La responsabilité du fait des produits défectueux née de l'exécution d'un contrat administratif
L’action en garantie engagée par le service public hospitalier à l’encontre d’un producteur auquel il est lié par un contrat administratif portant sur la fourniture d’un produit, dont la défectuosité a été constatée et le contraint à indemniser le patient de ses conséquences dommageables, constitue un litige relevant de la compétence du juge administratif.
T. confl., 11 avr. 2016, n° C4044
Une fois n’est pas coutume, c’est une décision du Tribunal des conflits qui retiendra ici notre attention. Cette juridiction a en effet rendu le 11 avril 2016 un arrêt intéressant sur la nature contractuelle du recours en garantie fondé sur la responsabilité du fait des produits défectueux et exercé par un hôpital public contre le fabricant d’une prothèse défectueuse.
L’affaire dont était saisi le Tribunal des conflits occupe depuis un certain temps les juridictions administratives. À la suite de la luxation d’une prothèse du genou posée en janvier 2000 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Chambéry, un patient avait dû subir, trois mois plus tard, une intervention chirurgicale de reprise, puis, en février 2001, le remplacement de la prothèse. Invoquant une défectuosité de celle-ci, le patient avait ensuite exercé à l’encontre du CHU un recours indemnitaire que le tribunal administratif de Grenoble, puis la cour administrative d’appel de Lyon1 avaient rejeté. La cour avait justifié sa[...]
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CAA Lyon, 23 mars 2010, n° 06LY01195 : AJDA 2010, p. 1485, chron. Vinet C.
Pour plus de simplicité, seule sera évoquée ici la directive, étant entendu que celle-ci n’est pas directement applicable en droit français et qu’elle a été transposée par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 aux articles 1386-1 et suivants du Code civil (devenus C. civ, art. 1245 nouv. et s. le 1er octobre 2016).
CE, sect., 25 juill. 2013, n° 339922, Falempin : Lebon, p. 226 ; AJDA 2013, p. 1597 ; AJDA 1972, chron. Domino X. et Bretonneau A. ; D. 2013, p. 2438, note Bacache M. ; D. 2014, p. 47, obs. Brun P. et Gout O. ; D. 2021, obs. Laude A. ; RDSS 2013, p. 881, note Peigné J. ; RTD civ. 2014, p. 134, obs. Jourdain P.
CJUE, 21 déc. 2011, n° C-495/10, CHU de Besançon c/ Dutrueux : AJDA 2011, p. 2505 ; AJDA 2012, p. 306, chron. Aubert M., Broussy E. et Donnat F. ; D. 2012, p. 926, note Borghetti J.-S. ; D. 2012, p. 1558, point de vue Véron P. et Vialla F. ; D. 2013, p. 40, obs. Brun P. et Gout O. ; RTD civ. 2012, p. 329, obs. Jourdain P.
CE, 9 juill. 2003, n° 220437, AP-HP c/ Marzouk : Lebon, p. 338 ; AJDA 2003, p. 1946, note Deguergue M. ; D. 2003, p. 2341.
CE, sect., 25 juill. 2013, n° 339922, Falempin, préc.
V. not., dans le même sens, Bacache M., « Prothèses défectueuses : quelle responsabilité ? », D. 2013, p. 2438.
La simple utilisation du produit peut entraîner sa disparition lorsqu’il s’agit d’une chose consomptible, mais tel n’est évidemment pas le cas d’une prothèse du genou.
Cette alternative n’existe pas forcément dans tous les États membres de l’Union européenne, certains ne connaissant pas le mécanisme de la subrogation.
Transposé à C. civ., art. 1245-15 nouv. (C. civ., art. 1386-16 anc.).
En l’espèce, la mise en circulation de la prothèse a eu lieu au plus tard en janvier 2000, date de la pose de la prothèse, et le paiement effectué par le CHU au profit de la victime, qui aurait permis la subrogation dans les droits de celle-ci, n’a dû intervenir qu’après la condamnation prononcée par la cour administrative de Lyon en décembre 2013.
Il ne semble pas que la question de l’application du délai-butoir décennal ait été soulevée en l’espèce. Il n’est pourtant pas certain que l’action du CHU contre le producteur ait été intentée dans les dix ans de la mise en circulation de la prothèse. Dans son arrêt de mars 2010, en effet, la cour administrative d’appel de Lyon relève que le producteur, bien qu’ayant produit des observations dans le cadre de la procédure, n’avait pas la qualité de partie.
