Des effets de la résolution d'une vente immobilière
Ayant relevé que l’acte de vente stipulait que le prix serait payé au fur et à mesure de l’avancement des travaux et précisait les garanties de paiement, la cour d’appel a pu considérer qu’il ne pouvait être déduit de la délivrance des lots antérieurement au paiement intégral du prix d’achat et de la non-inscription du privilège du vendeur une renonciation non équivoque de la venderesse à exercer l’action résolutoire en cas de non-paiement du prix.
Le prononcé de la résolution d’une vente aux torts exclusifs de l’acheteur ne suffit pas à caractériser sa connaissance du vice, et donc à écarter sa bonne foi.
Le vendeur n’est pas fondé, en raison de l’effet rétroactif de la résolution de la vente, à obtenir une indemnité liée à l’utilisation de la chose vendue ou à l’usure résultant de cette utilisation.
Cass. 3e civ., 13 juill. 2016, n° 14-26958
La résolution et ses conséquences n’ont pas fini de livrer tous leurs mystères. En atteste, encore une fois, l’arrêt rendu par la troisième chambre civile le 13 juillet 2016. En l’espèce, plusieurs lots de copropriété avaient été vendus en l’état futur d’achèvement à une acheteuse qui, après en avoir pris possession, avait décidé d’occuper un appartement et d’en louer d’autres. Celle-ci n’ayant pas payé la totalité du prix fut assignée par le vendeur en résolution de la vente et en paiement de dommages et intérêts. La cour d’appel[...]
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Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Draft Common Frame of Reference, art. III. – 3 : 501 et s.
V. not. T. Genicon, La résolution du contrat pour inexécution, LGDJ, 2007.
« Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé ».
J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Les obligations, t. 3, Le rapport d’obligation, Sirey, 9e éd., 2015, n° 269.
Art. 1229, al. 2 : « La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice ».
Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JO n° 0035, 11 févr. 2016.
V. cependant, remettant en cause l’idée que la rétroactivité soit une fiction, T. Genicon, « Résolution et résiliation dans le projet d’ordonnance portant réforme du droit des contrats », JCP G 2015, 960 : « il faut commencer par renoncer à assimiler la rétroactivité de la résolution à une fiction d’inexistence du contrat qui n’a aucun sens. En effet, même s’il est tout aussi absurde de nier la rétroactivité elle-même car elle est techniquement indispensable, il ne faut y voir qu’un effet possible de la résolution et non son effet nécessaire, encore moins son essence. La rétroactivité, en effet, n’est qu’un instrument mis au service d’un objectif précis et variable : corriger le déséquilibre contractuel causé par l’inexécution, mais dans la mesure seulement de l’inexécution ».
« L’ordonnance abandonne donc la fiction juridique de la rétroactivité traditionnellement attachée à la résolution par la doctrine et la jurisprudence, dans la mesure où la rétroactivité a en principe pour effet d’engendrer des restitutions. Celles-ci sont en effet traitées au troisième alinéa, et n’ont lieu que lorsque les prestations échangées n’avaient d’utilité qu’en cas d’exécution complète du contrat résolu, la distinction contrat instantané/contrat à exécution successive ne paraissant pas toujours adaptée pour déterminer dans quelle mesure les restitutions doivent avoir lieu. Lorsque les prestations auront trouvé une utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, la résolution n’aura donc pas d’effet rétroactif » ; Adde : S. Bobineau, « La réforme du droit des contrats », RLDA 1er mai 2016, n° 115.
J.-B. Seube, « Le juge et les restitutions », RDC 2016, n° 113f1, p. 411.
Une telle position peut toutefois être discutée. Par exemple, le DCFR, qui exclut tout effet rétroactif à la résolution, retient néanmoins cette solution, V. DCFR art. III-3. 509, et le commentaire : « The outstanding obligations of both parties under the contract “come to an end”. This means that they have existed but are now extinguished for the future, subject to the exceptions already noted. Termination does not have retrospective effect ».
« Pour une réforme du régime général de l’obligation », Dalloz, Thèmes et commentaires, 2013, p. 115.
H. Barbier, « Les grands mouvements du droit commun des contrats après l’ordonnance du 10 février 2016 », RTD civ. 2016, p. 247.
