Nature juridique de l'action en rupture des relations commerciales établies : contractuelle, délictuelle, les deux (rayez la mention inutile)
Par l’arrêt commenté, la Cour de justice tranche la question complexe et controversée de la nature juridique – contractuelle ou délictuelle – de l’action en rupture des relations commerciales établies pour les besoins de la compétence juridictionnelle internationale. En précisant que l’action est contractuelle s’il existe entre les parties une « relation contractuelle tacite », et délictuelle dans le cas contraire, il n’est toutefois pas certain que la Cour de justice contribue grandement à clarifier la question posée.
CJUE, 14 juill. 2016, n° C-196/15
« Si vous avez compris l’arrêt Granarolo, c’est qu’on vous l’a mal expliqué. » Cette boutade1, habituellement réservée à la cause, pourrait bien résumer la décision ici commentée, dans laquelle la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) repousse encore un peu plus les limites de l’inintelligibilité, domaine dans lequel elle excelle pourtant avec une grande constance.
Les questions étaient pourtant a priori relativement simples et, surtout, déjà assez balisées2. Il s’agissait, dans un premier temps, de déterminer si l’action en rupture des relations commerciales établies relevait de la matière contractuelle ou délictuelle au sens du règlement Bruxelles I, et donc de l’article 5, paragraphe 1, ou de l’article 5, paragraphe 33.
Subsidiairement, à supposer que l’action soit contractuelle, la Cour de cassation[...]
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Qu’on attribue à Rouast, v. not. D. Mazeaud, « La cause, une notion dans le vent », D. 2013, Chron., p. 686.
V. not. déjà M.-E. Ancel, « L’article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce en droit international privé » : RJ com. 2009, p. 200 ; A. Malan, « Le champ d’application dans l’espace des dispositions de la LME en matière de pratiques restrictives de concurrence » : Contrats, conc., consom. 2010, étude 4 ; M. Behar-Touchais, « L’article 6 du règlement Rome II et les pratiques restrictives de concurrence internationales » : RLC 2010/22, p. 31, et les nombreux commentaires cités infra.
Devenus articles 7, paragraphe 1, et 7, paragraphe 2, dans le règlement n° 1215/2012/UE du 12 décembre 2012.
V. en ce sens, S. Bollée, « La responsabilité extracontractuelle du cocontractant en droit international privé », in Mélanges Bernard Audit, LGDJ-Lextenso, 2014, p. 119 et s., spéc. p. 133.
Cass. com., 18 janv. 2011, n° 10-11885 : RDC 2011, p. 941, note E. Treppoz ; D. 2011, p. 366, obs. X. Delpech, p. 2961, obs. Y. Serra ; RTD civ. 2011, p. 406, obs. B. Bouloc ; RTD eur. 2012, p. 510, obs. G. Helleringer – Cass. com., 15 sept. 2009, n° 07-10493 : Contrats, conc., consom. 2010, comm. 179, obs. N. Mathey.
Pt 13, et v. aussi récemment, par ex., CJUE, 13 mars 2014, n° C-548/12, Brogsitter : Rev. crit. DIP 2014, p. 863, note B. Haftel ; D. 2014, p. 1059, obs. F. Jault-Seseke, et p. 1967, obs. L. d’Avout ; RTD com. 2014, p. 446, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast.
Sur ce point, v. II, infra.
CJCE, 27 sept. 1988, n° 189/87, Athanasios Kalfelis.
CJCE, 17 juin 1992, n° 26/91, Jakob Handte.
CJUE, 13 mars 2014, n° C-548/12, préc.
B. Haftel, note précitée sous CJUE, 13 mars 2014, n° C-548/12.
V. B. Ancel et H. Muir Watt, « Annotations sur la consultation 53 de Du Moulin traduite en français », in Le monde du droit, Mélanges Jacques Foyer, Economica, 2008, p. 1 et s.
On réservera simplement l’hypothèse, parfois admise par les juges du fond (et une fois par la Cour de cassation, v. Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-11916 : Contrats, conc., consom. 2009, comm. 191, obs. N. Mathey ; RLC 2009/20, p. 40, obs. M. Behar-Touchais ; RDLC 2009, n° 3, p. 100, obs. M.-C. Mitchell) dans laquelle les relations commerciales reposeraient sur un seul contrat, voire aucun (hypothèse de rupture d’une relation commerciale précontractuelle), qui témoigne d’un dévoiement complet de cet article.
V. T. Azzi, « Bruxelles I, Rome I, Rome II : regard sur la qualification en droit international privé communautaire » : D. 2009, p. 1621, B. Haftel, « Entre “Rome II” et “Bruxelles I” : l’interprétation communautaire uniforme du règlement “Rome I” » : JDI 2010, p. 762.
Cass. com., 25 mars 2014, n° 12-29534 : Rev. crit. DIP 2014, p. 823, note O. Boskovic ; D. 2014, p. 1250, note F. Jault-Seseke, p. 1967, obs. L. d’Avout et S. Bollée, p. 2488, obs. Y. Serra (équipe d’accueil du Centre de droit économique et du développement) ; RTD civ. 2014, p. 656, obs. H. Barbier, p. 848, obs. L. Usunier.
CJUE, 19 déc. 2013, n° C-9/12, Corman-Collins : RDC 2014, p. 246, note M. Laazouzi ; Rev. crit. DIP 2014, p. 660, note D. Bureau ; RTD civ. 2014, p. 848, obs. L. Usunier ; D. 2014, p. 1059, obs. F. Jault-Seseke, p. 1967, obs. L. d’Avout ; RTD com. 2014, p. 443, obs. A. Marmisse-d’Abbadie, et p. 457, obs. P. Delebecque.
Pt 38, reprenant la jurisprudence Corman-Collins précitée.
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