Le jeu de l'amour et du hasard et… de la médecine et du profit
Une affaire canadienne en cours invite à s’interroger sur les conséquences de la vision marchande, outre-Atlantique, de la procréation médicalement assistée avec tiers donneur. Si les parents d’un enfant conçu de cette façon, et qui ont été trompés sur le profil du donneur, peuvent légitimement se placer sur le terrain du droit des contrats pour obtenir réparation, leurs arguments tirés du préjudice qu’ils ressentent à ne pas avoir l’enfant qu’ils avaient choisi sur des critères génétiques, sanitaires et sociaux ne paraissent pas recevables.
Action en justice engagée auprès de la cour de justice supérieure de l’Ontario et enregistrée le 13 avril 2016, Angela Collins et Elizabeth Hanson vs Xytex Corporation, Xytex Cryo International Ltd., Xytex Consulting, Xytex Canada, et Outreach Health Services Inc. et al., 13 avr. 2016.
En 2011, dans son film Starbuck, le Québécois Ken Scott narrait, sur un mode comique, les aventures d’un homme qui, alors qu’il était étudiant et avait besoin d’arrondir ses fins de mois, avait donné son sperme, et qui, la quarantaine passée et sur le point de devenir père, est poursuivi par les 533 enfants dont il est le géniteur. C’est une affaire proche, mais bien réelle et moins amusante, dont est aujourd’hui saisie la cour[...]
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Action en justice, n° 63.
« Make the most informed decision possible when selecting a donor » (n° 21).
« The semen was defective as it contained genetic material about which no warnings were given » (n° 46).
V. C. civ., art. 1112-1, issu de l’article 2 de l’ordonnance n° 2016-131 du 16 février 2016, qui a défini l’obligation d’information et en a précisé le régime.
L’action en justice semble évoquer des désordres déjà présents et un préjudice qui n’est pas seulement moral puisque les enfants seraient d’ores et déjà soumis à des traitements très coûteux (n° 67) : « the parents who are now incurring extraordinary medical and financial expenses associated with the mental illnesses that are developping in their children. » Mais l’action en justice est très ambiguë sur ce point et les articles de presse sur l’affaire ne font pas état de telles pathologies.
« A significant higher risk for developing the mental disorders afflicting donor » (n° 32).
« A Xytex reprentative told Ms Collins that the Xytex procedures were so thorough that she would ultimately know more about her Xytec sperm donor than she could ever know about a potential partner that she was likely to meet in everyday life » (n° 16). À l’inverse, en invoquant la « battery » (coups et blessures), dont aurait été victime sa cliente, l’avocat accrédite une analogie entre l’insémination par tiers donneur et la procréation naturelle : être inséminée par le sperme d’une personne, alors qu’on en avait choisi un autre, s’analyse en un « contact non voulu » (« non consensual contact », n° 54).
V. supra, note 6.
« Of high integrity, extremely intelligent and incredibly educated » (p. 15).
Cass. ch. réunies, 24 avr. 1862 : Bull. n° 57, p. 99.
V. L. Brunet, « Procréations médicalement assistées et catégories ethno-raciales : l’enjeu de la ressemblance », in Canselier G. et Desmoulin-Canselier S. (dir.), Les catégories ethno-raciales à l’ère des biotechnologies. Droit, sciences et médecine face à la diversité humaine, 2011, Société de législation comparée, p. 135 et s.
V. CSP, art. R. 1244-1 et s.
Pour une analyse des motivations des donneurs de sperme hors cadre strict de l’AMP légalement pratiquée, v. Dumont S., Super-géniteurs. Enquête sur le don de sperme sauvage en France, 2016, Michalon Éditeur.
V. Noiville C. et Bellivier F., « Séquençage de l’ADN humain. Vers un “contrat de réciprocité” ? », RDC 2016, n° 113g4, p. 321 et s.
« The mental illnesses that the donor suffers are genetic and hereditary » (n° 67).
Brunet L., « Procréations médicalement assistées et catégories ethno-raciales : l’enjeu de la ressemblance », préc., p. 152 et s.
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