La sanctiond'une clause créantun déséquilibre significatif
La cour d’appel de Paris prend parti : une clause créant un déséquilibre significatif est une clause qui n’est pas réputée non écrite, mais qui engage la responsabilité de son auteur.
CA, 6 sept. 2016, n° 15/21026
1. Données du problème. – À la suite de dégâts survenus à des marchandises lors de leur transport, la responsabilité du transporteur avait été recherchée en vue d’obtenir la réparation des préjudices subis. Le transporteur opposait, en vertu de l’article L. 1432-4 du Code des transports, l’application du contrat type applicable dont les clauses sont définies par voie réglementaire. Aux termes de celui-ci, approuvé par le décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique pris en application à l’époque de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (LOTI), pour les envois inférieurs à 3 tonnes, le « transporteur exécute sous sa responsabilité les opérations de chargement, d’arrimage et de déchargement de l’envoi à partir de sa prise en charge et jusqu’à sa livraison » (art. 7.1). Or l’article 21 du contrat type, après avoir énoncé que le « transporteur est tenu de verser une indemnité pour la réparation de tous les dommages justifiés dont il est légalement tenu[...]
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CA Versailles, 31 mars 2016, n° 14/02978 : « La société Merim services ne peut invoquer le I, 2°, de l’article L. 442-6 du Code de commerce pour demander la nullité de cette clause, le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties étant sanctionné par l’allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé et non par la nullité de la clause contractuelle ». – Adde CA Rouen, 30 janv. 2014, n° 13/02234 : « L’action sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce tend à la réparation d’un préjudice et non pas à déclarer réputée non écrite une clause d’un contrat comme ne respectant pas l’équilibre contractuel imposé par ledit article (…) » – CA Nancy, 4 févr. 2015, nos 324/15 et 14/02710 : « Selon l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce, “engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties”. De telles dispositions ont pour but de sanctionner un déséquilibre significatif dans le cadre de l’exécution d’un contrat et tendent à l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime et non pas à voir déclarer non écrites des dispositions que les parties s’accordent à voir qualifier de clause pénale ».
CA Paris, 29 oct. 2014, n° 13/11059 : « Considérant que le GIE Les Indépendants soutient en premier lieu l’irrecevabilité de l’action en nullité des appelantes ; que les comportements et pratiques énoncées au I de l’article L. 442-6 ne seraient susceptibles que d’engager la responsabilité de leur auteur et de conduire à des actions en réparation, seul le ministre de l’Économie et les autres autorités mentionnées au III du même article pouvant intenter une action en nullité ; que le II du même article énumérerait limitativement les pratiques susceptibles d’entraîner une action en nullité des parties et le déséquilibre significatif n’est pas mentionné au nombre de ces pratiques ; mais considérant que la Cour de cassation, ayant à juger si la prescription décennale s’appliquait aux actions en nullité contre des conventions contraires aux règles de l’article L. 442-6, a jugé que “c’est exactement que l’arrêt retient que la prescription de dix ans énoncée par ce texte s’applique aux demandes fondées sur la nullité d’ordre public économique des contrats de coopération commerciale” ; qu’il en résulte que les contrats contraires aux dispositions des articles L. 442-6 du Code de commerce sont entachés d’une nullité absolue, invocable par tout personne intéressée ». Il reste que la Cour de cassation (Cass. com., 11 sept. 2012, n° 11-17458) n’avait pas pris précisément parti sur la question qui nous intéresse ici…
C. civ., art. 6 : « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs » et, depuis la réforme du droit des contrats, C. civ., art. 1162 : « Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. » À mettre en perspective avec l’article 1178, alinéa 1er, du Code civil (« Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. (…) ») et l’article 1184, alinéa 1er, dudit code (« Lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles »).
C. consom., art. L. 241-1, al. 1 : « Les clauses abusives sont réputées non écrites ».
C. civ., art. 1171, al. 1 : « Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».
Cass. com., 4 oct. 2011, n° 10-20240 : Bull. civ. IV, n° 15 : « L’article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, qui instaure une responsabilité de nature délictuelle, ne s’applique pas dans le cadre des relations commerciales de transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants, lorsque le contrat type qui prévoit la durée des préavis de rupture, institué par la LOTI régit, faute de dispositions contractuelles, les rapports du sous-traitant et de l’opérateur de transport ».
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