La vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés ne paraît pas être une pratique déloyale aux yeux de la Cour de justice de l'Union européenne
La pratique commerciale consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés sans possibilité pour le consommateur de se procurer le même modèle d’ordinateur non équipé de logiciels préinstallés ne constitue pas, en tant que telle, une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, à moins qu’une telle pratique soit contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou soit susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen par rapport à ce produit, ce qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier, en tenant compte des circonstances spécifiques de l’affaire au principal.
CJUE, 7 sept. 2016, n° C-310/15
On n’en a pas fini avec la saga des ordinateurs équipés de logiciels préinstallés. Cela fait pourtant une dizaine d’années environ que les juges ont eu à se prononcer sur ce point1. Mais en statuant récemment sur le sujet, la Cour de justice de l’Union européenne ne fait qu’entretenir le suspense.
De fait, dans un arrêt de 2016, elle s’exprime d’une manière telle qu’elle laisse délibérément – et inutilement – planer des incertitudes pour l’avenir. Qu’on en juge, car telle était sa conclusion : « Une[...]
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Sur l’évolution en la matière, v. Legrand V., « Le plug and play, déloyal ou pas ?... Saison 3 (à propos de CJUE, 7 septembre 2016, aff. C-310/15) », LPA 10 oct. 2016, n° 120u7, p. 6 et s. ; et jusqu’en 2011, v. Bouche N., in Huet J. et Bouche N. (dir.), Les contrats informatiques, 2011, Litec, n° 151.
CJUE, 7 sept. 2016, n° C-310/15, Vincent Deroo-Blanquart c/ Sony Europe Limited, arrêt rendu sur demande de décision préjudicielle de Cass. 1re civ., 17 juin 2015, n° 14-11437 : Comm. com. électr. 2015, comm. 69, par Loiseau G.
L’article 5 de la directive n° 2005/29/CE, intitulé « Interdiction des pratiques commerciales déloyales », est libellé comme suit :
« 1. Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
2. Une pratique commerciale est déloyale si :
a) elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle, et
b) elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs. »
V. TGI Paris, 24 juin 2008 : Comm. com. électr. 2008, comm. 115, obs. Stoffel-Munck P. ; JCP G 2008, II, 10185, obs. Stoffel-Munck P. ; JCP E 2009, 1674 ; Juge proximité Caen, 30 avr. 2008 : JCP G 2008, II, 10185, obs. Stoffel-Munck P. ; v. aussi Chabert C., « E-commerce : le consommateur au cœur de l’économie numérique » : RLDI 2009/47, p. 91 et s., spéc. p. 95-96.
Cass. 1re civ., 5 juin 2008, n° 06-21514 : Expertises 2008, p. 273 ; JCP G 2008, II, 10185, obs. Stoffel-Munck P., pour une vente à un consommateur par réseau commercial classique FNAC.
CJCE, 23 avr. 2009, nos C-261/07 et C-299/07, VTB VAB NV c/ Total Belgium : D. 2009, p. 1273, note Petit E. ; JCP G. 2009, 39, note Chagny M. ; RTD com. 2009, p. 607, obs. Bouloc B.
Cass. 1re civ., 15 nov. 2010, n° 09-11161, PB – Cass. 1re civ., 15 nov. 2010, n° 08-20227, D : Comm. com. électr. 2011, comm. 5, note Stoffel-Munck P. ; JCP E 2010, 2135, note Dupont N. – Cass. 1re civ., 15 nov. 2010, n° 08-20227, D ; adde : Hamouche A., « La vente liée n’est plus interdite mais sous surveillance », Expertises janv. 2010, p. 26-27.
Une ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code a effectué cette modification.
Dès lors, les juges du fond ont considéré que l’article L. 122-1 n’est pas incompatible avec le droit européen, notamment la directive n° 2005/29/CE, mais la vente liée ne peut être sanctionnée que si elle remplit les critères de la pratique commerciale déloyale, et v. TGI Nanterre, 6e ch., 30 oct. 2009, Que Choisir c/ HP France : Comm. com. électr. 2010, comm. 5, note Stoffel-Munck P. ; Contrats, conc., consom. 2010, comm. 86, obs. Raymond G. : faits constatés en 2006 mais le tribunal statue en 2009 – CA Paris, 5e ch., 26 nov. 2009, UFC Que Choisir c/ Ets Darty et fils : Comm. com. électr. 2010, comm. 5, note Stoffel-Munck P. ; Contrats, conc., consom. 2010, comm. 85, obs. Raymond G.
Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 12-25748, PB, cassation : Comm. com. électr. 2014, comm. 3, obs. Loiseau G. ; Contrats, conc., consom. 2014, comm. 145, obs. Raymond G. ; JCP G 2014, 427, spéc. n° 14, obs. Aubert de Vincelles C., obligation faite au fabricant et non au revendeur : le juge de proximité avait ordonné le remboursement du prix des logiciels préinstallés sans constater l’impossibilité pour le consommateur de se procurer, après information relative aux conditions d’utilisation des logiciels, un ordinateur « nu » identique auprès de la société Lenovo France.
Contra : Aubert de Vincelles C., obs. préc. sous Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 12-25748 : il faut prouver que la pratique consistant à ne pas proposer la vente d’un ordinateur nu altère le consentement du consommateur.
Et, dans le sens d’une appréciation in abstracto, v. au niveau français, Cass. 1re civ., 22 janv. 2014, n° 10-10800, PB, cassation : Comm. com. électr. 2014, comm. 4, obs. Loiseau G. : une « omission trompeuse au sens de l’article 7 de la directive doit être appréciée au regard d’un consommateur moyen, sans avoir égard aux qualités propres du consommateur ayant conclu le contrat litigieux » ; contra : Bouche N., préc., qui est en faveur d’une appréciation in concreto.
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