Extension du principe de loyauté de la preuve aux procédures permettant l'obtention de mesures d'instruction in futurum
La cour d’appel qui refuse d’écarter un moyen de preuve illicite pour caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction avant tout procès viole les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil et 145 du Code de procédure civile.
Cass. 2e civ., 17 mars 2016, n° 15-11412
Depuis le début des années 1990, l’exigence de loyauté dans l’administration de la preuve a été progressivement imposée par la jurisprudence civile, de telle sorte qu’il existe désormais une réelle politique de moralisation de la preuve dans le procès civil dont la Cour de cassation assure le respect avec vigilance. La jurisprudence récente illustre la vitalité du principe qui, assis sur des fondements solides, connaît de multiples applications concrètes1. Cette vitalité contraste assez singulièrement avec l’appréciation que la doctrine porte sur ce nouveau principe directeur de l’instance civile, dans la mesure où certains auteurs tendent à en remettre en cause la pertinence2.
Même si le domaine d’application du principe de loyauté de la preuve s’est progressivement élargi, sous l’impulsion de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a été pionnière en la matière et ouvert la voie à la jurisprudence des autres chambres civiles, il connaissait toutefois deux importantes limites, l’une substantielle tenant à la[...]
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La jurisprudence permet en effet de dresser une véritable typologie des procédés déloyaux, qui peuvent consister en l’enregistrement d’images ou de paroles à l’insu de la personne concernée (v. par ex. Cass. 2e civ., 9 janv. 2014, n° 12-17875), en des stratagèmes et autres mises en scène (v. par ex. Cass. soc., 6 févr. 2013, n° 11-23738 : Bull. civ. V, n° 31), en l’utilisation occulte de procédés de géolocalisation ou de cybersurveillance (Cass. soc., 14 janv. 2014, n° 12-16218 : Bull. civ. V, n° 4 – Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-14779, PB).
V. not. Leborgne A., « L’impact de la loyauté sur la manifestation de la vérité ou le double visage d’un grand principe », RTD civ. 1996, p. 535 – Miniato L., « L’introuvable principe de loyauté en procédure civile », D. 2007, p. 1035.
Par exemple, par un arrêt du 17 juin 2009 (Cass. 1re civ., 17 juin 2009, n° 07-21796 : Bull. civ. I, n° 132), la première chambre civile a décidé qu’étaient recevables les SMS reçus par un époux sur son portable et lus par l’autre à son insu, dès lors que cela n’impliquait pas qu’ils avaient été obtenus par violence ou par fraude (v. aussi Cass. 1re civ., 18 mai 2005, n° 04-13745 : Bull. civ. I, n° 213, s’agissant de courriels reçus par un époux et produits par l’autre).
V. par ex. Cass. 2e civ., 29 janv. 1997, n° 95-15255 : Bull. civ. I, n° 28 – Cass. 1re civ., 6 mai 1999, n° 97-12437 : Bull. civ. I, n° 85.
Un arrêt de la première chambre civile du 18 mai 2005 (Cass. 1re civ., 18 mai 2005, n° 04-13745, préc.) a admis la production d’un tel rapport, alors qu’une décision de la deuxième chambre civile du 3 juin 2004 (Cass. 2e civ., 3 juin 2004, n° 02-19886 : Bull. civ. II, n° 273) l’a rejetée des débats.
V. par ex. CA Lyon, 26 mars 2008, n° 06/06024 : RDC janv. 2009, p. 215, obs. Pelletier C.
V. par ex. Cass. 2e civ., 3 juin 2004, n° 02-19886 : Bull. civ. II, n° 273 – Cass. 1re civ., 31 oct. 2012, n° 11-17476 : Bull. civ. I, n° 224 – Cass. 1re civ., 10 sept. 2014, n° 13-22612, PB.
V. par ex. Cass. soc., 26 nov. 2002, n° 00-42401 : Bull. civ. V, n° 352.
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