par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 à la DGCCRF (C. com., art. L. 465-1 et L. 465-2), v. A. Parléani, « Le devenir du déséquilibre significatif » : AJ Contrats d’affaires – Concurrence – Distribution », 2014, 104 : une « action administrative à la fois intrusive et inefficiente ».
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Plan
- 1Le juge, auteur et acteur de la réforme
du droit des contrats
- 1.1Le juge, auteur et acteur de la réforme du droit des contrats – Propos introductifs
- 1.2La place du juge en droit des contrats
- 1.3Le juge et les clauses abusives
- 1.3.1I – Le juge, inspirateur de l’innovation
- 1.3.2II – Le juge, acteur de la sanction
- 1.3.3III – Le juge, responsable de l’articulation des textes
- 1.4Le juge et la révision du contrat
- 1.4.1I – La révision judiciaire directe du contrat
- 1.4.1.1A – Les conditions de la révision judiciaire du contrat pour imprévision
- 1.4.1.2B – Les modalités de la révision judiciaire du contrat pour imprévision
- 1.4.2II – Les révisions judiciaires indirectes du contrat
- 1.4.1I – La révision judiciaire directe du contrat
- 1.5Le juge et la révision du contrat
- 1.6Les principes, les directives et les clauses relatives à l’interprétation
- 1.7Les principes, les directives et les clauses relatives à l’interprétation
- 1.8Le juge et les standards juridiques
- 1.9Le juge et les standards juridiques
- 1.10Le juge et les remèdes à l’inexécution du contrat
- 1.11Le juge et les remèdes à l’inexécution du contrat
- 1.12Le juge et les restitutions
- 1.13Rapport de synthèse