Le développement de l'obligation d'information dans l'assurance maritime
La réforme du droit des contrats vient d’étendre l’obligation d’information à l’ensemble des contrats. En droit français cette notion s’est notamment développée par le biais de l’assurance maritime, en vue de réduire le déséquilibre que l’aléa faisait peser sur ce contrat. Entre le XVIIe siècle et le XXe siècle, la volonté de faire régner la bonne foi pour atténuer ce déséquilibre a conduit à l’élaboration de règles dérogatoires au droit des contrats qui ont conduit à l’émergence de l’obligation d’information.
« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. » Par le nouvel article 1112-1 du Code civil, la réforme du droit des contrats1 introduit pour la première fois dans la législation française une obligation générale d’information, consacrant ainsi une évolution jurisprudentielle relativement récente.
Si la notion d’obligation d’information était connue des Romains2, elle ne s’est introduite dans le droit français que tardivement, par le biais de l’assurance maritime. En effet, le Code de commerce de 1807 pose pour la première fois dans la législation française les jalons d’une telle obligation en la matière. Comment expliquer l’émergence de cette obligation dans ce[...]
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Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, entrée en vigueur le 1er oct. 2016.
Cicéron, De officiis, Liv. III, n° 12 ; v. P. Guyot, « Dol et réticence », in Études de droit civil à la mémoire de Henri Capitant, Dalloz, 1939, p. 287-299.
« Guidon de la mer », in J.-M. Pardessus, Collection de lois maritimes antérieures au XVIIIe siècle, t. II, Paris, 1837, p. 383.
Archives départementales de Seine-Maritime, 201 BP 38, 6 mars 1675.
En particulier N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse Paris, 1924 ; P. Guyot, « Dol et réticence », préc. ; M. de Juglart, « L’obligation de renseignements dans les contrats » : RTD civ. 1945, p. 1-22.
M. Fabre-Magnan, De l’obligation d’information dans les contrats, essai d’une théorie, LGDJ, 1992, p. 1.
A. Rodet-Profit, Le contrat d’assurance maritime à Rouen dans l’Ancien droit, thèse dactyl., Paris II, 2015.
La généralisation de l’obligation d’information s’accompagne de ce même objectif dans l’ordonnance du 10 février. La réforme actuelle du droit des contrats désigne en effet comme étant d’ordre public la bonne foi en son article 1104, alinéa 2, du Code civil.
G. Lyon-Caen, « De l’évolution de la notion de bonne foi » : RTD civ. 1946, p. 77.
« Guidon de la mer », préc., chap. II, art. VII, p. 381.
Ibid., p. 379.
Ordonnance de la Marine du mois d’aoust 1681, commentée et conférée sur les anciennes ordonnances, le Droit Romain et les nouveaux réglemens, Paris, 1714, p. 250.
A. Rodet-Profit, Le contrat d’assurance maritime à Rouen dans l’Ancien droit, thèse précitée.
« Guidon de la mer », préc., chap. XII, art. I, p. 413.
Archives départementales de Seine-Maritime, 201 BP 38, 6 mars 1675, Girardin contre assureurs, préc.
Ibid. : « En premier lieu la difference du nom du navire du St George au George, 2° la difference du port du mesme navire, 3° ladition que ledit Girardin avait fait de son seul mouvement a leur inceu et sans leur partissipation dans leur contract ou il avait employe de sa main et sans ministre dofficier de justice le nom de maitre ».
D. Deroussin, Histoire du droit des obligations, Economica, 2007, p. 535 et s. ; J.-P. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit privé, Dalloz, 2002, p. 819, n° 563.
R.-J. Valin, Nouveau commentaire sur l’ordonnance de la Marine, du mois d’aoust 1681, t. II, La Rochelle, 1760, art. III, p. 33.
Ibid., art. VII, p. 47.
Ibid., art. III, p. 33.
R.-J. Pothier, Traité des assurances, Debure l’aîné, 1775, n° 199, p. 197.
« Guidon de la mer », préc., p. 413-414. La déclaration doit alors être effectuée ultérieurement par l’assuré, à défaut, le greffier des assurances en supportera les conséquences ; Ordonnance de la Marine du mois d’aoust 1681, commentée et conférée sur las anciennes ordonnances, le Droit Romain et les nouveaux réglemens, op. cit., art. IV, p. 251.
V. not. Archives départementales de Seine-Maritime, 201 BP 380, police du 21 avril 1671.
Not. Archives départementales de Seine-Maritime, J 1170, police du 18 février 1739, police du 7 avril 1739, polices du 15 mai 1739.
« Guidon de la mer », préc., chap. II, p. 381 et s. ; Ordonnance de la Marine du mois d’aoust 1681, commentée et conférée sur las anciennes ordonnances, le Droit Romain et les nouveaux réglemens, op. cit., art. XXXI, p. 273 : « Il sera fait désignation dans la police des marchandises sujettes à coulage ; sinon les assureurs ne répondront point des dommages qui leur pourront arriver par tempête, si ce n’est que l’assurance soit faite sur le retour des pays étrangers ».