V. Dir. n° 85/374/CEE, 25 juill. 1985, art. 9, qui définit le dommage réparable.
V. par. ex., en ce sens, Larroumet C., « La responsabilité du fait des produits défectueux après la loi du 19 mai 1998 », D. 1998, chron., p. 311, spéc. n° 12.
V. par ex. en ce sens Le Tourneau P. (dir.), Droit de la responsabilité et des contrats, 10e éd., 2014, n° 8351 ; Borghetti J.-S., note sous Cass. com., 26 mai 2010, n° 07-11744 : Bull. civ. IV, n° 100 ; D. 2010, p. 2632. Ce dernier arrêt a semblé qualifier cette responsabilité de contractuelle entre deux parties liées par un contrat, mais les circonstances de l’espèce étaient très particulières et la décision ne peut être interprétée comme remettant en cause le caractère non contractuel de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Un peu comme, en droit français, la responsabilité issue de la loi Badinter de 1985 est toujours délictuelle, quelle que soit la nature des relations entre les parties en présence.
V. not. CE, sect., 13 oct. 1978, n° 03335, ADASEA du Rhône : Lebon, p. 368 ; RDP 1979, p. 899, note Robert J. et p. 908 et s., concl. Galabert J.-M. ; D. 1979, p. 249, note Amselek P. et Waline J. ; AJDA 1979, II, p. 35 et AJDA 1979, I, p. 22, chron. Dutheillet de Lamothe O. et Robineau Y.
V. en ce sens Rouquette R., « L’Administration et la responsabilité du fait des produits défectueux », Dr. adm. 2000, chron. 20.
En application de la règle sus-énoncée, qui veut que la responsabilité délictuelle d’une personne privée à l’égard d’une personne publique soit en principe de nature civile. Cela étant, la responsabilité du fait des produits défectueux peut relever de la compétence des juridictions administratives, si le producteur est une personne publique ; v. sur ce point Rouquette R., « L’Administration et la responsabilité du fait des produits défectueux », préc. ; Whittaker S., Liability for Products. English Law, French Law and European Harmonisation, 2005, Oxford University Press, p. 651. Pour un exemple d’application du régime de la directive à un producteur qui aurait en France le statut d’établissement public, v. CJCE, 10 mai 2001, n° C-203/99, Henning Veedfald c/ Århus Amtskommune : Rec. CJCE, 2001, I, p. 3569 ; D. 2001, jur., p. 3065, note Kayser P. ; JCP G 2002, I 114, spec. n° 18, obs. Luby M. ; RTD civ. 2001, p. 898, obs. Jourdain P. et p. 988, spéc. n° 20-22, obs. Raynard J.
Il faut par ailleurs signaler que les principales raisons de fond susceptibles de justifier la compétence administrative sont ici absentes. Que l’on lie celle-ci au service public, à la gestion publique ou à la puissance publique, le fait est que le souci fondamental de protéger l’Administration contre l’immixtion du pouvoir judiciaire n’a ici pas lieu d’être : v. sur ce point Moreau J., « Compétence administrative (Répartition des compétences entre le judiciaire et l'administratif) », in Répertoire de contentieux administratif, 2002, nos 16 et s.
V. en ce sens Rouquette R., « L’Administration et la responsabilité du fait des produits défectueux », préc.
Indépendamment même de la question de l’application du délai-butoir décennal, sur lequel v. supra, note 13.
V. sur ce point Borghetti J.-S., « Quand la responsabilité du fait des produits défectueux concurrence (abusivement) la garantie des vices cachés », RDC 2015, n° 112n7, p. 852.
Tel n’a pourtant pas été le cas. Par un arrêt du 30 décembre 2016 (n° 375406), le Conseil d’État a fait droit à la demande formée par le CHU de Besançon contre le producteur de la prothèse sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, sans toutefois discuter du caractère réparable du préjudice invoqué, l’argument n’ayant sans doute pas été soulevé par le défendeur.
Ou plus exactement de la part de ceux-ci non prise en charge par la Sécurité sociale. Le CHU a été condamné à payer la victime 4 300 € au titre de la souffrance physique et morale ressentie et du préjudice esthétique.
Étant entendu que le délai-butoir décennal prévu par la directive n’était vraisemblablement pas arrivé à son terme lorsque la victime a initié son action contre le CHU.
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