Obligation d'exécuter le contrat de bonne foi : beaucoupde modération
En décidant que le fournisseur d’eau qui ne signale pas à son abonné une consommation nettement anormale due à une fuite ne manque pas à son devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, la Cour de cassation semble cantonner la bonne foi dans des limites plus étroites que par le passé.
Cass. com., 13 sept. 2016, n° 14-26713
À l’heure où la place que la réforme a conférée à la bonne foi suscite toutes les spéculations, on ne manquera pas de relever cet arrêt du 13 septembre 20161 qui semble vouloir la contenir. Il était question d’une facturation excessivement élevée de fourniture d’eau, causée par une fuite touchant la partie privative des canalisations (du fait de la fuite, la facture était passée de 803,18 € pour l’année 2002 à 15 060,49 € en 2003 et 21 636,12 € en 2004). Le propriétaire du local desservi entendait répercuter les frais considérables causés par cette fuite à la fois sur son locataire (le bail prévoyant que les charges de consommation en eau pesaient sur ce dernier), qui avait refusé de payer, et sur le fournisseur d’eau, la société Veolia, ainsi que sur le syndic de propriété qui était mandaté pour recevoir et transmettre toutes les factures d’eau de l’immeuble. Les juges du fond avaient accepté de faire droit à cette demande, prononçant un partage de responsabilité entre tous les protagonistes (y compris le client, donc, dont une partie de la facture resta à[...]
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Les juges du fond avaient considéré que, en sa qualité de mandataire, le syndic avait commis une faute, à la lumière de l’article 1992, en répercutant les factures sans alerter son mandant sur leur caractère inhabituel et inquiétant, cependant qu’il était informé des niveaux de facturation antérieurs. L’arrêt est censuré par la Cour de cassation au motif que, « chargé d’un simple mandat de transmission des factures d’eau qui lui étaient adressées pour le compte [du client], [le syndic] n’était pas tenu d’alerter sa mandante quant au contenu desdites factures ».
V. not. Cass. com., 3 nov. 1992, n° 90-18547, Huard ; et Cass. com., 24 nov. 1998, n° 96-18357, Chevassus-Marche.
Cass. 1re civ., 26 nov. 1996, n° 94-13468 : Bull. civ. I, n° 415 – Cass. 2e civ., 8 nov. 2007 : JCP G 2008, II 10034, note Grynbaum L. – Cass. 3e civ., 21 mars 2012, n° 11-14174 : Bull. civ. III, n° 49 – Cass. com., 7 oct. 2014, n° 13-21086 : RDC 2015, n° 111n4, p. 18, note Savaux E.
Cass. soc., 25 janv. 2012, n° 11-11374 : Bull. civ. V, n° 19.
V. Cass. com., 8 mars 2005, n° 02-15783 ; Cass. 3e civ., 28 janv. 2009, n° 07-20891 : RDC 2009, p. 999, obs. Mazeaud D., et p. 1019, obs. Viney G.
V. not. Mazeaud D., « Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle devise contractuelle ? », in Mélanges François Terré, 1999, Dalloz-PUF-Litec, p. 603.
Cass. com., 6 mai 2002, n° 99-14093 : D. 2002, p. 2842, obs. Mazeaud D.
Cass. com., 10 juill. 2007, n° 06-14768 : GAJ civ., Dalloz, n° 164, p. 163.
Cass. 3e civ., 5 nov. 2003, n° 01-17530 : RDC 2004, p. 637, note Stoffel-Munck P.
Cass. 1re civ., 23 janv. 1996, n° 93-21414 : D. 1997, p. 571, note Soustelle P. ; Defrénois 1996, n° 36354, p. 744, obs. Delebecque P.
Sur cette approche, v. not. la thèse aussi riche qu’éclairante de Jabbour R., La bonne foi dans l’exécution du contrat, Aynès L. (préf.), 2016, thèse Paris 1.
Deshayes O., Genicon T. et Laithier Y.-M., Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Commentaire article par article, 2016, LexisNexis p. 50.
Comp. Cass. 1re civ., 2 juin 1987, n° 85-14461 : Bull. civ. I : « le transporteur aérien qui, par suite d’une erreur dont il est responsable, délivre un billet à un prix inférieur au tarif ne peut, après la réalisation du voyage, réclamer à son client un complément de prix que s’il démontre que ce dernier avait eu connaissance de l’erreur commise avant le voyage et n’avait donc pas été de bonne foi dans l’exécution de la convention ; d’où il suit qu’en ne recherchant pas si Mme X avait eu effectivement connaissance du prix réellement applicable avant d’accomplir le voyage, le tribunal d’instance n’a pas donné de base légale à sa décision » (nous soulignons).
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