Clause d'exhérédation et condition potestative
La Cour de cassation continue de dessiner le régime des clauses d’exhérédation conditionnelle, dites « clauses pénales ». Après avoir suggéré que leur validité pouvait être remise en cause au nom d’une atteinte excessive portée au droit d’agir en justice et au droit au partage, la Cour rejette l’argument tiré du caractère potestatif d’une condition d’obtention d’un partage amiable.
Cass. 1re civ., 5 oct. 2016, no 15-25459
Les clauses d’exhérédation conditionnelle, qui ont notamment pour objet de priver de ses droits dans la quotité disponible le successible qui contesterait le partage organisé par le de cujus dans une libéralité-partage ou qui refuserait de prêter son concours à un partage amiable, sont l’objet d’une attention soutenue dans la jurisprudence récente de la Cour de cassation, comme en témoigne un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 5 octobre 2016. Était en cause, en l’espèce, la clause insérée dans son testament par le de cujus : « à défaut pour mes deux enfants Christiane et Philippe de se mettre d’accord lors du règlement de ma succession et de respecter mes volontés, je lègue à Philippe la plus forte quotité disponible de ma succession. » En d’autres termes, la clause litigieuse organisait l’exhérédation conditionnelle de la fille du de cujus, qui se trouvait privée de ses droits dans la quotité disponible[...]
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Sur cette évolution, v. Taisne J.-J., JCl. Civil Code, V° « Contrats et obligations. – Obligations conditionnelles. – Caractères de la condition », art. 1168 à 1174, Fasc. unique, n° 26 et s.
V. sur ce point, Deshayes O., Genicon T. et Laithier Y.-M., Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, commentaire article par article, 2016, LexisNexis, commentaire de l’article 1304-2.
Ibid., commentaire de l’article 1304-3.
V. Le Bars T. : D. 2016, p. 578.
Cass. 1re civ., 16 déc. 2015, n° 14-29285 : D. 2016, p. 578, note Le Bars T. ; RJPF 2016/2, n° 40, obs. Sauvage F. ; Dr. famille 2016, comm. 33, note Nicod M. ; RTD civ. 2016, p. 424, obs. Grimaldi M. ; JCP N 2016, 1159, note Goldie-Genicon C.
Sur la critique de la qualification de clause pénale, v. Mazeaud D., La notion de clause pénale, 1992, LGDJ, n° 243 et s. ; Le Bars T., « Les clauses dites “pénales” en droit des libéralités ou le mariage de la carpe et du lapin », in Le droit entre tradition et modernité, Mélanges à la mémoire de P. Courbe, 2012, Dalloz, p. 347 et s.
Sur cette critique et les conseils de rédaction pour échapper à cette qualification, avec une très pertinente proposition de rédaction de clause, v. Grimaldi M. et Vernières C., « De quelques clauses des donations-partages » : Defrénois 15 avr. 2014, n° 115t6, p. 388, qui proposent de priver seulement le donataire de sa part des biens donnés s’imputant sur la quotité disponible.
Sur cette question, v. Terré F., Lequette Y. et Gaudemet S., Les successions, Les libéralités, 4e éd., 2014, Dalloz, n° 405.
V. not. Cass. 1re civ., 9 déc. 2009, n° 08-18677 : JCP G 2010, 203, n° 14, obs. Le Guidec R. : nullité d’un testament-partage portant sur des biens indivis, application de la clause pénale.
V. not. Cass. 1re civ., 25 juin 2002, n° 00-11574 : Bull. civ. I, n° 175 ; D. 2003, Somm., p. 1875, obs. Nicod M. ; Dr. famille 2003, comm. 18, note Beignier B. ; RJPF 2002-11/39, obs. J.C. V. aussi, pour un héritier débouté de son action en révocation pour ingratitude, Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 04-16461 : Bull. civ. I, n° 74 ; RTD civ. 2008, p. 134, obs. Grimaldi M.
On trouve des décisions qui sanctionnent les clauses pénales qui soutiennent toutes les dispositions contraires à la loi et pas seulement contraires à l’ordre public, v. not. Cass. 1re civ., 10 mars 1970 : D. 1970, Jur., p. 584, note A. B.
V. sur ce point la forte démonstration de Le Bars T., note préc. ss Cass. 1re civ., 16 déc. 2015, n° 14-29285.
Sur la critique très fine de ce contrôle, v. la remarquable analyse de Chénedé F., « Contre-révolution tranquille à la Cour de cassation ? » : D. 2016, p. 796.
Cass. 1re civ., 13 avr. 2016, n° 15-13312 : Dr. famille 2016, comm. 152, par Nicod M. ; AJ fam. 2016, p. 275, obs. Casey J.
Ce droit s’étant par ailleurs vu reconnaître la nature de principe à valeur constitutionnelle, v. Cons. const., 9 nov. 1999, n° 99-419 DC : JCP G 2000, I 210, note Molfessis N.
Dans l’arrêt d’avril 2016, la Cour prend bien soin de relever que certains des immeubles dépendant de l’indivision successorale étaient, en l’espèce, indivis depuis plus de 20 ans, semblant suggérer qu’un maintien dans l’indivision pour une durée plus brève serait tolérable.
Nicod M., note préc. ss Cass. 1re civ., 16 déc. 2015, n° 14-29285 ; Sauvage F., obs. préc. ss Cass. 1re civ., 16 déc. 2015, n° 14-29285.
La jurisprudence préfère, elle, distinguer selon la légitimité des motifs ayant animé le disposant, v. sur cette question, Terré F., Lequette Y. et Gaudemet S., Les successions, Les libéralités, op. cit., n° 355.
V. sur ce point Le Bars T., « Les clauses dites “pénales” en droit des libéralités ou le mariage de la carpe et du lapin », préc., p. 352 : l’exercice de l’action en justice n’est pas en soi fautif, sauf caractérisation d’un abus.
V. en ce sens, Grimaldi T., obs. préc. ss Cass. 1re civ., 20 févr. 2007, n° 04-16461 ; v. aussi Flour J. et Souleau H., Les libéralités, 1982, Armand Colin, n° 231.
Réputée ou non non écrite, v. en ce sens Grimaldi M., note préc. ss Cass. 1re civ., 16 déc. 2015, n° 14-29285.
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