L'indemnité d'occupation et le principe de réparation intégrale
En vertu du principe de réparation intégrale, l’indemnité d’occupation due pendant la remise en état d’un site pollué, après la fin d’un contrat de bail, doit être fixée par référence au loyer prévu entre les parties.
Cass. 3e civ., 23 juin 2016, n° 15-11440
L’indemnité d’occupation désigne la somme que le propriétaire d’un immeuble peut réclamer à un occupant sans droit ni titre. S’agit-il d’une simple variété de dommages-intérêts ou faut-il l’analyser en un substitut de loyer que le propriétaire est en droit de demander à l’occupant ? Un arrêt rendu le 23 juin 2016 par la troisième chambre civile tranche cette question au profit de la première interprétation, en rappelant que l’indemnité d’occupation doit être calculée conformément au principe de réparation intégrale. Néanmoins, le juge saisi d’une action en responsabilité extracontractuelle ne peut pas ignorer le contenu d’un contrat, même après sa résiliation, et doit en tenir compte pour fixer le montant de l’indemnité due à l’un des anciens contractants.
En l’espèce, des époux avaient donné à bail une ancienne carrière en vue de l’exploitation d’une décharge par enfouissement de déchets industriels. Au terme d’une exploitation de plus de 20 ans, le locataire donne congé aux bailleurs à effet du 31 décembre 2004 en raison de l’arrêt de l’exploitation de la décharge, signalé à la préfecture[...]
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TGI Amiens, 5 mars 2013.
Cass. com., 26 mai 1961 : Bull. civ. III, n° 233. La formule a été depuis lors reprise par plusieurs décisions de la troisième chambre civile et des juridictions du fond. V. M.-L. Sainturat, J.-Cl. Bail à loyer, Fasc. 1370, n° 38, avec les réf.
Curieusement, le vaste champ d’application de cette notion n’a pas incité la doctrine à réaliser des études transversales. À notre connaissance, aucune thèse ni aucun article de fond ne semblent y avoir été consacrés.
V. not. F. Terré et P. Simler, Les biens, Dalloz, 9e éd. 2014, n° 587, et F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Les successions, Les libéralités, Dalloz, 4e éd. 2013, n° 845.
Avant l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000, cette indemnité était régie par l’article 20 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 ; sur ce texte, v. not. B. Peyrat, « Portée de l’article 20 du décret du 30 septembre 1953 », in Rapp. C. cass., 1997, p. 121.
Pour plus de détails, v. M.-P. Dumont-Lefrand, in Droit et pratique des baux commerciaux, Dalloz Action, 4e éd., 2015, nos 420.370 à 420.440.
Il s’agit essentiellement de l’exercice du droit d’option, c’est-à-dire de la faculté pour le bailleur de refuser le renouvellement ou pour le locataire d’y renoncer alors qu’il avait été accepté initialement de part et d’autre (C. com., art. L. 145-57, al. 2), ou du droit de repentir, c’est-à-dire de la faculté pour le bailleur de rétracter son refus de renouvellement pour éviter d’avoir à payer l’indemnité d’éviction (C. com., art. L. 145-58). Pendant longtemps, la nature juridique de l’indemnité due dans ces deux cas de figure a été controversée. V. J.-D. Barbier, J.-Cl. Bail à loyer, Fasc. 1345, nos 32 à 34 et nos 96 à 98, avec des réf.
Pour une présentation très claire des deux régimes, v. M.-L. Sainturat, J.-Cl. Bail à loyer, Fasc. 1370, nos 2 à 47. V. égal. J.-D. Barbier, « Les indemnités d’occupation de locaux commerciaux » : Gaz. Pal. 16 déc. 2006, n° G2319, p. 11, l’auteur voyant cependant dans l’extension du régime statutaire aux cas, évoqués dans la précédente note, l’« apparition d’une troisième sorte d’indemnité d’occupation ».
V. infra, sous III, in fine.
P. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Les contrats spéciaux, LGDJ, 7e éd., 2014, n° 666. V. aussi C. Dormeval, « Prescription applicable à l’indemnité due par l’occupant de locaux d’habitation » : LPA 31 mai 1999, p. 4, et E. Chavance, « Les arrêts marquants en baux commerciaux des trois dernières années » : Dr. & patr. mensuel, n° 251, p. 40 et s., spéc. p. 44. À propos du bail d’habitation ou à usage mixte, v. par ex. J. Lafond, J.-Cl. Notarial Formulaire, V° « Bail d’habitation et à usage mixte », Fasc. 140, 2004, n° 22. Sur l’origine de cette formule, v. supra, note 3.
Il en est ainsi notamment du droit allemand, qui prévoit dans les cas de figure qui nous intéressent, un droit à la compensation de la jouissance perdue (Nutzungsentschädigung) et un droit, distinct, à la réparation de tout autre préjudice (Schadensersatz). V. BGB, § 546 a, et son commentaire de H.-J. Bieber, in Münchener Kommentar zum BGB, t. 3, Schuldrecht. Besonderer Teil, C.H. Beck, Munich, 6e éd., 2012, sous § 546 a, n° 1.
V. not. G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, LGDJ, 4e éd., 2013, n° 251-2, et plus spécifiquement, à propos de la perte de loyers, Cass. 3e civ., 7 mai 2008, nos 07-11390 à 07-11394 : RDC 2008, p. 1181, obs. O. Deshayes.
« Vu l’article 1382 du Code civil (…) et le principe de la réparation intégrale du préjudice. »
V. not. P. Brun, Responsabilité civile extracontractuelle, LexisNexis, 3e éd., 2014, nos 592 à 597.
Ce manque à gagner était, en l’occurrence, très limité. Selon l’expert foncier mandaté par l’ancien occupant, « le seul usage potentiel envisageable de ces terrains serait un usage agricole sous forme de prairie permanente » pendant une durée de 30 années après la fin de l’exploitation de la décharge, v. CA Amiens, 27 nov. 2014, n° 13/01776, préc.
L’indemnité d’occupation statutaire est analysée comme une « redevance légale » plutôt que comme une indemnité proprement dite. Sur cet aspect, v. l’étude classique de F. Givord, Le nouveau régime des baux commerciaux : commentaire du décret du 30 septembre 1953, Librairies techniques, 1953.
L’une des particularités du régime des baux commerciaux est qu’à défaut d’accord entre les parties, la valeur locative du bien tiendra lieu de loyer du bail renouvelé (C. com., art. L. 145-33). En vertu de l’article L. 145-28 du Code de commerce, l’indemnité d’occupation statutaire obéit à cette même logique (« l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7 [dont fait partie l’article L. 145-33], compte tenu de tous éléments d’appréciation »). Pour une explication de l’importance de la valeur locative en droit des baux commerciaux, v. F. Robine, « La valeur locative et les loyers commerciaux » : AJDI 1996, p. 29 et s., spéc. p. 30, et P. Colomer, in Droit et pratique des baux commerciaux, op. cit., n° 530.20.
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