Pour un temps encore : la cause comme instrument de contrôle de la validité des pactes d'actionnaires
En entérinant un peu trop rapidement la motivation des juges du fond pour décider que n’a pas une cause illicite la clause de la promesse de rétrocession d’actions attribuées gratuitement à une salariée qui prévoit une décote de la valeur de rachat en cas de licenciement, la chambre commerciale invite à revenir, pour l’une des dernières fois, sur quelques difficultés du maniement de la notion et à s’interroger brièvement sur l’efficacité de celles destinées à la remplacer.
Cass. com., 7 juin 2016, no 14-17978, PB
L’abondance et la diversité des commentaires dont cet arrêt, destiné à être publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, a fait l’objet démontrent l’importance qu’il présente pour le droit des sociétés, le droit du travail et le droit des contrats. C’est naturellement de ce seul[...]
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V. not., reconnaissant la validité d’une clause de « parachute doré », au motif qu’il existe une contrepartie réelle en raison des avantages que la société retirait du recrutement du salarié et de l’importance des fonctions qui lui avaient été attribuées, Cass. soc., 10 avr. 2013, n° 11-25841 : D. 2014, pan. « Droit des contrats », p. 630, obs. Amrani Mekki S. et Mekki M. ; RTD civ. 2013, p. 501, obs. Barbier H. ; JCP G 2013, n° 41, 1045, note Ghestin J. ; RDC 2013, p. 1321, obs. Genicon T.
V. Moulin J.-M. : Gaz. Pal. 6 sept. 2016, n° 273f2, p. 60 ; Pagnerre Y. : JCP S 2016, n° 39, 1329 ; S. Schiller S., Leprêtre J.-M. et Bignebat P., JCP E et A 2016, n° 39, 1504 ; J. Chacornac J. : JCP G 2016, n° 37, 957 ; Baugard D. et Borga N. : D. 2016, p. 2042.
Cass. soc., 1er déc. 2005, n° 04-41277 : BJS avr. 2006, n° 4, p. 507, obs. Auzero G. ; Dr. soc. 2006, p. 452, obs. C. Radé, qui admet néanmoins l’indemnisation du préjudice subi par le salarié. V. Deboissy F. et Lokiec P., « Condition de présence du salarié dans la société et droits d’associé », JCP S 2013, n° 47, 1443.
Ce qui fait, par ailleurs, qu’elle n’était pas une clause de « bad leaver » à proprement parler.
Cass. soc., 21 oct. 2009, n° 08-42026 : RDT 2010, p. 28, obs. Auzero G. ; Dr. soc. 2010, p. 117, obs. Couturier G. ; CSBP janv. 2010, p. 13, obs. Pansier F.-J. ; JCP G 2010, n° 8, 233, obs. F. Deboissy F. et Wicker G. ; JCP E et A 2010, n° 11, 1272, note Schiller S. et Leprêtre J.-M. ; RTD civ. 2010, p. 100, obs. B. Fages – Cass. com., 21 mars 2010, n° 09-12207 : Dr. soc. 2010, comm. 140, par D. Gallois-Cochet.
La « contrepartie convenue », plus précisément, v. Ghestin J., Cause de l’engagement et validité du contrat, 2006, LGDJ, not. nos 187 et 221, et « L’absence de cause de l’engagement : absence de la contrepartie convenue », JCP G 2007, n° 41, I, 177. L’avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription utilisait cette notion pour définir la cause (art. 1125). Le projet gouvernemental de réforme du droit des contrats le faisait, dans un premier temps pour caractériser l’intérêt au contrat (art. 86), puis, après la suppression de ce dernier, pour annuler directement le contrat lorsque la contrepartie convenue est illusoire ou dérisoire (art. 86). C’est finalement ainsi que le nouvel article 1169 du Code civil utilise la notion pour disposer qu’un contrat à titre onéreux est nul lorsque cette contrepartie est illusoire ou dérisoire.
En l’occurrence, la distribution gratuite d’actions avait eu lieu en application de l’article L. 225-197-1 du Code de commerce.
Sur l’utilisation jurisprudentielle récente de cette notion et son contenu, v. Barbier H. : RTD civ. 2016, p. 614.
Cass. 1re civ., 3 juill. 1996, n° 94-14800 : D. 1997, Jur., p. 500, note Reigné P. ; RTD civ. 1996, p. 903, obs. Mestre J. ; JCP G 1997, I, 4015, n° 4, obs. Labarthe F., qui admet l’annulation d’un contrat de création d’un commerce de location de cassettes vidéo en raison de l’impossibilité d’exécution du contrat selon l’économie voulue par les parties. La solution a été abandonnée par Cass. com., 9 juin 2009, n° 08-11420 : RTD civ. 2009, p. 719, obs. Fages B. ; RDC oct. 2009, p. 1345, obs. Mazeaud D.
Cass. 1re civ., 13 juin 2006, n° 04-15456 : D. 2006, p. 2642, obs. Amrani Mekki S. ; D. 2007, p. 277, note Ghestin J. ; RDC avr. 2007, p. 256, obs. Mazeaud D., à propos de la cession pour un franc symbolique de bandes sonores, en présence de plusieurs contrats conclus entre un artiste et des éditeurs.
Sa validité pourrait éventuellement être remise en cause, avec des chances limitées de succès, sur le fondement du nouvel article 1171 réputant non écrites les clauses d’un contrat d’adhésion créant un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. V. Baugard D. et Borga N., note préc. sous l’arrêt commenté, n° 15. Sur la manière dont l’équilibre général du contrat pourrait être utilisé pour appliquer l’exigence d’une contrepartie ni illusoire ni dérisoire formulée par le nouvel article 1169, v. Barbier H., RTD civ. 2016, p. 614, préc.
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