À ce titre les hésitations de certains (M. Latina, « La rétroactivité de la résolution entraîne l’anéantissement des droits réels constitués sur la chose », LEDC février 2016, n° 2, p. 5) craignant que la nouvelle formulation de l’article 1229 ne remette en cause l’anéantissement des droits réels accessoires constitués sur la chose avant la résolution devraient être dissipées.
Cass. 1re civ., 19 févr. 2014, n° 12-15520 : RDC 2014, n° 110w7, p. 374, note O. Deshayes ; p. 358, note E. Savaux et p. 641, « Après avoir prononcé la résolution de la vente, c’est à bon droit que la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche inopérante, a retenu que le vendeur était tenu de restituer le prix qu’il avait reçu, sans diminution liée à l’utilisation de la chose vendue ou à l’usure en résultant, justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef ». Adde : en ce qui concerne l’annulation de la vente, Cass. ch. mixte, 9 juill. 2004, n° 02-16302 : « le vendeur n’est pas fondé, en raison de l’effet rétroactif de l’annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l’immeuble ».
Sur lequel v. not., J.-B. Seube, « Le juge et les restitutions », RDC 2016, n° 113f1, p. 411 ; C. Hervas Hermida, « Le régime des restitutions dans la réforme du droit des obligations », JCP N 2016, p. 50. Adde : sur le projet d’ordonnance J. Klein, « Les restitutions », JCP G 2015, n° spécial, p. 74.
Selon l’expression de J. Klein, préc., p. 76.
D’ailleurs, au titre des dispositions transitoires, l’article 9, alinéa 3 de l’ordonnance retient que « Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation ».
J.-B. Seube, préc., p. 413.
R. Libchaber, obs. sous Cass. ch. mixte, 9 juill. 2004, n° 02-16302 : Defrénois 2004, n° 20, p. 1402. Adde : R. Wintgen, « L’indemnité de jouissance en cas d’anéantissement rétroactif d’un contrat translatif », Defrénois 2004, n° 13, p. 697 : « D’un point de vue économique, les fruits et la jouissance personnelle représentent donc une même valeur, celle de la jouissance » ; F. Rouvière, « L’évaluation des restitutions après annulation ou résolution de la vente », RTD civ. 2009, p. 617, spéc. n° 9 : « Au fond, il n’y a guère de différence entre louer un immeuble ou l’habiter soi-même afin d’économiser un loyer. Comment en ce cas prétendre que la différence entre les fruits et l’indemnité de jouissance n’est pas purement verbale ? De deux choses l’une : ou bien en raison de l’effet rétroactif, toutes les indemnités sont exclues de l’assiette ou bien les indemnités sont intégrées dans l’assiette des restitutions afin de parfaire le retour au statu quo ante ».
C. civ., art. 549 : « Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ; si lesdits produits ne se retrouvent pas en nature, leur valeur est estimée à la date du remboursement ».
Comp. C. Aubry et C. Rau, Cours de droit civil français, 4e éd., t. 2, § 206, p. 268, « Mais ce serait à tort que l’on ferait intervenir (les articles 549 et 550), pour le règlement des droits des parties, au cas où un acte translatif de propriété viendrait à être résolu, soit par l’effet d’une condition résolutoire expresse soit par l’application des articles 954, 1184 et 1654 ». Et les auteurs de poursuivre en note « en effet, la résolution d’un acte translatif de propriété opère bien en général avec effet rétroactif, en ce sens que l’acquéreur est à considérer, quant aux droits réels qu’il aurait concédés sur la chose, comme n’en ayant jamais été propriétaire ; mais elle ne peut faire disparaître rétroactivement le droit d’administration et de jouissance qui lui appartenait en vertu de son titre. En pareille circonstance, il ne saurait être question de restitution de fruits, mais seulement, le cas échéant, de dommages-intérêts ».
V. par ex. Cass. 3e civ., 22 juill. 1992, n° 90-18667 : « la remise des choses dans le même état qu’avant la vente étant une conséquence légale de la résolution, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant exactement que les fermages encaissés par l’acquéreur devaient être restitués au vendeur » ; Cass. 3e civ., 29 juin 2005, n° 04-12987 : « la restitution des fruits effectivement perçus ne constituait que la conséquence légale de l’anéantissement du contrat de vente ».
F. Rouvière, préc.
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