Archives départementales de Seine-Maritime, 201 BP 389, 6 et 11 juill. 1678, Legendre contre assureurs.
Archives départementales de Seine-Maritime, 201 BP 384, 18 avr. 1674, Hays contre assureurs.
Archives départementales de Seine-Maritime, 201 BP 386, 29 mai 1675. La police d’assurance était « faite en termes generaux par toutes sortes de marchandises de quelque sorte et quelquelles soient sans specification ny designation particullierement deaux de vie qui avoient este chargees dedans. »
R.-J. Valin, Nouveau commentaire sur l’ordonnance de la Marine, du mois d’aoust 1681, op. cit., art. XXXI, p. 78.
R.-J. Pothier, op. cit., n° 199, p. 196-197.
B. M. Emerigon, Traité des assurances et des contrats à la grosse, t. I, Marseille, 1783, p. 18 : « On est coupable de dol, non seulement lorsque (…) l’on fait entendre des faits contraires à la vérité, mais encore lorsque l’on dissimule des circonstances graves ».
Ibid., p. 20.
« Guidon de la mer », préc., chap. II, art. XV ; Ordonnance de la Marine, art. LXI, p. 293.
B. M. Emerigon, Traité des assurances et des contrats à la grosse, t. II, op. cit., p. 130 : « La fausse déclaration est positive par elle-même. Il est facile de la prouver. Voilà pourquoi elle fournit dans le for extérieur un moyen aisé d’attaquer le contrat. La dissimulation ne laissant par elle-même aucune trace réelle et physique, la chose ne concerne ordinairement que le for de la conscience. »
C. Lyon-Caen et L. Renault, Traité de droit maritime, t. II, Pichon, 1896, p. 442 ; N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 64.
P.-S. Boulay-Paty, Cours de droit commercial maritime, t. II, Société belge de commerce, Bruxelles, 1838, p. 89.
N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 47. De même, v. C. Lyon-Caen et L. Renault, Traité de droit maritime, t. II, op. cit., n° 1442, p. 421 : « Cette obligation se justifie aisément : entre les deux contractants la situation n’est pas égale ».
A. de Courcy, Questions de droit maritime, t. I, A. Cotillon, 1877, p. 301.
P.-S. Boulay-Paty, Cours de droit commercial maritime, t. II, op. cit., p. 87 : l’assurance est un contrat « éminemment de bonne foi » ; C. Lyon-Caen et L. Renault, Traité de droit maritime, t. II, op. cit., p. 423 : « C’est cette sévérité qui fait dire que l’assurance est un contrat de bonne foi ».
P.-S. Boulay-Paty, Cours de droit commercial maritime, t. II, op. cit., p. 87.
N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 79 : « Mais (…) on tient compte de ce que le commettant a fait son possible pour prévenir le commissionnaire et on n’annule pas le contrat. »
Code de commerce, Bruxelles, 1807, p. 159.
G. Ripert, Droit maritime, t. III, Dalloz, 4e éd., 1953, p. 414 : « Les auteurs anciens parlent presque toujours de dol ou de dissimulation. Dans les travaux préparatoires du Code de commerce, on n’a jamais parlé que de dissimulation dans le sens de fraude ».
A. Desjardins, Traité de droit commercial maritime, t. VII, A. Durand et Pedone-Lauriel, 1888, p. 43.
A. de Courcy, Questions de droit maritime, t. I, op. cit., p. 301 : « La jurisprudence est à cet égard bien fixée. » ; G. Ripert, Droit maritime, t. III, op. cit., n° 2419-2420, p. 413-414 : l’assuré est « responsable de sa déclaration inexacte même si sa bonne foi est complète. (…) La réticence engage la responsabilité de l’assuré ».
D. 1887, I, p. 241.
CA Marseille, 21 juill. 1819 : « Il est de l’essence du contrat d’assurance que les assureurs soient instruits de tout ce que les assurés savent pour être véritablement mis à leur lieu et place ; que ces derniers, en leur cachant des circonstances graves du risque, n’obtiennent d’eux qu’un consentement erroné et conséquemment nul » ; P.-S. Boulay-Paty, Cours de droit commercial maritime, t. II, op. cit., p. 92.
C. Lyon-Caen et L. Renault, Traité de droit maritime, t. II, op. cit., n° 1444, p. 423 : « Le Code de commerce n’exige pas que le dol de l’assuré ait déterminé l’assureur à contracter, il suffit qu’il ait pu changer les conditions du contrat ; l’article 348 parle de la diminution de l’opinion du risque pour l’assureur ».
