Garantie autonome - Appel manifestement abusif de la contre-garantie
Le caractère manifestement abusif de l’appel de la contre-garantie ne peut résulter du seul caractère manifestement abusif de l’appel de la garantie de premier rang, mais suppose de démontrer l’existence, au moment de l’appel de la contre-garantie, d’une collusion entre le garant de premier rang, bénéficiaire de la contre-garantie, et le bénéficiaire de la garantie de premier rang.
Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-28962
Spécificité de l’appel manifestement abusif d’une contre-garantie. – Le paiement aveugle dont la garantie autonome doit habituellement faire l’objet trouve pour heureuse limite son appel manifestement abusif ou frauduleux : « Le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre » (C. civ., art. 2321, al. 2).
On sait combien la jurisprudence est restrictive et n’admet que rarement une mise en échec de l’appel de la garantie. Tel sera cependant le cas lorsque, au regard de ses rapports avec le donneur d’ordre et compte tenu de son évidente absence de droit à son encontre, le bénéficiaire appelle tout de même la garantie : il l’appelle alors qu’il a déjà attesté de la parfaite exécution du contrat de base1, alors qu’il a reconnu avoir unilatéralement décidé de ne pas exécuter le contrat de base2 ou alors qu’il consent n’appeler la garantie que pour des raisons de pure politique[...]
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Cass. com., 10 juin 1986, n° 84-17769 : Bull. civ. IV, n° 117 ; D. 1987, p. 17, note Vasseur M. ; RD bancaire et bourse 1987, p. 18, obs. Contamine-Raynaud M. En revanche bien sûr, le fait que l’inexécution du contrat de base soit équivoque et prête lieu à discussion montre que l’appel en garantie n’était pas manifestement abusif : Cass. com., 18 déc. 1990, n° 89-14893 : Bull. civ. IV, n° 325 ; D. 1991, somm., p. 198, obs. Vasseur M.
Cass. com., 6 févr. 1990, n° 88-18481 : Bull. civ. IV, n° 33 ; D. 1990, somm., p. 213, obs. Vasseur M.
T. com. Bruxelles, 6 avr. 1982 et T. com. Paris, 12 févr. 1982 : D. 1982, p. 504, obs. Vasseur M.
Cass. com., 29 mars 1994, n° 91-21309, D : D. 1995, somm., p. 20, obs. Vasseur M. (rejet pourvoi c/ Paris, 26 sept. 1991 : D. 1992, somm., p. 239, obs. Vasseur M.). V. encore par ex., et dans les mêmes termes : Cass. com., 9 oct. 2001, n° 99-10485 : Bull. civ. IV, n° 158 ; RJDA 2/02, n° 203 ; Banque et droit, janv. 2002, p. 40, obs. Jacob F.
V. très nettement cette sanction d’une cour d’appel qui avait conclu à l’abus « sans rechercher si l'appel de garantie formulé par la société [bénéficiaire] était manifestement abusif ou frauduleux et, à supposer qu'il le fût, si à la date où il avait appelé la contre-garantie, le [garant de premier rang] ne pouvait avoir lui-même aucun doute sur la réalité de ce caractère manifestement abusif ou frauduleux » (Cass. com., 26 nov. 2003, n° 01-10062 : Bull. civ. IV, n° 175 ; RJDA 4/04, n° 479 ; D. 2004, AJ, p. 133 ; RD bancaire et fin. 2004, comm. 68, obs. Cerles A. ; Banque et droit, janv. 2004, p. 51, obs. Jacob F. et p. 66, obs. Affaki G. et Stoufflet J. ; RTD com. 2004, p. 146, n° 10, obs. Legeais D. ; JCP G 2004, I 141, n° 9, obs. Simler P. ; Banque et droit, nov. 2007, p. 48, obs. Affaki G. et Stoufflet J. ; JCP G 2007, I 212, n° 12, obs. Simler P.). V. égal. : Paris, 22 sept. 1995 : JCP G 1997, I 3991, n° 12, obs. Simler P. – Cass. com., 12 déc. 1995, n° 93-14756 : Bull. civ. IV, n° 289 ; JCP G 1997, I 3991, spec. n° 12, obs. Simler P. (et dans la même affaire : Cass. com., 4 juin 2002, n° 99-21477, D : RJDA 11/02, n° 1196) – Cass. com., 17 mars 2004, n° 02-18092, D : JCP G 2004, I 188, n° 12, obs. Simler P. – Cass. com., 22 mars 2011, n° 09-71690, D : RD bancaire et fin. 2011, comm. 135, obs. Cerles A.
Cass. com., 3 mai 2016, n° 14-28962, PB : JCP G 2016, doctr. 1020, obs. Bourdeaux G. ; Gaz. Pal. 21 juin 2016, n° 267w9, p. 35, obs. Dumont-Lefrand M.-P. ; LEDC juin 2016, n° 95, p. 3, obs. Leblond N. ; JCP E 2016, 1587, obs. Mathey N. ; AJCA 2016, p. 290, obs. Mégret G. ; D. 2016, p. 1748, note Netter E. ; JCP G 2016, 721, note Simler P. et doctr. 1224, obs. Simler P.
V. not. aussi en ce sens : François J., « Les sûretés personnelles », in Larroumet C. (dir.), Droit civil, 2004, Economica, n° 422, note 2, p. 367 ; Prüm A., Les garanties à première demande, Teyssié B. (préf.), 1994, Litec, n° 483 ; Simler P., Cautionnement. Garanties autonomes. Garanties indemnitaires, 2015, LexisNexis, n° 1033.
Pour une analyse différente de l’arrêt, v. Netter E. qui estime que cette appréciation de la collusion au jour de l’appel de la contre-garantie permet désormais d’éviter qu’un garant ayant payé le bénéficiaire dans l’ignorance de l’abus commis voie son appel de la contre-garantie tenu en échec en raison de la connaissance qu’il en aurait postérieurement acquise (note préc. sous arrêt commenté).
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