Formalisme informatif ad validitatem : retour à une logique civiliste ?
L’efficacité du formalisme informatif appelle bien souvent une application automatique de sa sanction légale. Cette politique juridique reculerait-elle au profit d’un ajustement de la sanction au mal causé par l’irrégularité ? Deux arrêts soulèvent la question. L’un opère un revirement spectaculaire en matière d’assurance-vie, en invitant à contrôler si le souscripteur n’abuse pas du droit de renonciation que la loi lui offre en cas d’irrespect du formalisme légal. L’autre, rendu en matière bancaire, refuse de sanctionner un taux effectif global erroné au motif que l’erreur profitait à l’emprunteur.
Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-12767
Cass. 1re civ., 12 oct. 2016, n° 15-25034
Il existe deux manières de concevoir le formalisme informatif si présent dans nombre de contrats d’adhésion. La première s’inscrit dans la tradition civiliste et ordonne le régime du formalisme à la protection de l’adhérent considéré dans son individualité concrète. Par suite, si ce dernier n’avait, au cas d’espèce, pas besoin de la protection que la formalité vise à garantir, son irrespect ne mérite pas d’être sanctionné comme il le devrait autrement. Au soutien de cet ajustement de la sanction au mal causé, on convoquera l’idée de proportionnalité, en s’inspirant du droit pénal ou de la responsabilité civile, ou la règle « pas de nullité sans grief », en s’inspirant du droit processuel.
La seconde[...]
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Pour un développement et une illustration de cette idée, nous renvoyons à notre article « L’autonomie du droit contractuel de la consommation : d’une logique civiliste à une logique de régulation » : RTD com. 2014, p. 705, spéc. nos 24 à 46.
Cass. 2e civ., 7 mars 2006, n° 05-12338, Senacq, et nos 05-10366 et 05-10367, Varagne : Bull. civ. II, n° 63 ; Rapp. C. cass. 2006, p. 401 ; RGDA 2006, p. 479, note Kullmann J. ; Resp. civ. et assur. 2006, comm. 208, note Courtieu G. ; JCP G 2006, I 135, obs. Mayaux L. ; JCP G 2006, II 10056, note Descorps Declère F. ; JCP G 2006, I 153, n° 1, obs. Sauphanor-Brouillaud N. ; JCP E 2006, 1938, note Hovasse S. ; RDI 2006, p. 173, obs. Grynbaum L. ; RDC 2007, p. 223, obs. Rochfeld J.
Pierre P., « La modification du régime de la renonciation de preneur d’assurance sur la vie » : Resp. civ. et assur. 2015, étude 4. Sur l’ensemble de l’évolution et de la question, v. Noguero D., « La bonne foi comme condition de la prorogation du droit de renonciation en assurance-vie », RRJ 2015, p. 1425 à 1509.
Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-12767, PB : JCP G 2016, 811, note Mayaux L. ; D. 2016, p. 1797, note Perdrix L. ; JCP N 2016, 1265, note Pailler P. ; RGDA sept. 2016, n° 113s4, p. 438, note Kullmann J.
Exemple récent, v. Cass. 1re civ., 15 oct. 2014, n° 13-16555, PB : D. 2014, p. 2108, obs. Avena-Robardet V. ; RTD com. 2014, p. 835, obs. Legeais D. ; Banque et droit 2015, p. 39, obs. Bonneau T. ; RD bancaire et fin. 2015, comm. 31, obs. Crédot F.-J. et Samin T. : « Ayant constaté qu’une erreur entachait le taux effectif global mentionné dans les prêt et avenant litigieux, la cour d’appel en a exactement déduit que la sanction de cette erreur appelait la substitution du taux légal au taux conventionnel dans chacun de ces actes, à compter de leur souscription et selon le taux légal en vigueur à leurs dates respectives. »
Ex. Cass. com., 30 oct. 2012, n° 11-22258 : « Vu les articles 1907, alinéa 2, du Code civil et L. 313-4 du Code monétaire et financier, ce dernier dans sa rédaction alors applicable, issue de la loi du 1er août 2003, ensemble les articles L. 313-2 et L. 313-1 du Code de la consommation, dans leur rédaction alors applicable, issue de l’ordonnance du 23 mars 2006 ; Attendu que le taux effectif global, qui doit être mentionné, en application des trois premiers de ces textes, dans tout contrat constatant un prêt destiné à financer les besoins d’une activité professionnelle, doit être déterminé comme il est dit au dernier de ces textes ».
Cass. 1re civ., 24 juin 1981, n° 80-12903 : Bull. civ. I, n° 234 ; JCP G 1982, II 19713, note Vasseur M. ; D. 1982, Jur., p. 397, note Boizard M. ; RTD civ. 1982, p. 429, obs. Rémy P. ; RTD com. 1981, p. 809, obs. Cabrillac M. et Teyssié B. : « Attendu que, si l’omission, dans un contrat de prêt d’argent, de l’indication du taux effectif global de l’intérêt conventionnel n’entraîne pas la nullité du contrat, il résulte de la combinaison des articles 1907, 2e alinéa, du Code civil et de l’article 4 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966, qu’en matière de prêt d’argent l’exigence d’un écrit mentionnant le taux effectif global est une condition de la validité de la stipulation d’intérêt. »
Cass. 1re civ., 24 juin 1981, n° 80-12903, préc., qui précise que la sanction est encourue « sans que les juges aient à rechercher si l’omission d’une telle mention est de nature à induire l’emprunteur en erreur sur les conditions du prêt ».
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