V. notamment deux arrêts de la cour royale d’Aix-en-Provence du 14 avril 1818 : Recueil général des lois et arrêts, Sirey, vol. V, Paris, 1842, II, p. 372, et du 17 juillet 1829 : Recueil général des lois et arrêts, Sirey, vol. IX, Paris, 1843, II, p. 303.
Régies par l’article 349 du Code de commerce : « Si le voyage est rompu avant le départ du vaisseau, même par le fait de l’assuré, l’assurance est annulée ; l’assureur reçoit, à titre d’indemnité, demi pour cent de la somme assurée ».
De telles différences sont sanctionnées par l’article 357 du Code de commerce : « Un contrat d’assurance ou de réassurance consenti pour une somme excédant la valeur des effets chargés, est nul à l’égard de l’assuré seulement, s’il est prouvé qu’il y a dol ou fraude de sa part », et par l’article 358 dudit code : « S’il n’y a ni dol ni fraude, le contrat est valable jusqu’à concurrence de la valeur des effets chargés ».
A. de Courcy, Questions de droit maritime, t. I, op. cit., p. 311 : « Cette disposition est quelquefois trouvée dure. Elle n’est que juste ».
A. Desjardins, Traité de droit commercial maritime, t. VII, op. cit., n° 1461, p. 41.
CA Bordeaux, 3 déc. 1877, D. 1878, II, p. 249.
N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 78 ; A. de Courcy, Questions de droit maritime, t. I, op. cit., p. 307-308.
N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 73-74 : « Il n’y a donc pas à rechercher si l’assuré pouvait connaître, mais seulement s’il a connu (…). La jurisprudence est dans ce sens ».
G. Ripert, Droit maritime, t. III, op. cit., n° 2419-2420, p. 413-414.
Ibid., p. 415 : « Il faut (…) maintenir le contrat toutes les fois que l’assuré ignorait le fait qu’il n’a pas révélé, pourvu toutes fois qu’il n’y ait pas eu faute de sa part à ne le point connaître ».
A. Desjardins, Traité de droit commercial maritime, t. VII, op. cit., p. 46 ; N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 75.
Code de commerce…, Bruxelles, 1807, p. 159.
P.-S. Boulay-Paty, Cours de droit commercial maritime, t. II, op. cit., p. 88.
A. Desjardins, Traité de droit commercial maritime, t. VII, op. cit., p. 57 ; G. Ripert, Droit maritime, t. III, op. cit., p. 418 ; N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 58-59.
D. 1852, I, p. 278. Arrêt confirmé le 4 avril 1887, D. 1887, I, p. 241.
A. Desjardins, Traité de droit commercial maritime, t. VII, op. cit., p. 46 : « La doctrine a combattu presque unanimement la jurisprudence de 1852 et doit, à notre avis, persévérer » ; N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 57.
P.-S. Boulay-Paty, Cours de droit commercial maritime, t. II, op. cit., p. 88.
A. de Courcy, Questions de droit maritime, t. I, op. cit., p. 302 : « Je regrette aussi, ce qui exprimerait bien la distinction, que la loi ne prononce pas une pénalité, celle de la double prime par exemple, contre la réticence de mauvaise foi. » ; A. Desjardins, Traité de droit commercial maritime, t. VII, op. cit., p. 58 : « Les assureurs peuvent-ils, dans le cas où l’assuré n’a pas commis de fraude, réclamer l’indemnité d’un demi pour cent de la somme assurée ? Oui, d’après M. Laurain (…) et M. de Valroger qui combine les articles 349, 351 et 358 ».
Ce que dénonce N. Ivanus, in De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 83.
A. Desjardins, Traité de droit commercial maritime, t. VII, op. cit., p. 58.
N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 67.
G. Ripert, Droit maritime, t. III, op. cit., p. 418.
N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 59-60, 78.
G. Ripert, Droit maritime, t. III, op. cit., p. 416.
P. Guyot, « Dol et réticence », préc., p. 299 : « L’assureur maritime, de nos jours, n’est plus à assimiler à un incapable, comme au temps du “Guidon de la mer”. Il est parfaitement outillé pour se renseigner ».
N. Ivanus, De la réticence dans les contrats, thèse précitée, p. 49.
Ibid. : « C’était une iniquité que de décider que l’assurance serait nulle pour toute omission de la part de l’assuré ».
Notamment en cas de réticence, v. G. Ripert, Droit maritime, t. III, op. cit., p. 415.
L. 13 juill. 1930, art. 21 et 22.
P. Guyot, « Dol et réticence », préc., p. 299 : « Dans le domaine de l’assurance (…) l’unification de la théorie de la réticence est la solution de demain ».
R. Rodière et J. Calais-Auloy, Traité général de droit maritime. Assurances maritimes et ventes maritimes, Dalloz, 1983.
J. Alisse, L’obligation de renseignements dans les contrats, thèse Paris II, 1975 ; M. de Juglart, « L’obligation de renseignements dans les contrats », préc.
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