De la prédation sur un marché biface ou comment la gratuité n'est pas de la prédation...
Voici une décision qui illustre les difficultés de l’analyse d’une stratégie d’éviction dans le secteur de l’Internet. Comment apprécier la prédation sur un marché biface dont une face est gratuite et l’autre payante ?
CA, 25 nov. 2015, n° 12/02931
Aut. conc., avis n° 14-A-18, 16 déc. 2014, http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/14a18.pdf
1. On sait qu’en droit de la concurrence, le fait pour une entreprise en position dominante d’adopter des prix prédateurs sera considéré comme un abus.
La question s’est posée dans l’affaire Google Maps c/ Bottin Cartographes (devenue Evermaps). Mais cette affaire ne semble pas isolée, ni en Europe, ni aux États-Unis1.
Il faut rappeler que Google offre des fonctionnalités gratuites aux internautes (telles que la barre d’outils Google visant à faciliter les recherches) et d’autres logiciels s’appuyant sur la technologie web (Gmail, Google Earth, Google Maps, une suite Office, etc.) et a commencé, plus récemment, à offrir du contenu, notamment grâce au rachat de YouTube. Google peut financer tout cela grâce notamment à la publicité en ligne, dont il tire la quasi-totalité de ses recettes.
L’internaute qui navigue sur Google Maps, par exemple, le fait gratuitement.
2. Or, cette gratuité n’est-elle pas parfois de la prédation, et donc un abus de position dominante2 ?
C’est ce qu’a tenté de démontrer la société Bottin Cartographes qui[...]
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Sur cette question, v. M. Behar-Touchais, « Gratuité et abus de domination », in L’efficacité du droit face à la puissance des géants de l’Internet, vol. 2, à paraître, IRJS Éditions, 2016.
T. com. Paris, 31 janv. 2012, n° 2009-06-1231.
CJCE, 3 juill. 1991, n° C-62/86, ECLI:EU:C:1991:286.
Aut. conc., avis n° 14-A-18, 16 déc. 2014 : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/14a18.pdf.
Ibid.
V. CJUE, 11 sept. 2014, n° C‑67/13, CB c/ Commission : Concurrences, 4-2014, p. 110-118, note M. Behar-Touchais. D’ailleurs, selon la définition de Rochet & Tirole, le marché est biface si le volume des transactions réalisées (et le profit de la plateforme organisatrice) dépend de la structure de la tarification des deux faces du marché et non de la seule somme des charges acquittées par le porteur et le commerçant.
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